M. Valentin Spitz

La mémoire paternelle.

Chers Lecteurs,

Reprenons le chemin de la lecture, à travers un nouvel interrogé qui nous propose la découverte d’une histoire personnelle, qui touche des millions de personnes en France : un changement de nom de famille. C’est dans cette recherche personnelle que le lecteur a bien voulu nous faire entrer dans son histoire personnelle. Tant un témoignage, qu’une histoire de vie. Un message personnel qui résonne encore plus lorsque l’on découvre qui se cache derrière cette histoire aux abords si banale.

Les aficionados des ondes radiophoniques nocturnes sauront reconnaitre en le personnage central du père du narrateur, un animateur bien connu des adolescents des années ’90 : Le Doc de Fun Radio.

Je vous emmène dans une quête de filiation paternel avec le nouveau portrait que je vous propose ce matin. C’est dans cette histoire intime et personnelle que se lie l’histoire à travers la quête de son fils désirant (re)prendre le nom de famille de son père. C’est dans cette aventure que le narrateur/fils nous emmène pour que l’on apprenne à connaître cette histoire de famille. Je dois avouer que l’on vibrera au long de cette aventure afin de savoir si l’happy end tant attendu poindra le bout de son nez.

Le décret de changement de nom publié au Journal Officiel viendra conclure administrativement cette quête. La signature du Premier ministre scellera le tout. On aura, au passage, apprit plus sur cette relation filiale entre un père et son fils et les liens qui les unissent.

 

Je vous laisse partir à la découverte de Monsieur Valentin Spitz, auteur d’Un fils sans mémoire, parut aux éditions Stock.

Portrait de M. Valentin SPITZ, à Paris le 2 novembre 2020. ©Ph. MATSAS /Ed. Stock

 

Dans le cadre pandémique que nous connaissons, la réalisation de ce portrait a été réalisé, dans les conditions sanitaires requises, au sein du cabinet de M. Spitz, le 19 mars 2021.

 

Bonne lecture !

@romainbgb – 25/03/21

 

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Biographie Express de M. Valentin SPITZ :

*1986 : naissance à Paris.

*2004 : titulaire du Baccalauréat, série Économique et Scientifique.

*2004-2007 : Licence d’Histoire à l’Université Paris – Sorbonne.

*2007 : standardiste à France Inter.

*2008-2010 : journaliste pour l’émission Le journal inattendu sur RTL.

*2011-2012 : chroniqueur dans Des cliques et des claques sur Europe 1.

*2012 : anime Le Gros Squat sur Radio Néo.

– co-écrit avec Véronique Bernheim, Najat Vallaud-Belkacem, une gazelle au pays des éléphants, aux éditions First.

*2013-2017 : diplôme de Psychopathologie de l’École Pratique des Hautes Études en Psychopathologies – (Paris).

*2014-2016 : stagiaire – Maison des adolescents de Cochin – Paris – Animateur de l’atelier radio avec les adolescents hospitalisés.

*sept.2014 : publie Montebourg, moi président… aux éditions de l’Archipel.

*2015-2016 : chroniqueur sur I-Télé.

*2016 : Master Psychanalyse, Philosophie spécialisé études psychanalytiques et esthétiques, parcours psy, psychanalyse – Université Paul Valéry (Montpellier 3).

-publie son premier roman, Et pour toujours ce sera l’été, aux éditions Jean-Claude Lattès.

*2016-2017 : chroniqueur dans La nouvelle édition sur C8.

*Depuis 2016 : praticien – Maison des adolescents de Cochin – Paris – Thérapeute au sein de la cellule psychodrame à la Maison de Solenn – Maison des Ados (Paris).

*Depuis 2017 : praticien Psychothérapeute à Paris.

*2017 – 2018 : stagiaire au Service de pédopsychiatrie à l’Hôpital Necker-Enfants Malades (Paris).

*2018 : publie Juliette de Saint-Tropez, aux éditions Stock.

*2019 : publie lÉloge de l’imperfection parentale : les clés du doc et du psy aux éditions Flammarion.

*2020 : publie Comment ne pas aller voir un psy avec son enfant aux éditions du Cherche Midi ; publié en 2021 en version POCKET, sous le titre Et si vous arrêtiez de vouloir être des parents parfaits ?)

*2021 : publie Un fils sans mémoire aux éditions Stock.

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A quoi rêve le petit Valentin quand il est enfant ?

« Le petit Valentin du roman ou Valentin ? Ce n’est pas facile comme question. Il faudrait que j’arrive à m’en souvenir. S’en doute il rêve d’écriture, d’inventer des histoires. Peut-être de lien avec les autres, aux travers de ces histoires-là. Il regarde ou il lit pas mal, les histoires des autres. Romain Gary. Françoise Sagan. Balzac. Maupassant. Somme toute ce rêve-t-il aussi, lui aussi, avec des livres à publier ?

« Il m’arrivait aussi de regarder des interviews d’écrivains qui passaient à la télévision à l’époque. Je m’imaginai ce que je pourrais dire à leurs places. C’était beaucoup des rêves de livres, je crois. Des livres d’Histoire, de création. C’était beaucoup cela, quand même.

« Ce qui m’arrivait c’était de rêver de vivre à d’autres époques. J’étais, par exemple, passionné par toute la période Louis XIV, Louis XV, Louis XVI, Versailles. C’étaient des époques qui me passionnais. Je m’imaginais quel personnage je pouvais être à ces époques-là. Il y avait la Seconde Guerre mondiale qui m’intéressait beaucoup. J’étais dans un monde très imaginaire. »

Quel souvenir gardez-vous de vos années étudiantes ?

« Il y a eu deux parties, en fait. La première partie est, on va dire, dans la même norme que tout le monde. En ce qui me concerne c’est entre 18 et 21 ans. Cela a duré trois ou quatre ans. C’était des années d’Histoire à l’Université de la Sorbonne, à Tolbiac.

« J’en garde un souvenir dispersé parce que je n’étais vraiment pas un étudiant sérieux. C’est-à-dire que la chose qui m’intéressait c’était la radio, la télévision et le journalisme. J’ai surtout utilisé ce temps à la fac pour trouver des stages, écrire des chroniques pour les émissions. Honnêtement, soit je n’y allais pas ; soit, en touriste. À l’époque il y avait un amphithéâtre où finalement vous aviez en bas les étudiants un peu sérieux. Puis au premier étage, tous les cancres. À l’époque, on pouvait fumer partout. Je passais mon temps en haut, avec des amis. Je n’y faisais rien. J’ai été très déçu par les études d’Histoire parce que j’étais passionné par Versailles, par la Seconde Guerre mondiale, par quelques périodes. Finalement, c’était assez peu cela que l’on étudiait. Je m’y suis beaucoup ennuyé, en réalité. Ces années ont été des années d’échecs, où j’ai redoublé plusieurs fois les années. J’ai fini avec un DEUG non validé. J’ai arrêté parce que j’ai fini par trouver un vrai travail de journaliste.

« Puis la deuxième partie, qui a été au bout de cinq ou six années de journalisme. Là, j’ai repris des études un peu par correspondance, un peu en présentiel, de philosophie, de psychanalyse et de psychopathologie. Ce qui a été bien différent.

« Je travaillais beaucoup en tant que journaliste mais je travaillais beaucoup, aussi, sur ces sujets-là. C’était vraiment la psycho-psychanalyse, des sujets que j’avais vraiment choisis et qui me passionnaient. C’était beaucoup plus facile. J’avais déjà 25 ans. C’était un choix que j’avais fait. Je me suis vraiment éclaté et cela m’a vraiment beaucoup plu. C’est vrai que c’est quelque chose que je dis souvent aux jeunes que j’ai en thérapie. C’est quelque chose que l’on entend peu en France, que l’on entend beaucoup plus dans d’autres pays. Ce qui est de dire que l’on ne peut pas demander exactement à un jeune ce qu’il veut faire à 19 ou 20 ans. Parfois il faut plus de temps. Pour ma part, il m’a fallu beaucoup de temps pour en arriver là. C’était des études d’adultes, avec des rencontres. C’était passionnant parce que c’était ce que j’avais trouvé ; ce que je voulais faire ! »

Quelle expérience gardez-vous de vos années sur les ondes radiophoniques ?

« RTL, c’était un des rêves de ma vie ; de travailler là-bas. On écoutait beaucoup RTL à la maison. Parce que mon père à la carrière radiophonique qu’on lui connait. C’était peut-être un moyen pour moi de rentrer dans ce monde-là, y compris pour être en lien avec lui. J’en garde plutôt des souvenirs intéressants.

« La première année j’ai travaillé avec Christophe Hondelatte. J’ai été vraiment impressionné par son talent, par ses capacités à raconter les histoires, même à travers l’actualité ; à trouver dans chaque interview la bonne accroche, le bon angle. C’était vraiment passionnant. J’y ai appris aussi la dureté de ce monde-là et des personnalités qui sont à la fois des personnalités solaires, brillantes et en même temps profondément tourmentées et souffrantes. C’était une relation de travail très fusionnelle. C’était à la fois passionnant et dur.

« Après, j’ai poursuivi avec Harry Roselmack, toujours à RTL. C’était autre chose. Avec Harry Roselmack c’était plus la tempérance, le calme. Cela m’a fait du bien aussi. Grâce à lui, qui était très ouvert, j’ai pu me lancer dans le reportage. Il me laissait faire plein de choses. J’ai pu faire des choses que je n’aurai jamais cru faire d’ailleurs. Je suis parti en reportage au Bénin avec Carla Bruni-Sarkozy. Hallucinant pour moi ! [Rires] Surtout d’aller au Bénin. Je n’ai pas du tout l’âme d’un voyageur. Je voyage beaucoup dans ma tête et dans les livres. J’en garde des souvenirs de voyages, de rencontres qui étaient vraiment passionnantes.

« Ensuite, je suis allé à Europe 1. Là, j’ai travaillé avec Bruce Toussaint. Cela a été, sans doute, l’une des rencontres les plus importantes que j’ai faite. J’ai continué ensuite avec lui à la télévision. Bruce Toussaint que j’avais rencontré à Europe 1, est toujours un ami. Cela a été pour moi une rencontre extraordinaire. J’ai découvert que l’on pouvait être un bon journaliste, humainement. Ce qui n’est pas donné à tout le monde dans ce monde des médias où il y a quand même beaucoup de raclures. C’est quelqu’un qui m’a beaucoup soutenu ; avec qui j’ai adoré travailler.

« Europe 1, cela a été aussi des chroniques littéraires pour une émission qui s’appelait Des Cliques et Des Claques. J’ai adoré faire cela. Je faisais des coups de cœur, justement, de jeunes romanciers. Il y avait Bérangère Bonte et Nicolas Carreau. J’ai adoré toutes les semaines lire des livres de jeunes romanciers. Les trouver. Essayer de les interroger. C’est un très beau souvenir pour moi.

« Il y a eu quand même l’épisode de la Web-radio avec Radio Néo. Cela a été très important aussi parce que j’ai eu beaucoup de liberté là-bas. J’ai créé une espèce d’émission, complètement folle, qui était une rencontre entre un groupe de rock et un homme politique. J’ai adoré faire cela. Il y avait une liberté incroyable. C’est suite à cela que mon premier livre est né. C’est là que j’ai eu l’idée de faire un livre sur Najat Vallaud-Belkacem. C’était important.

« Dans le contexte que l’on connait aujourd’hui, Radio Néo c’était hallucinant ! Une espèce de studio improbable, à la Porte de Clichy, qui sentait la chaussette. Un groupe de rock qui débarquait face à Nicolas Dupont-Aignan, Florian Philippot, Najat Vallaud-Belkacem… On était tous collés. Il y faisait hyper chaud. Tout le monde fumait. C’était complétement hallucinant ! [Rires] Cela reste de très bons souvenirs. Les années radios se sont terminées par l’arrivée de la télévision. »

Comment vivez-vous votre expérience de psychanalyste avec les enfants, face à votre propre expérience personnelle ?

« Les enfants, ce n’était pas forcément une évidence au début. Ce qui l’était, c’était que je voulais être psy.

« Cela faisait très longtemps que j’avais entamé plusieurs thérapies. Cela avait été une révélation pour moi. Paradoxalement, dans une famille où ma mère était très opposée à la psychanalyse. Où mon père, n’ayant eu qu’assez peu de rapport avec lui, malgré tout ce qu’il a pu professer. J’ai eu trop peu de rapports avec lui. Il n’a pas senti les choses et puis il ne m’a jamais proposé. Ce n’était pas possible, dans ma famille, d’aller voir un psy. J’y suis allé la première fois grâce à une de mes tantes, qui avait senti que je n’étais pas bien. Elle m’a payé une consultation chez un psy. Cela a été une telle révélation pour moi de me rendre compte que ce que je pensai finalement impossible à réaliser, impossible à sortir, que de parler, dire ce dont on souffrait face à quelqu’un ! Cela pouvait permettre d’aller mieux, trouver un sens. Cela faisait très longtemps que j’avais cela en tête. Je devais avoir 16 ans, je pense.

« À un moment donné, cela a été mûr pour que je l’assume. Je me suis dit que je sentais que j’allais faire quelques années dans les Médias encore mais je ne pourrai pas continuer plus longtemps parce que cela n’avait plus de sens pour moi. Pas assez de sens en tous les cas. Je reprends les études. J’en arrive à la fin de mon expérience télévisuelle, La Nouvelle édition. J’obtiens mon diplôme à ce moment-là. N’ayant plus de télé, c’était ma dernière année d’étude où je devais faire un stage d’une année.

« J’ai fait à la fois un stage à la maison des adolescents – Maison de Solenn, en psychodrame. Le psychodrame c’est une sorte de théâtre thérapeutique où vous leurs faîtes jouer des séquences de leurs vies de leurs choix, chacun joue un personnage etc…En même temps j’ai fait un stage, là pour le coup avec des enfants et une pédopsychiatre absolument incroyable qui s’appelle le Dr. Lisa Ouss, au sein du service de pédopsychiatrie de l’Hôpital Necker. La vraie révélation a eu lieu là, pour moi.

« Grâce à elle, moi qui pensais être absolument nul avec les enfants. Ce qui est souvent ce que pense les gens qui ont connu une enfance compliquée… Elle m’a démontré que l’on pouvait écouter les enfants. L’on pouvait jouer avec eux. Elle voyait toute sorte d’enfant, notamment des autistes ou ayant des problèmes neurologiques. Cette expérience m’a marqué. Le Dr. Ouss est d’une minutie incroyable, en passant deux heures de consultation avec chaque enfant. Elle voyait tout ; rien ne lui échappait. Ce qui m’a donné l’envie de voir des enfants. Elle est devenue une sorte de maître pour moi, le Dr. Ouss. J’ai commencé à voir des enfants. Mais je vois aussi des adolescents et des jeunes adultes. Les adultes ne viennent pas spontanément me voir parce que je semble assez jeune, même si je ne le suis plus tout à fait [Rires] C’est un peu comme cela que cela s’est fait ! Un peu un hasard.

« Une légitimité, avec la part de doute nécessaire dans n’importe quel travail comme d’écrire. Il y a des jours où vous vous dites que vous êtes nul, là que ça va. Mais, effectivement, il y a quelque chose d’assez évident ; qui a du sens. De toutes les façons je trouve que l’écriture et la psychothérapie, la psychanalyse, sont un peu la même chose. Il y a une part de recherche. Il y a une part de quête. Trouver un sens. Je trouve que cela matchait bien ensemble ; c’est d’ailleurs pour cela que je l’ai fait. Être psy, cela donne une certaine liberté. Cela permet de choisir ; de pouvoir écrire deux heures, le matin. De travailler plus, après. En tous les cas, c’est aussi cela qui faisait sens. Ce qui n’est pas forcément possible dans les Médias. »

Couverture du livre « Un fils sans mémoire » de Valentin Spitz – éditions Stock – février 2021 ©droits réservés

Dans votre roman, Un fils sans mémoire, le prologue démarre avec la comparaison entre le choix du titre pour un roman et le choix du prénom pour un enfant. Une symbolique pour vous, pour raconter votre histoire ?

« Il y a une part. Quand vous écrivez. Quand un livre commence à prendre forme. Il y a une gestation. Cela peut se rapprocher, un petit peu, du processus de concevoir un enfant. Il y a tout un travail. Il y a une réflexion. Qu’est-ce que je vais écrire ? Comment je vais l’écrire ? Le travail. Les étapes. Toutes ces choses-là. Effectivement il y a, dans le roman, dans le choix du titre, quelque chose. Je ne sais pas comment cela se passe pour les autres mais moi, le titre, je le trouve souvent à la fin. C’est ce qui vient faire le fil rouge et donner un sens à tout cela, qui fait que cela tient.

« S’il on prend l’image de l’enfant, il y a un peu de cela aussi. Il y a tout le processus et puis, à un moment donné, PAF ! On trouve un prénom. Puis l’enfant né. Il arrive. Il est nommé. Il a ce prénom. Et parfois on en change parce qu’il ne lui correspond pas. Comme un titre. On trouve qu’il est génial et puis en fait au dernier moment, on se dit que ce n’est pas celui-là ; que c’est un autre titre. Il y a un côté comme cela. Pour mon prénom, il a été voulu par ma mère. »

1986-1996 : Vous évoquez la personne de votre grand frère. Dans le passage de vie évoqué, on sent une place quasi-paternelle de bienveillance sur vous. Il manifeste ailleurs dans le livre que vous ne parlez jamais de lui. Vous ne citez, d’ailleurs, jamais son prénom. Quel regard a-t-il eu par rapport à la sortie de ce livre ?

« Par rapport au regard qu’il a eu, c’est plutôt un regard ému. Effectivement il a été contant d’avoir son personnage. [Rires] Il faut quand même bien dire que c’est un personnage ; que tout n’est pas vrai ! Il y a tout de même une part de romancé. C’est inspiré de lui. Je pense que cela le touche. Il me l’a dit, d’ailleurs.

« C’est vrai que je ne dis pas son prénom. Il n’y a pas le prénom de la mère. Il n’y a pas le prénom du frère. Il n’y a pas le prénom du père, non plus. C’est vrai qu’il a une place particulière dans l’histoire. Comme l’on peut avoir beaucoup d’histoires, comme celles-là, de séparations compliquées. Il y a toujours un peu des compagnons, des tuteurs, des gens qui sont un peu là pour occuper la place vide. Sans doute, il a occupé cette place-là. »

1994. Vous évoquez cette scène du diner avec votre mère et votre grand frère, où vous êtes devant Bouillon de Culture de M. Pivot, votre père apparait à l’écran. Il prétend n’avoir que deux enfants, vous excluant totalement de sa filiation. Le travail commence ?

« Si, si ! Bien sûr ! D’ailleurs c’est ce que j’ai écrit. Je pense que cela fait partie des scènes fondatrices qui font que j’ai pu me mettre à écrire. Je crois que tous les gens qui écrivent pourraient raconter une scène comme celle-là.

« Après, ce qui est intéressant aussi, c’est que c’est vraiment des histoires de ressenti. Encore une fois, la vérité est difficile à établir. Vous voyez, par exemple, cette scène est partie d’une espèce de sensation que j’ai, un vague souvenir. Est-ce que vraiment cela s’est passé comme cela ? Franchement, je ne sais pas. Ce que je sais c’est qu’effectivement il y a quelque chose qui s’est joué à ce moment-là ; qui s’est ancré en moi. Sans doute qui a fait que l’on en arrive à cette histoire aujourd’hui.

« Je voulais vraiment écrire à partir de la mémoire de l’enfant. Ma mère n’en n’a pas parlé, pour l’instant. Mon père, que dit-il ? Je ne sais plus. Mon frère ne m’en n’a pas parlé non plus. Je pense que c’est une scène encore un peu taboue. C’est surtout que je n’ai pas encore eu d’échange réel avec mon frère. On a eu que des échanges par sms, vite fait. Avec mon père nous avons eu un très long échange. Et ma mère, on a eu un échange … Vous savez, il faut le temps que cela se décante.

« Votre question est intéressante, ceci-dit, car c’est quelque chose que j’ai compris avec ce livre-là. Avant, notamment sur les deux précédent, j’acceptais beaucoup de rentrer dans les grandes discussions avec ma famille. Qu’est-ce qui est vrai ? Qu’est-ce qui ne l’est pas ? etc… D’une certaine manière, j’ai arrêté de faire cela. C’est-à-dire que c’est une histoire. C’est un livre que j’écris. Mais un livre, ce n’est pas la vie non plus ! Si l’on a des choses sur la vie à se dire, on peut se les dire. Mais le livre, c’est le livre. C’est autre chose. Cela s’inspire de ma vie. Je n’ai pas forcément envie de leurs répondre complètement là-dessus. »

2017. Vous vous plongez dans les dossiers du divorce de vos parents. La prise de sang effectuée pour votre filiation apparait. « […] fait apparaître que cette paternité est probable à 99,40%. » Effectivement, on se demande à quoi corresponde ses 0,60% restant ?!

« [Rires] Effectivement je ne sais plus si on me la raconté. Je crois que c’est dans le dossier. En réalité, c’est très commun. C’est toujours comme cela. On ne peut jamais dire, à cent pour cent. Il y a toujours un petit contraste. Je n’ai pas la réponse. Effectivement, cela m’a interrogé lorsque j’ai vu cela. Pourquoi ces 0,60% ?! On ne peut jamais dire 100%. Ce n’est pas possible ! »

1994-1997. Vous évoquez la correspondance littéraire que vous entretenez avec votre cousine Jane. Qu’est devenu votre roman, La folle vie célèbre du Doc Maboule ?

« [Rires] Déjà, c’est sympa de parler de correspondance littéraire avec ma cousine.

« Qu’est-ce que c’est devenu ? Je vous répondrai que cela doit être quelque part dans ma tête ! Si tenté que cela soit vrai ! Vous voyez ce que je veux dire… »

2018. Lors d’un café avec une traductrice, une partie de votre histoire familiale du côté paternel est évoqué. Ce qui me fait penser à la chanson de Georges Moustaki. Les racines juives errantes de votre grand-père paternel ont fini par se faire oublier, même par le principal intéressé. Comment avez-vous vécu cette nouvelle ?

« Pendant très longtemps je ne l’ai pas vécu du tout. Mon père le sait depuis longtemps. Pour moi, cela a fait beaucoup d’échos. Je vous le disais aussi tout à l’heure, c’est aussi cela les mystères de l’inconscient. Je vous disais que j’étais passionné et terrifié, ou terrifié et passionné, par la Seconde Guerre mondiale et en particulier par le Nazisme et l’Holocauste. Ce sont des sujets qui m’ont toujours interrogé. Quand j’ai appris tout cela, ce n’est pas pour rien. C’est normal. Mais j’ai découvert tout cela très tard. Tout cela je l’ai découvert en enquêtant sur ce livre-là. En interrogeant mon père et d’autres gens. En cherchant. J’ai découvert cette histoire déjà adulte. Mais qui pourtant m’a sans doute construit et marqué de manière insu.

« J’ai rencontré mes grands-parents, deux-trois fois dans ma vie. Il y a eu un mariage. Je les ai vu une fois, les deux ensembles, vivants. Même s’ils étaient déjà dans un état proche de l’Ohio. Ensuite, à la mort de ma grand-mère. Puis le décès de mon grand-père. Ce sont des gens que je n’ai pas connu du tout. »

Septembre 2004. La douce voix de Macha Béranger. Un nouveau roman à construire entre ces deux personnalités du monde radiophonique de la nuit. Doc Maboule et Macha ?

« Bien sûr. Totalement. Lorsque j’étais à France Inter, j’y pensais beaucoup à cela. Macha était un personnage incroyable. D’ailleurs, plus incroyable que Le Doc, finalement. Il y avait vraiment les loupiottes, le silence, la voix, les cigarettes… Écoutez, je ne sais pas. Peut-être, là-haut, un jour, ils feront une émission ensemble ! [Rires] Macha et Le Doc. Ce serait tellement drôle ! Je ne crois pas qu’ils se soient rencontrés. »

2012. Joseph ré-entre dans votre vie, en vous laissant un message pour votre anniversaire. Peut-on dire que grâce à lui, vous entrez à nouveau dans l’histoire paternelle ?

« En tout cas, dans l’histoire du livre, bien sûr. Complètement. C’est vraiment un adolescent incroyable, d’une grande sensibilité. Finalement, il fait le lien que le père est incapable de faire. Il y a toujours un ou deux personnages comme cela, dans les familles où il y a des histoires très compliqués, qui viennent un peu rompre la chaîne. Lui, c’est ce qu’il fait. C’est lui qui réussit à garder le lien et à entretenir les choses. Il tient le récit. Il arrive à faire comme s’ils avaient, tous les deux, été dans la famille.

« C’est un peu comme De Gaulle avec la Résistance, qui arrive à faire croire qu’il y en avait une en 1940, alors qu’il n’y a rien. Il y croit tellement, que cela finit par arriver. Joseph, c’est un peu cela aussi. C’est-à-dire qu’il entretient ; il y a un lien qui se fait. Il y a quelque chose qui devient possible. Le personnage réel qui a inspiré le personnage de Joseph a été très touché par le livre. Comme on très dispersé, qu’il ne fait pas ses études à Paris, cela a été aussi des échanges de mots. Il a lu le livre et en a été très touché. »

Dans la religion juive, un père doit apprendre à son enfant la Torah, un métier et à nager. Votre père ne vous a appris ni la Torah, ni à nager. Est-ce que vous apprenez tout cela à votre enfant ?

« [Rires] La Torah, un métier, à nager. En ce qui concerne la Torah, je pense que je lui en ferais quelques petites introductions. Bien que je sois loin d’être un spécialiste. Je ne suis pas vraiment juif, non plus. Un métier ? On pourrait un peu changer la chose. J’essayerai plutôt de lui donner toutes les ressources possibles pour qu’elle puisse choisir le métier qu’elle veut. À nager ? Je ne sais pas si je saurais faire cela. J’essayerai ! [Rires] »

Quels rapports avez-vous avec les réseaux sociaux ?

« Je ne sais pas trop comment dire cela mais quand on veut publier un livre aujourd’hui, on est quasi-obligé, sauf si l’on s’appelle Delphine de Vigan ou Michel Houellebecq, d’être dessus. Il y a une sorte de défiance des Français face aux journalistes, notamment ceux littéraires. Pas forcément à tort, d’ailleurs. C’est vrai qu’il y a beaucoup d’entre-soi.

« « Je te chronique parce que je te connais. » Pas forcément un vrai travail de journaliste littéraire. Or, sur les réseaux sociaux, notamment sur Instagram, il y a tout une nouvelle génération de blogueurs, dont vous faite partie, qui font un vrai travail ; qui lisent les livres, qui rédigent des interviews, qui prennent du temps.

« Aujourd’hui cela peut faire d’avantage vendre un livre d’avoir un papier sur les réseaux sociaux que d’être dans Le Monde, par exemple. Mon rapport avec les réseaux sociaux est surtout lié aux livres, au fait d’en publier. Le fait d’avoir envie d’en parler ; d’être en lien avec des gens de toute la France qui lisent, qui écrivent, qui posent des questions. C’est d’être dans un échange. C’est cela qui m’intéresse.

« J’ai bien conscience qu’il n’y a pas toutes les générations sur les réseaux sociaux où je suis. Cela m’intéresse aussi de faire lire d’autres générations. J’essaye depuis quelques semaines Tik Tok, où je lis des extraits du roman en direct. C’est très rigolo parce que ce n’est pas du tout les mêmes codes. C’est tout à fait autre chose. J’aime beaucoup faire cela. Je trouve cela très rafraichissant, surtout en ce moment où l’on en a bien besoin. Sans se prendre au sérieux.

« Mon rapport avec les réseaux sociaux c’est plus cela. Après, je suis comme tout le monde. Parfois je dois faire un vrai travail pour me désintoxiquer, ne pas y passer toute ma vie, pour faire toutes les autres choses que j’ai à faire. Ce n’est pas forcément facile. C’est fait pour être addictif. C’est fait pour qu’il n’y ait jamais de fin. Il y a toujours des choses à voir, toujours des choses à faire. On ne peut pas faire autrement. »

***

Merci à M. Spitz pour son écoute, sa bienveillance et sa participation au portrait.

Publié par RomainBGB

Franco-sicilien né en Helvetie. Co-auteur de l'ouvrage "Dans l'ombre des Présidents" paru en mars 2016 aux éditions Fayard.

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