Louis-Julien PETIT : de Benigni à Adjani !

La vie n’est pas que politique.

Une fois n’est pas coutume, je me lance dans une nouvelle série d’interviews pour vous chers lecteurs. C’est dans ce sens que le talentueux réalisateur Louis-Julien PETIT est venu hanter mon esprit.

Qui ne tente rien n’a rien. La Branche pour cela demeure un lieu formidable d’écoute et d’échange. C’est ainsi que dans l’après-midi du 25 avril 2017 j’ai pu obtenir un entretien téléphonique avec le réalisateur trentenaire.

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Louis-Julien Petit – crédit photo : Robin Cerutti

Voici pour vous l’échange que j’ai pu avoir avec lui.

@romainbgb – 27/04/17

Amusé ! Comme quoi un lieu de naissance peut être lieu d’amusement. La page Wikipédia comporte une erreur : le lieu de naissance de Louis-Julien. Ce dernier est bien né le 6 septembre 1983 mais à Toulon et non à Salisbury au Royaume-Uni.

« Je ne sais pas d’où ça vient, mais je suis bien né en France. »

Une fois cette précision faite, le portrait de Louis-Julien peut commencer.

En parlant avec lui, je comprends que ses parents ne sont pas du tout dans le domaine du septième art. Comme tout réalisateur, un film sera le précurseur de son envie d’aller derrière la caméra. Le génie oscarisé du cinéma transalpin, Roberto Benigni, permettra cela. En ces temps de grandes mutations et de changement, il vaut mieux se dire que Roberto Benigni a raison : La vita è bella !

« Mes parents ne sont pas du tout issus du milieu cinématographique. Mais je me souviens qu’à l’âge de treize ans je tombe sous le charme du chef-d’œuvre de Roberto Benigni, La vita è bella ! C’est à ce moment-là que j’ai su ce que je voulais faire : réalisateur de long-métrage. J’ai fait un lycée audiovisuel à Aix-en-Provence puis une école de cinéma (ESRA) dont je sors diplômé en 2004. »

La première fois : sous l’œil d’Alfonso Cuarón.

Lors du film Paris, je t’aime, dix-huit tableaux de vie parisiens sont mis en valeur dans le film. Le lieu du Parc Monceau, sous l’œil du mexicain Alfonso Cuarón, sera l’un des premiers films où Louis-Julien fera ses armes d’assistant-réalisateur. La première fois où Louis-Julien met les pieds sur un plateau de tournage.

L’apprentissage.

Durant la décennie qui suivra, une place d’assistant de choix dans les mises en scène de film se réalisera pour Louis-Julien. (Besson, Nolan, Scorsese, Chatilliez, Nemes, Benguigui, Giannoli…) L’apprentissage commence à ce moment-là. Tout est à apprendre : l’essence même du travail commence. À savoir même comment gérer une figuration sur un plateau de cinéma.

La rencontre avec Xavier Giannoli sur le tournage du film À l’origine, va également marquer Louis-Julien.

Dans cette continuité, un tournant dans la carrière de Louis-Julien se précise. C’est un peu plus tard, qu’il fait la rencontre avec celle qui deviendra sa productrice : Liza Benguigui et sa société de production : ELEMIAH. Une vraie complicité et une amitié se lient entre eux. Deux films en sont le fruit aujourd’hui.

Discount

Un jour, il faut bien finir par devenir soi-même le maître du plateau de tournage. C’est chose faite en 2014 pour Louis-Julien. La thématique sociale (on reviendra dessus plus bas) prend sa place dans son cinéma.

Dans le scénario, afin de lutter contre la mise en place de caisse automatique, des salariés d’un Hard Discount créent leur propre Discount alternatif. Ceci en récupérant des produits voués en principe au gaspillage. Corinne Masiero fait partie du projet. Elle sera également de nouveau là, de manière bluffante dans Carole Matthieu pour donner la réplique à Isabelle Adjani.

Dominique Besnehard.

Traditionnellement le cinéma français remercie Claude Berri. Pour Louis-Julien, ce sera Dominique Besnehard. D’abord par la magie du Festival du film d’Angoulême, où le film Discount a reçu le Prix du Public en 2014. Et c’est encore lui qui projettera Carole Matthieu, deux ans plus tard, avec pour la première fois, la présence d’Isabelle Adjani au festival.

 

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Monsieur Louis-Julien Petit et Mademoiselle Isabelle Adjani – Droit Réservé

Mademoiselle Isabelle Adjani

« En septembre 2014, Isabelle Adjani cherchait un réalisateur pour adapter le livre de Marin Ledun, Les visages écrasés (Seuil, 2011). Par l’intermédiaire de ma productrice, je l’ai rencontrée et sa détermination et la puissance du livre m’ont convaincu. C’est une rencontre incroyable !

« J’avais deux rêves dans ma vie. L’un c’était de faire du cinéma et le deuxième c’était de travailler avec elle ! À trente-trois ans, j’ai réalisé les deux ! »

« Travailler avec Isabelle Adjani, c’est unique ! On n’est pas beaucoup sur la liste. Il y a eu un hommage qui a été fait au Festival du Film de Marrakech, un clip sur ses meilleurs films a été diffusé et Carole Matthieu en faisait partie… j’étais très ému ! C’est une vraie expérience ! Peut-être que l’on se retrouvera, qui sait ? ! La porte est ouverte…

« Isabelle est une actrice très rare, c’est un diamant brut. Il faut vraiment travailler en profondeur avec elle, entièrement et de manière fusionnelle. Un film en demi-mesure, « ce qu’on appelle les « caméos », ce n’est pas, selon moi, une façon de mettre en avant son immense talent. »

La réaction de François Truffaut, citée par Isabelle Adjani elle-même, en sortant du film La Gifle me vient alors à l’esprit : « J’ai eu la conviction qu’on devait vous filmer tous les jours, même le dimanche ! »

« Oui c’est vrai. Quand on commence avec Isabelle, c’est dur de s’arrêter ! Plus sérieusement, le travail est continu… Elle est totalement disposée pour le film et s’investit pleinement et complètement dans le film et sa mise en scène. Pour ma part, je travaille de la même manière, faire un film devient une nécessité, une urgence. Il m’arrive souvent d’oublier de m’alimenter, de boire, de dormir… »

Quand on la voit au début du film, le visage tuméfié, c’est une confiance donnée au réalisateur que peu d’actrices font. C’est une scène magistrale.

« Je suis très fier de cette scène. C’est une scène que l’on a tournée le dernier jour de tournage. Je remercie Isabelle, car il faut avoir confiance en son réalisateur pour se livrer, face caméra dans un plan séquence. Une disponibilité totale comme celle-là, c’est très rare ! Je sens notre relation dans cette scène. D’ailleurs c’est moi qui fais la voix off. On est tous les deux à nu. C’est un très beau moment. »

 

Réseaux Sociaux. Vous êtes assez présent sur les réseaux sociaux. Est-ce une envie personnelle ou une contrainte professionnelle au début ?

« Ni l’un ni l’autre. Ce n’est ni une obligation ni une envie. C’est juste que comme tout le monde, au début, j’ai eu une page Facebook avec mes amis. Des gens du milieu ont commencé à m’envoyer des messages. Au départ c’était uniquement professionnel et après des spectateurs se sont mis à témoigner. Je fais des films sociaux souvent d’actualité, alors parfois, ça parle… J’ai envie d’être disponible comme je le suis aujourd’hui avec vous, avec mes spectateurs. Le cinéma, c’est fait pour débattre, c’est ça qui est intéressant ; pas que dans les salles, mais bien au-delà… »

 

Sans rentrer dans une querelle partisane, après les résultats du premier tour de la présidentielle française, mon regard se porte sur la thématique sociale dans le cinéma de Louis-Julien. Implication politique ou implication sociale de la part du réalisateur au travers de ces deux films Discount et Carole Matthieu ?

« Je crois que mes films parlent d’eux-mêmes dans leurs réflexions politiques. Je crois en la politique dans le sens noble, c’est-à-dire à une politique qui rassemble et qui fait débat. Mes personnages sont confrontés à une intrigue qui est une problématique de société. Il va donc réagir (et peut-être résoudre) à une problématique à laquelle il ne croit pas. (cf. Discount : Gaspillage alimentaire ou Carole Matthieu : souffrance au travail)

« Parfois on me demande si je suis militant ? Je ne suis pas militant, mes films le sont. Tout ce que je souhaite c’est que ça fasse débat et que l’on ait avec les spectateurs après, libérer la parole… Je trouve que l’essence du cinéma est là. En tout cas c’est la manière dont je le conçois. Il doit provoquer émotionnellement pour interroger le spectateur sur le propos du film. »

Vous ne vous ressentez pas politique en tout cas ?

« Non. La politique c’est comme la religion, c’est personnel. Je ne m’exprime pas là-dessus. Je suis de plus en plus souvent sollicité sur le sujet, je ne vais pas vous dire le contraire. Depuis Discount, j’ai été sollicité pour faire parti de tel ou tel candidat, mais ça ne m’intéresse pas… »

Compte tenu de la vision noble que se fait Louis-Julien de la politique, cela est plus que compréhensible.

« En revanche, mes films appartiennent à tout le monde. Si on me le demande pour les étudier, pour les travailler, pour les montrer, il n’y a aucun problème. Je fais vraiment ça au-delà du politique, c’est du sociétal. Dans mes deux films, je traite d’une catégorie de gens que les politiques laissent souvent à l’écart. Ce sont des personnes que l’on met (trop souvent) de côté, à qui l’on ne demande pas leur avis. Celle que les politiques appellent la majorité silencieuse. »

 

Est-ce que vous auriez une définition de la culture ?

« Pour moi, la culture c’est tout ce qui se rapproche de l’Art en général. C’est un moyen d’expression dont on sous-estime (souvent) sa puissance et son impact dans la société. Une société sans culture, c’est une société qui meurt. La culture est le reflet d’une société qu’elle soit en mutation, en mouvement, en changement et souvent en crise…

« La culture est en phase avec la société et elle la marque son empreinte en offrant à tous des œuvres d’art. Que ce soit dans la peinture, le dessin, la musique, le cinéma… La culture marque la mémoire et nous en avons besoin pour les générations à venir de cette mémoire-là. C’est comme une empreinte d’une société, qui devient de plus en plus essentielle en ces temps mouvementés. On doit défendre la culture, aujourd’hui et demain.

« Je n’ai pas envie dans mon pays avoir une politique d’austérité qui ruine la culture, comme l’a été Margaret Thatcher en Grande-Bretagne. Elle a fermé tous les budgets cultures et un mouvement de résistance s’est créé au cinéma. Des cinéastes comme Ken Loach ou Stephen Frears, à travers des comédies sociales se sont moqués de la crise. Aujourd’hui j’essaye de m’en inspirer. »

***

Merci à Louis-Julien Petit pour sa disponibilité et sa bienveillance. Rendez-vous est pris dans les salles obscures pour suivre ses nouvelles aventures.

 

 

2 commentaires sur « Louis-Julien PETIT : de Benigni à Adjani ! »

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