Jean, Bruno, Wladimir, François de Paule Lefèvre d’Ormesson, dit Jean d’Ormesson (16 juin 1925 – 5 décembre 2017).
Un réveil qui ne ressemble à aucun autre. Ou quand tout d’un coup, dans une phase de demi-sommeil, un coup de téléphone te sort du lit de premier matin. En voulant me fixer un rendez-vous, on m’annonce, de manière anodine entre deux sujets, la mort du génie français. Le temps que la caféine fasse son effet, et que la lecture de la dépêche AFP apparaisse sur mon écran, Jean d’O n’est plus.
Ce billet n’est pas là pour faire son éloge funèbre, mais juste un simple hommage du petit écrivain que je suis au grand monument de la littérature française.
Je me souviendrai toujours de ce moment de grâce lors d’une dédicace de son ouvrage Voyez comme on danse, parut en septembre 2001 aux éditions Robert Laffont. Cette image-là que je garde gravé en moi à jamais. J’avais lu, et lu par la suite, d’autres ouvrages de Jean d’ Ormesson, mais je dois avouer que celui-ci m’a particulièrement troublé. Est-ce peut-être le fait que le personnage principal, dont le narrateur évoque la mémoire, suite aux obsèques du personnage au début du livre, s’appelle Romain ?!
La dédicace que j’ai reçu m’a troublé, et me touche aujourd’hui encore en la relisant avec vous. Je vous recommande ce petit bijou, où le souvenir de son ami, Roman Kacew – dit Romain Gary, compagnon de la Libération, diplomate et écrivain, est présent.
Il y a trente-sept ans, le 2 décembre, ce dernier choisit de ce donner la mort dans son appartement de la rue du Bac. Je me rappelais il y a encore deux jours cette magnifique formule de Romain Gary dans sa lettre d’adieu : « Les fervents du cœur brisé sont priés de s’adresser ailleurs. » Cette fois-ci, nous avons à notre tour notre cœur brisé à l’annonce de la disparition de cet Immortel ! Une façon de penser à ces deux compagnons, qui m’accompagne dans mes lectures et mes insomnies.
Immortel. A l’âge de quarante-huit ans il fait son entrée sous la coupole du Quai Conti, en succédant à Jules Romain au fauteuil numéro 12. Il est, à ce moment-là, le benjamin de l’Académie française. Il en sera le fer de lance sur beaucoup de sujet, et notamment pour l’entrée des femmes au sein de l’Institut. Son coup de génie arriva en 1980, lorsque Marguerite Yourcenar fut élue membre de l’Académie au fauteuil numéro 3, succédant à Roger Caillois.
Son chemin continuera avec en apothéose la journée du 18 mars 2010 avec la réception sous la Coupole de Simone Veil. Un vibrant hommage, remplit d’admiration et d’amour y raisonne. Point d’orgues de cette journée, avec la présence exceptionnelle de trois président de la République française : Messieurs Giscard d’Estaing, Chirac et Sarkozy. Le fauteuil numéro 13, qui fut celui de Jean Racine, reprend vie.
Bonjour tristesse. Adieu Jean. Je me permets de partager avec vous les quelques mots de Julien Doré, suite à l’annonce du décès de notre Immortel :
« Il y a des jours, des mois, des années interminables où il ne se passe presque rien. Il y a des minutes & des secondes qui contiennent tout un monde. […] Ne mettez trop haut ni les gens ni les choses. Ne les mettez pas trop bas. Montez.»
Epitaphe. Cet amoureux de la vie et de la littérature, en 2015 dans une interview au JDD, disait avoir déjà choisi la phrase qui sera inscrite sur sa tombe. Elle lui vient de Louis des Balbes de Berton de Crillon (1543-1615), ami et compagnon d’armes du roi Henri IV :
« Le roi m’aimait, les pauvres me pleurèrent. »
Il y a donc des années dont on se souviendra. Notre belle Jeanne disparue pour le jour de mes 33 ans ; GGB disparu le jour de la Sainte-Emilie ; et maintenant vous, cher Jean … Nous nous reverrons un jour où l’autre !
@romainbgb – 05/XII/2017