Un nageur à la conquête de ses rêves.
Chers Lecteurs,
La conquête des rêves semble prendre une grande part dans l’enfance lorsqu’on les évoque avec les personnes interrogées. Je continue le partage avec vous de ma série de portraits avec un jeune rêveur.
Autodidacte. Le nouvel interrogé se construit par lui-même pour faire vivre depuis tout petit sa passion pour la natation en devenant Champion de Paris de 50 mètres nage libre des moins de 7 ans.
Traversée de la Manche à la nage. Premier défi pour le jeune aventurier qui se lance à la conquête de cet exploit à seulement 16 ans. Il arrivera au bout de cette traversée après 9 heures 47 minutes.
Bénévolat écologique. Fort de ses convictions, notre interrogé prendra part à divers projets associatifs bénévoles, notamment au sein de l’association Tara Océan. Ce qui se conclura par un service civique au sein de la Fondation GoodPlanet.
La Seine à la Nage. Tel un nouveau combat, notre nageur-rêveur part en expédition afin de pouvoir porter son message écologique. Le 6 juin 2021 démarrera son défi de descendre la Seine à la nage.
Je vous laisse partir à la découverte d’un nageur à la conquête de ses rêves : Monsieur Arthur Germain.
Dans le contexte pandémique que nous connaissons, la réalisation de ce portrait a été réalisé en visioconférence avec M. Germain le 18 mai 2021.
Bonne lecture !
@romainbgb – 21/05/21
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Biographie Express de M. Arthur GERMAIN :
*2001 : Naissance à Paris (14ème arrondissement).
*2006 : débute la natation en club.
-Champion de Paris de 50m nage libre des moins de 7 ans.
*mai 2018 : vice-champion de France de natation du 25km.
*24 juillet 2018 : plus jeune Français à traverser la Manche à la nage en 9H 47mn.
*2019 : Obtention du Baccalauréat série S mention Bien au Lycée Camille Sée (15ème arrondissement)
*2020 : première année de Licence en physique/philosophie à l’Université de la Sorbonne.
*mai-juil.2020 : bénévole au sein de l’association Tara Océan.
*juin 2020 : lance son défi de descendre les 774kms de la Seine à la nage, en autonomie complète.
*sept.2020-fév. 2021 : service civique au sein de l’association GoodPlanet.
*6 juin 2021 : départ de son défi « La Seine à la Nage ».
-membre de l’association « Les reflets de l’eau ». Cette association aide les femmes et les enfants à apprendre à nager en France et au Sénégal. Chaque année, elle organise une traversée entre Dakar et la presqu’île d’Ngor. Il y a assisté en septembre 2018 et 2019.
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À quoi rêve le petit Arthur lorsqu’il est enfant ?
« Lorsque j’étais enfant, j’avais plein de rêves. J’ai toujours été un grand rêveur.
« Un des premiers « gros » rêve que j’ai eu, c’était celui de traverser la Manche. C’est venu lorsque j’avais 10 ans. Quelque chose de peut-être assez bête mais j’ai toujours voulu aussi gravir l’Everest. C’est quelque chose qui m’a beaucoup touché.
« J’ai été aussi beaucoup bercé par les exploits de Mike Horn, des aventuriers. J’adorai cela. Avec mon père l’on partait souvent en petite expédition lorsque j’étais encore petit. Depuis aussi loin que je m’en souvienne j’étais un gamin rêveur, effectivement. J’adore cela. »
Quel souvenir gardez-vous de vos années lycéennes ?
« J’en garde un souvenir mitigé.
« J’étais content. J’y avais des amis. On était une classe assez soudée. Nous étions tous des sportifs. C’était une classe avec des horaires aménagés. On était très peu mélangé au reste du Lycée. J’avais des bons amis. C’était très agréable.
« Je dois avouer que je n’ai jamais été trop porté sur les études mais plus sur le côté autodidacte, on va dire. J’étais un élève dans la moyenne on va dire, avec plus ou moins 13 / 14 de moyenne pendant toute ma scolarité. Les professeurs n’étaient pas du tout compréhensifs avec ma manière de faire. Ils voyaient que je n’étais pas un gros bosseur sur ce qu’ils me demandaient de travailler. Ils ne voyaient pas ce que je faisais à côté. Ce qui était pour moi quelque chose d’assez frustrant. Je ne me sentais pas du tout à ma place dans ce système-là.
« Il est vrai que j’ai passé mon Baccalauréat en même temps que je préparai ma traversée de la Manche, à la nage. Cela a été très compliqué de gérer les deux en même temps. Je dormais en cours tellement j’étais épuisé. J’ai passé mon Baccalauréat et je suis ensuite rentré à la Fac. »
Que retenez-vous de votre passage sur les bancs de la Sorbonne ?
« C’est un peu pareil. J’y suis rentré. Je m’entends toujours tout de suite très bien avec les personnes autour de moi. De ce côté-là, c’était bien. Mais effectivement, je ne me reconnaissais, une fois de plus, pas du tout dans le système parce que c’était déjà très spécifique, alors que je n’étais qu’en première année de Licence. Je faisais de la philosophie et de la physique, qui sont des matières assez larges. Pour moi c’était trop spécifique. Cela n’avait pas d’intérêt. Je prends cela en compte juste pour moi mais je ne me reconnaissais pas. Cela n’avait pas de sens dans ma vie.
« J’ai vite décidé de me lancer dans autre chose. D’arrêter la Fac surtout mais de commencer du bénévolat. À me mettre dans des associations à but écologiques etc… Pour moi, c’est un superbe choix que j’ai fait. Je ne le regrette pas du tout aujourd’hui.
« En ce qui concerne mes parents, cela n’a pas toujours été simple de les convaincre. Je pense que n’importe quel parent aurait du mal à accepter que son fils veuille arrêter les études. Ce qui est toujours la grande discussion. Je leurs ai fait comprendre que pour moi, ce n’était pas ma voie, les études. Je leurs ai montré que j’étais passionné par autre chose. Quand j’ai commencé à faire du bénévolat, ils ont vu que j’étais heureux en faisant cela. Cela les a convaincus, plus que tous les éléments rationnels on va dire, que j’aurais pu leur donner [Rires].
Comment est né votre passion pour la natation ?
« C’est venu depuis tout petit. Mes parents me baignaient dans l’eau, déjà à l’âge de six mois. J’ai appris à nager lorsque j’avais deux ans. Mes parents me baignaient partout, dans la mer, les lacs, les rivières…
« Je n’ai jamais été diagnostiqué comme cela, mais à l’époque j’étais déjà hyperactif. Je courrais partout ; je ne dormais pas la nuit etc…Il est vrai que pour moi cela a été un moyen de me canaliser, au début. Après, je n’ai jamais arrêté. Je suis rentré en club à 4 ans. À 6 ans, je nageais déjà trois fois par semaine. C’est monté à beaucoup plus lorsque je suis passé au Collège.
« Il y a des moments où effectivement j’ai douté de ma passion. Je me suis posé la question de savoir si j’avais l’envie d’arrêter etc… Mais moi, lorsque je m’arrête deux semaines, cela me démange. J’ai besoin d’aller dans l’eau. C’est un besoin vital.
« Avec la fermeture des piscines, j’ai essayé de trouver tout de suite, par n’importe quel moyen, la possibilité de pouvoir y retourner. Je n’ai pas pu nager pendant deux mois, lorsqu’il y a eu la fermeture des piscines avec la crise sanitaire. J’ai envoyé des messages à tous les clubs, à tous les centres de formations. Même des messages opportunistes au directeur technique national de l’équipe de France de natation… J’ai tout essayer pour pouvoir retourner dans l’eau. Finalement, cela a fonctionné. J’ai réussi à y retourner en novembre dernier. Depuis, j’ai trouvé une piscine à chaque fois que cela a été fermé. »
Comment avez-vous vécu votre titre de vice-champion de France de natation du 25 kilomètres ?
« C’était un gros accomplissement dans ma carrière de nageur, on va dire.
« Pour moi cela est resté anecdotique parce qu’à ce moment précis de ma vie, je m’en moquais un peu de la compétition. Ce qui comptait pour moi c’était de traverser la Manche.
« Jusqu’à mes 14 – 15 ans, j’étais à fond dans la compétition. Au bout d’un moment j’ai compris que cela n’était pas fait pour moi. Ce n’était pas forcément non plus mes valeurs. Encore une fois, j’ai toujours eu un superbe contact avec les autres compétiteurs. Je n’avais pas forcément pour vocation dans ma vie d’être le meilleur nageur au monde.
« Le titre de vice-champion de France est resté anecdotique, on va dire. Pour moi, les championnats de France c’était une préparation, un entrainement pour la traversée de la Manche. Cette traversée est un souvenir qui reste dans la tête. [Rires] »
Comment avez-vous vécu l’expérience bénévole au sein de Tara Océan ?
« Ce fut vraiment un moyen, pour moi, de m’émanciper. C’était un peu le début de ma vie. Il est vrai qu’avant j’étais toujours dans le système éducatif « classique », on va dire. Dès que j’ai arrêté la Fac, je suis rentré à Tara. Pour moi, cela a tout changé. J’ai pu rencontrer des gens qui étaient passionné par ce qu’ils faisaient. Ce que l’on ne rencontre pas forcément avant, dans le système éducatif. J’ai énormément appris de l’expérience des marins à bord. Il y a eu un déclic très intéressant, du côté humain, qui s’est produit. Ce qui m’a permis aussi de grandir personnellement.
« Je ne l’ai pas expliqué mais en fait Tara c’est un bateau scientifique qui étudie tous les problèmes environnementaux liés à l’océan. C’est pour cela que j’étais passionné. Je connaissais l’existence du bateau depuis tout petit. C’était un rêve de monter dessus. C’était une très bonne expérience et en plus à l’époque je commençais à développer ma conscience écologique. Ce qui m’a permis d’affiner un peu ma pensée ; d’avoir des bases solides sur lesquels me fier quand je discutais autour de moi d’écologie. Lorsque j’expliquais pourquoi j’étais végétarien, quand j’expliquais pourquoi je faisais attention à ma consommation d’eau. »
Que retenez-vous de votre service civique au sein de GoodPlanet ?
« Il est vrai que lorsque j’étais au sein de l’association Tara Océan, je ne portais pas mon propre message. Je portais le message de l’association. C’était parfois un peu frustrant. J’avais envie d’aller plus loin, aussi, dans mon message. Notamment avec le fait que les gens voyaient l’écologie comme quelque chose de très punitif. Je discutais pendant une heure avec les personnes. À la fin, ils me disaient : « c’est super, vous m’avez convaincu mais je ne pourrais pas changer mon mode de vie car je n’ai pas l’argent. Je n’ai pas le temps. C’est trop contraignant etc… »
« Je voulais justement montrer aux personnes que ce n’était pas cela l’écologie. Que cela pouvait être quelque chose de beaucoup plus positive, de joyeux, que l’on fait ensemble etc… Cette envie-là, je l’ai eu juste après mon bénévolat à Tara. Il est vrai que quand j’étais à GoodPlanet, j’étais en service civique. J’étais plus dans l’institution. Cela m’a permis de voir comment gérer une association, de quels besoins ils ont, qu’est-ce que cela veut dire concrètement ? J’ai pu élargir mon champ. J’avais beaucoup de connaissances liées à l’océan.
« Chez GoodPlanet cela m’a permis de réfléchir à plus large. Qu’est-ce que cela voulait dire l’écologie en général ? Qu’est-ce que c’est dans notre société ? Quelle place cela peut avoir dans notre tête ? etc… Cela m’a permis de beaucoup plus affiner mon message que de me lancer dedans. »
Comment est née la rencontre et votre participation au sein de l’association « Les reflets de l’eau » au Sénégal ?
« Cela s’est fait un peu par hasard. Il se trouve que j’ai un ami qui faisait parti de cette association, avec qui je m’entraîne depuis toujours. On est des nageurs de libres, passionnés l’un comme l’autre par la natation. Il s’appelle Paul Reuillon. Il m’avait parlé de cette association-là, avant que je traverse la Manche à la nage.
« J’avais fait une cagnotte pour pouvoir effectuer ma traversée à la nage parce que cela coûte assez cher. Tous l’argent que j’avais eu en plus, je l’ai reversé à cette association-là. Il y avait 2’600€. Ce qui leur a permis de pouvoir acheter des maillots de bains, des lunettes et des bonnets de bain pour à peu près 300 sénégalais. Ce qui est assez énorme. On est parti au Sénégal pour distribuer tout ce matériel-là. On a également organisé une petite course, d’environ 600 mètres, pour l’amusement. Tout le monde peut participer. On a eu un peu moins de 400 participants.
« Ce qui a été une expérience intense, humainement parlant. C’était super. Le souvenir que j’en garde également, c’est qu’après avoir fait vivre l’association, au Sénégal, le dernier jour, on avait le dernier jour de libre, où l’on faisait ce que l’on voulait à Dakar. Avec mes amis nageurs, il y a une course que l’on adore faire, qui est la traversée entre Dakar et Gorée. Cette traversée fait à peu près 7 kilomètres. Ce qui est un peu la course mythique en Afrique. Ils viennent de partout pour la faire. Il y a, à peu près, mille participants chaque année.
« J’ai eu la chance de pouvoir nager dans cette compétition. L’eau y est tellement sale… On ne peut pas s’en rendre compte, si l’on ne l’a pas vécu. Quand on nage, on se prend des bidons d’essences dans la figure, des bouteilles d’eau en plastique. Il y a une odeur de gasoil, on est dans une espèce de marée noire, en fait. C’est hyper impressionnant d’être là-dedans. L’eau est trop chaude. On ne peut pas mettre de combinaison. Quand on me dit qu’à Paris je risque ma vie, en nageant dans de l’eau sale, je leurs sort cet exemple à chaque fois.
« C’est après cette expérience, en 2018, que je me suis lancé dans le bénévolat. Cela m’a vraiment marqué. »
Quel regard un jeune de 19 ans porte-t-il sur l’écologie et la planète du XXIème siècle ?
« C’est une très bonne question.
« Pour ma part, le problème est plus global. Il ne vient pas seulement de l’écologie. On a tous un peu en tête les enjeux actuels, que ce soit ceux lié à la condition des femmes, au racisme, à la recherche de la vraie information etc… L’écologie aussi, bien sûr. Tous ces problèmes-là, ils viennent du fait que l’on s’éloigne les uns des autres. On est dans une société où l’on a tendance à se retrouver de plus en plus isolé de nos semblables. Ce manque de proximité, de discussion, de compréhension aussi de l’autre, fait que cela cause beaucoup de problème. On a déjà la peur de l’autre.
« Dans l’écologie, pour moi, l’approche que j’en ai c’est que l’on ne peut pas être « écolo » tout seul. Cela n’existe pas. On peut faire attention à notre consommation, acheter du Bio. Si l’on a assez de moyen, l’on peut vraiment faire attention à tout cela. Même moi, qui suis très « écolo », qui essaye de faire très attention à ma consommation… Je ne suis pas autonome en électricité. Je consomme beaucoup trop d’eau, beaucoup trop de déchets. Je ne peux rien faire seul, en fait.
« Ce qui est intéressant c’est que si l’on créé des initiatives dans nos quartiers, dans nos immeubles, pour par exemple installer un récupérateur d’eau. Si j’ai cassé mon ordinateur, que je puisse demander de l’aide à mon voisin que je sais qu’il est bricoleur. On peut se débrouiller. En fait, c’est cela qui manque actuellement dans nos sociétés, c’est la débrouille. Parce que, effectivement l’on ne peut pas changer de société. On ne peut pas changer de manière d’aborder la vie en commun si l’on n’a pas cet aspect débrouille. Celui-ci, il né en mettant des choses en commun.
« Pour moi c’est vraiment un problème qui est lié à l’isolement de chacun. Je ne sais pas à quoi cela est dû. Cela peut être dû à beaucoup de choses. Je cherche plutôt les solutions que les problèmes, on va dire. [Rires]
« Je pense que l’une des solutions très efficace serait de nous rapprocher vraiment de nos voisins. »
Comment est né votre projet « La Seine à la Nage » ?
« Il est né à la suite de mon bénévolat à Tara. J’avais pour idée de continuer à porter mon propre message. Je voulais utiliser ma passion pour la natation. Je ne voulais pas le faire autrement. Le projet initial était faire simplement un film sur une traversée, à la nage, de Paris. Ce qui n’avait pas été fait depuis 1945. Ce qui aurait été intéressant pour parler de la pollution plastique, montrer les déchets etc…
« J’ai étoffé ma réflexion. Je me suis penché un peu sur ce que j’avais vraiment envie de transmettre comme message. Je me suis dit : « En fait, non. Cela ne va pas assez loin que de montrer seulement un nageur qui nage dans des déchets à Paris. Ce n’est pas assez abouti. La Seine, ce n’est pas simplement Paris, c’est aussi ce qu’il y a avant. C’est aussi ce qu’il y a après. » Comme un terminal de plateforme pétrolier au Havre. Comme des zones intenses de biodiversités vers Troyes. Même la source de la Seine. Moi-même j’oubliais tout cela, avant de me pencher sur ce projet.
« C’était important. Pour moi, le message va être plus large parce que je pourrais aborder plus de sujets. Le projet est né un peu comme cela. Je dirais aussi qu’il s’est construit aussi au fur et à mesure de mes rencontres. Au début j’ai dit que je souhaitais faire ce projet-là et sensibiliser à l’écologie et aux enjeux liés à la Seine et sa biodiversité etc…Pour que mon message ait vraiment du sens, j’avais le besoin de vraiment connaitre le fleuve.
« Je suis allé à la rencontre des gens qui connaissent le fleuve. J’ai pu rencontrer un Monsieur, un photographe qui habite au Havre, passionné par la Seine, rêvant depuis 20 ans de remonter l’intégralité de la Seine et de la photographier. J’ai pu discuter avec lui et apprendre beaucoup de chose sur l’histoire du fleuve. J’ai pu rencontrer des personnes qui s’occupent des réserves naturelles de la Seine. Eux m’ont expliqué les enjeux écologiques, pourquoi cela était important. Ce qui est super intéressant ; ils ont des messages dont on n’a pas idée. Ils ne sont pas du tout écoutés.
« Mon idée c’était aussi de transporter à partir de mon épreuve, à partir de mon défi, tous ces messages-là. Tous ces gens qui ont beaucoup de connaissances, qui ont des choses à dire, que l’on n’écoute pas forcément. »
Puis-je vous demander la réaction de vos parents lorsque vous leurs avez parlé du projet ?
« Bien sûr, il n’y a pas de soucis. J’avais déjà traversé la Manche à la nage. Ils connaissaient déjà le processus, on va dire, de se lancer un défi un peu dingue, comme celui-là.
« Pour la traversée de la Manche à la nage, ils avaient été plus dubitatifs. Ils pensaient que je n’allais pas aller au bout de mon idée. Je leurs avait montré mon sérieux, que j’étais quelqu’un de bosseur. Je travaille dessus. Ils se sont vite rendu compte que cela n’était pas un problème. J’allais y arriver. J’étais passionné et déterminé. C’était l’important.
« Pour ce défi-là, c’est venu pareil. Au début, ils n’y croyaient pas trop. Ils savent comment je suis. Ils savent que lorsque j’ai une idée, j’y vais au bout. Tant que je n’ai pas essayé, je ne m’arrête pas, au moins. Je ne leurs ai pas vraiment laisser le choix, on va dire. [Rires] Ils réagissent comme des parents. Ils stressent mais en même temps ils souhaitent que je m’épanouisse. Ils me suivront. Puis dans les traversés de Troyes, Rouen, Paris et bien sûr au Havre, ils seront là. »
Le départ pour votre projet est prévu pour dans 15 jours. Comment vous sentez-vous ?
« Je me sens bien, honnêtement. Je ne me suis jamais senti aussi bien de ma vie, physiquement, je parle. Mentalement, j’ai une petite appréhension qui nait avant le début du projet. J’ai plus d’expérience on va dire que lorsque j’avais traversé la Manche. J’ai une approche totalement différente. Aujourd’hui je suis beaucoup moins stressé. Il y a une envie beaucoup plus forte de le faire que lors de la traversée de la Manche où je me demandais dans quoi je m’embarquais. Le matin, lorsque je suis parti, je me suis : « dans quoi je me lance ?! » [Rires] Là, ce n’est plus du tout le cas.
« Ce que j’appréhende encore c’est au niveau des autorisations. Pour moi, les deux choses qui peuvent faire que mon défi n’arrive pas au bout c’est au niveau des autorisations et/ou d’une blessure.
« Honnêtement, j’ai confiance en mon mental même si je sais que cela va être dur. Je sais que cela reste un dépassement de soi. Je sais que j’ai les ressources pour le faire. Si j’échoue parce que je suis allé au bout de moi-même, j’aurai cette satisfaction-là. Je peux me dire : « Ok, je connais mes limites ! » Si je m’arrête parce que je suis blessé, là c’est différent parce que ce sera beaucoup plus frustrant. Mon corps est capable d’aller beaucoup plus loin mais il y aura quelque chose qui se sera mal passé. C’est vraiment quelque chose que je redoute. Je me prépare beaucoup musculairement pour éviter cela.
« Je redoute aussi un peu, comme je vous le disais, ce sont les autorisations. Il est vrai que la baignade dans la Seine, c’est un sujet qui est très politique. Remarquez, pour ma part cela fait 8 mois que je suis empêtré dans des autorisations avec les préfets etc…
« Actuellement on a eu plusieurs refus à nos demandes mais qui ne sont pas du tout fondées. J’ai passé un an à étudier tous les protocoles sanitaires avec les gestionnaires de la Seine, avec la Protection Civile de Paris, tous ceux qui sont vraiment sur le terrain. Les préfets n’en tiennent pas compte. La baignade dans la Seine, c’est un sujet politique. De toutes les façons, j’irai. J’ai peur que le message en prenne un coup et que l’on parle que de l’aspect de la baignade dans la Seine. Je pense que mon message est plus large que cela. »
Votre nom peut porter préjudice par rapport à tous cela…
« Bien sûr. Les gens ne se rendent pas compte. Ils pensent que c’est un passe-droit que d’avoir mon nom. Bien au contraire. N’importe quelle personne qui aurait nagé dans la Seine, sans autorisation, en portant un message écologique ce serait fait aduler, mais voilà. Les gens auraient été de son côté. Pour ma part, cela forcément va passer pour je ne sais quel prétexte. C’est la vie. Je vis avec depuis que je suis tout petit. C’est plutôt un handicap, comme je vous le disais, cela reste un sujet politique.
« Si je suis le premier depuis plus de 50 ans à pouvoir nager dans la Seine, en étant autorisé à le faire… Forcément, ils se diront : « Oui, il y a le nom … » »
Comment vivez-vous cette pandémie ?
« Cela a été très difficile pour moi. Je suis quelqu’un qui vit beaucoup en extérieur. Je n’ai d’ailleurs pas compris certaines décisions pour cela. J’ai ce besoin-là de sortir pour me ressourcer ; d’aller la nuit au bord d’un fleuve. Cela fait 1 an ½ que j’ai l’impression d’être un hors-la-loi quand je le fais. C’est difficile à vivre quand, pour quelqu’un comme moi, c’est mon carburant. Je pense qu’on l’a tous un peu vécu de la même manière. Je n’ai pas du tout échappé à cela, bien au contraire. Dans ma pratique, tout se fait en extérieur. Les piscines ont été fermé pendant un bout de temps aussi. Ce qui a rendu mon quotidien assez compliqué.
« Les moments difficiles ont toujours été un moteur. Je pense aussi que mon défi s’est construit avec cette idée-là que j’avais besoin de me retrouver avec moi-même. Le besoin de comprendre qui j’étais. Ce sont des questions qui se sont mises en place au cours de cette pandémie, aussi. »
Quel rapport avez-vous avec les réseaux sociaux ?
« [Rires] C’est une très bonne question. J’ai un très mauvais rapport avec les réseaux sociaux. Je pense vraiment que c’est une c******e… Je ne devrais pas dire cela.
« C’est pour moi, encore une fois, le fait que l’on s’éloigne les uns des autres comme je vous l’ai dit plus tôt. C’est lier presque uniquement à cela. L’homme, l’humain, il a un quota de social a respecté dans sa vie de tous les jours. Les réseaux sociaux prennent cela et le dévore. Ce qui fait qu’aujourd’hui on n’a plus le besoin d’aller prendre un café avec ses amis etc…
« Je pense que la pandémie a renforcé cette chose-là. On a appris à vivre seul mais en même temps notre côté social on ne le remplis presque uniquement que par le biais des réseaux sociaux. Je dis cela mais moi aussi je suis totalement là-dedans. C’est une drogue dont on ne pourrait pas en sortir. Je trouve cela fou à quel point cela nous éloigne les uns des autres. J’ai des discussions au quotidien avec mes proches qui ne sont pas forcément d’accord avec moi. Je comprends. Je respecte leurs avis. Pour moi, ce n’est pas l’avenir.
« Pour ce qui concerne mon projet, il faut se dire que ce n’est que le début. Je vais l’inscrire pour plusieurs années, dans la durée. Je vais continuer à porter mon message. C’est vraiment le lancement de tout cela. J’ai encore plein d’idée. Comme je vous l’ai dit je suis un grand rêveur depuis tout petit. J’en ai encore plein, pour continuer à apporter mon message. J’ai d’autres expéditions en tête pour le futur. »
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Merci à Mademoiselle Denise Daries pour son aide à l’élaboration de ce portrait.
Merci à Monsieur Arthur Germain pour sa participation à ce portrait.