La conseillère
Chers Lecteurs,
Reprenons le chemin de l’ombre du pouvoir avec la sortie d’un livre consacré à un monstre féminin qui a su faire sa place dans le monde machiste de la vie politique française des années ’70 à ’90. Comme vous le savez, ces thématiques de l’ombre et de la lumière en politique me tiennent à cœur. C’est pour cela que je souhaite vous faire partager la découverte d’un ouvrage consacré à une personnalité politique qui a su utiliser de sa lumière, dans l’ombre des arcanes du pouvoir français.
Marie-Françoise Quintard. Le nom de cette poitevine ne vous dira rien, au premier abord, et pourtant… Celle qui deviendra la future conseillère de l’ombre, fréquentant les Hauts-Lieux du pouvoir, n’est autre que celle qui épousera Louis Garaud : Marie-France Garaud.
Telle Agrippine dans Britannicus, Marie-France Garaud rythmera la vie politique française de ses conseils à travers les personnes telles que Georges Pompidou et/ou Jacques Chirac, avec son acolyte de premier rang : Pierre Juillet. À l’instar du tandem exercé par Michel Jobert et Édouard Balladur auprès de Georges Pompidou à l’Élysée.
Je vous laisse découvrir l’échange que j’ai pu avoir avec Monsieur Olivier Faye, l’auteur de « La conseillère », publié aux éditions Fayard.
Compte-tenu des règles sanitaires que nous connaissons, la réalisation de ce portrait a été réalisé par des échanges de courriels.
Bonne lecture !
@romainbgb – 29/03/21
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Biographie Express de Monsieur Olivier FAYE :
*1987 : Naissance.
*2012 : journaliste au service politique de La Croix.
*août 2013 : co-auteur avec Gaspard Dhellemmes de « NKM, La femme du premier rang », aux éditions Jacob Duvernet.
*depuis 2014 : journaliste service politique du Monde.
*2014-2015 : suivie du Front de Gauche / EELV au service politique du Monde.
*2015-2017 : suivie du Front National au service politique du Monde.
*2018 : suivie de Les Républicains au service politique du Monde.
*depuis 2019 : suivie de l’exécutif au service politique du Monde.
*mars 2021 : publie « La conseillère », aux éditions Fayard.
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Le point de départ est un portrait pour la revue Charles de Mme Garaud. Comment vous en aviez eu l’idée ?
« J’avais échangé avec Marie-France Garaud à l’occasion de la campagne présidentielle de 2012 ; j’interrogeais alors d’anciens candidats sur leurs souvenirs de campagne. L’idée m’est ensuite venue d’écrire son portrait car c’était un personnage iconique des années 1970 qui semblait être tombé rapidement dans l’oubli, cela m’intéressait de savoir ce qu’elle était devenue et quelle vision elle avait de la politique actuelle. »
La figure de Mme Veil est souvent mise en avant pour évoquer le combat et la place des femmes dans la société française. Une volonté d’oubli, en ne citant pas Mme Garaud ?
« Simone Veil s’est battue pour l’émancipation des femmes, ce qui n’est pas le cas de Marie-France Garaud, qui était une sorte d’antiféministe. Elle n' »essentialisait » pas en fonction du genre, et pouvait même faire preuve de mépris à l’égard des femmes (ce que lui a reproché Bernadette Chirac). Mais elle représente en revanche un modèle de réussite et d’ambition, ce qui en soi est positif dans la quête d’égalité entre les femmes et les hommes. Elle a montré que l’univers du pouvoir, à l’époque trusté par les hommes, pouvait être ouvert aux femmes. »
Vous aviez co-écrit un livre sur Mme Kosciusko-Morizet en 2013. Ne trouvez-vous pas des similitudes entre ces deux personnalités ?
« Si je dis l’ambition j’enfonce une porte ouverte… Une certaine rigueur intellectuelle, incontestablement, doublée d’une grande confiance en soi. Elles ont eu l’occasion de se croiser en 2012 sur un plateau de télévision, Marie-France Garaud s’était alors amusée à lui rappeler qu’elle avait bien connu son grand-père, Jacques Kosciusko-Morizet, un diplomate conseiller de Jacques Chirac. »
Comment s’est produit la rencontre avec Mme Garaud ?
« Malgré son âge (elle avait plus de 80 ans lors de notre rencontre) Marie-France Garaud garde une grande autorité, morale et intellectuelle, et ce n’est pas évident de l’amener à parler de ce dont on souhaite ! Le décalage de génération était intéressant car j’ai pu mesurer qu’à son époque le pouvoir prêté à la politique était sans commune mesure par rapport à aujourd’hui, où l’économie a pu prendre le pas. »
Vous commencez votre ouvrage par une citation de Britannicus de Jean Racine. Pour vous, Mme Garaud est Agrippine ?
« Il y a une similitude évidente avec le matriarcat romain : l’envie de régner par procuration, à travers un fils (dans le cas d’Agrippine et de Néron), ou un jeune ambitieux (pour Garaud et Chirac). »
Vous plantez le décor en liant les destins de Mme Garaud et M. Chirac.
« Je croyais que Chirac était du marbre dont on fait les statues. En réalité, il est de la faïence dont on fait les bidets. » La violence du monde politique à l’état pur ?
« Un goût de la formule en tout cas acéré, ce que craignaient ses contemporains. Elle a été déçue par Chirac, qu’elle espérait porter au pouvoir, mais il s’est débarrassé d’elle suite à l’appel de Cochin et le raté des européennes de 1979. Elle a eu le tort de trop le mépriser et d’avoir cru que son emprise sur lui autorisait tout. »
Des décennies plus tard, les cabinets de MM. Giscard d’Estaing et Balladur vont ont fait savoir le refus de vous rencontrer pour évoquer Mme Garaud. Les stigmates du passé ?
« Garaud a affronté Giscard et Balladur à différentes occasions, elle n’hésitait pas à recourir à quelques coups bas. Ils en ont gardé de l’amertume. Si Garaud n’avait pas conduit Chirac à mener la guerre à Giscard, qui sait quel aurait été le sort du septennat de VGE ? »
Vous évoquez Mme Jacqueline Chabridon, qui avait été supposément en couple avec M. Chirac. Une facette de Mme Garaud, pour faire rompre cette histoire et porter son poulain vers les hautes marches du pouvoir. Jeu de pouvoir ?
« Elle n’a pas été supposément en couple avec Jacques Chirac, ils ont bel et bien connu une histoire amoureuse qui a conduit Chirac à évoquer la possibilité du divorce avec Bernadette Chirac. Garaud s’est opposée à cette aventure car selon elle un homme divorcé ne pouvait pas conquérir le pouvoir. Elle a donc forcé Chirac et Chabridon à rompre. »
Avant Marie-France Garaud, il y eut Marie-Françoise Quintard. La figure paternelle a créé le personnage ?
« Son père a eu une grande importance, l’emmenait à la chasse, dans leur Poitou natal, et l’a poussée à faire des études. Elle est devenue avocate, ce qui dans les années 1950 n’était pas courant pour une femme. »
La rencontre avec Pierre Juillet, que vous évoquez dans le livre, forgera ce couple de travail, le plus célèbre de la République.
« Garaud et Juillet ont forgé un mythe, celui des éminences grises à la française, tout à la fois stratège et communicants. Leur influence démesurée sur Chirac a beaucoup contribué à forger ce mythe. »
« Deux Églises cohabitent à l’Élysée, comme au temps de Matignon : d’un côté, celle de Pierre Juillet et Marie-France Garaud, de l’autre, celle de Michel Jobert et Édouard Balladur. » Qu’en pense la principale intéressée ?
« Garaud et Juillet étaient de vrais conservateurs, là où Jobert, surtout, et Balladur, pouvaient avoir des inclinaisons plus libérales. Surtout, les deux « couples » se disputaient le pouvoir et l’influence auprès de Pompidou. »
Mars 1977, M. Chirac est élu maire de Paris. Le tandem Garaud/Juillet est à la manœuvre. Le principal intéressé les remercie. « C’est bien la première fois qu’on voit un cheval remercier son jockey. »
« C’est ce que dit Pierre Juillet, en effet. Ce qui marque bien l’estime dans laquelle il tenait Chirac. »
L’arrivée de M. Mitterrand au pouvoir semble changer le regard de Mme Garaud sur la suite. Un nouveau poulain ?
« Non, simplement elle cherchera à se rapprocher de lui pour conserver une part d’influence supposée. Et Mitterrand s’affichera avec elle afin de semer la pagaille chez les gaullistes. »
Les décès de M. Juillet en décembre 1999, puis de son époux, M. Garaud, en 2001 ont métamorphosé cette lionne politique. La vie reprend toujours ses droits ?
« Cette période a incontestablement marqué un tournant important dans sa vie, car elle a quitté le Parlement européen par la suite en 2004, et s’est éloignée de la vie politique. »
L’épilogue se conclut sur l’épisode du 14 juin 2020, où Mme Garaud est prétendue portée disparue dans sa demeure des Deux-Sèvres. La saga continue ?
« Je ne vois pas en quoi ce drame personnel constitue une saga… »
Votre dernière rencontre, en présentielle, date de 2017. Avez-vous pu discuter de votre ouvrage avec Mme Garaud ? Avez-vous eu un retour ?
« Je lui ai envoyé mon livre, mais je n’ai pas encore eu de retour de sa part. »
A votre sens, qui serait la Mme Garaud de 2021 ?
« Il n’y en a pas vraiment. Patrick Buisson a tenu un rôle comparable (quoique moins important) auprès de Nicolas Sarkozy… Mais c’était un homme ! »
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Merci à Monsieur FAYE pour ses réponses et sa participation à ce papier.