Le silence de la Meute.
Chers Lecteurs,
Cette semaine je fête (déjà) mes onze années sur la Branche… #Putain11ans
Ce qui me permets aussi pour fêter ça, de vous partager un échange que j’ai pu avoir avec une nouvelle personnalité. En cette période agitée, je souhaitais revenir avec vous sur un livre qui a marqué la fin de l’année dernière, lors de sa parution. Il s’agit du roman fiction La Meute écrit par Thomas Bronnec, parut aux éditions Equinox – Les Arènes.
Voici l’échange que j’ai pu avoir avec l’auteur via des courriers électroniques pour entrer un peu plus dans son univers.
Bonne découverte !
@romainbgb – 11 mars 2020
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Bio Express :
Naissance en 1976 à Brest.
1994-1996 : Hypokhâgne et Khâgne B/L à Nantes.
1996-1997 : Licence d’Histoire à l’Université Paris IV – Sorbonne.
1997-1999 : Diplômé de l’Institut de Sciences Politiques de Paris (section Économie et Finances).
Oct. 2000 – juin 2005 : journaliste pour le site web de L’Expansion.
Avril 2001 : publie son premier roman, « Léo l’ivresse », chez Ouest France.
Juin 2005 – juin 2006 : journaliste indépendant au Viêt-Nam ; réalise des reportages pour la presse écrite française.
Janv. 2007 – janv. 2009 : journaliste web à L’Express.
2008 : Co-auteur avec Jean Crépu du documentaire « Les Fantômes de My Lai » (France 5).
Janv. 2009 – juin 2011 : rédacteur en Chef adjoint sur le site de L’Expansion.
Mars 2011 : publie « Bercy, au cœur du pouvoir ; Enquête sur le ministère des Finances » ; co-écrit avec Laurent Fargues, aux éditions Denoël.
Juin 2011 – sept. 2012 : rédacteur en Chef adjoint délégué de L’Express.
2012 : Co-auteur avec Jean Crépu et Laurent Fargues du documentaire « Une pieuvre nommée Bercy » (France 5)
Août 2012 : publie « La fille du Hanh Hoa » aux éditions Payots et Rivages.
Sept. 2012 – janv. 2017 : Chef des Informations à France Télévisions, sur le site francetv info.
Janv. 2015 : publie « Les initiés » dans la série noir chez Gallimard.
2016 : Co-auteur avec Jean Crépu et Laurent Fargues du documentaire « Ces Conseillers qui nous gouvernent » (France 5)
Janv. 2017 – sept. 2018 : chef du desk numérique chez Ouest France.
Janv. 2017 : publie « En pays conquis » dans la série noir chez Gallimard.
Depuis sept. 2018 : pilote en charge des contenus premium pour les abonnés numériques chez Ouest France.
Oct. 2019 : publie « La Meute » aux éditions Equinox – les Arènes.
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Diplômé en économie et finances à Sciences Po Paris vous devenez journaliste web à l’Expansion. Pourquoi ne pas avoir choisi une carrière à Bercy ?
« Cela ne m’a jamais traversé l’esprit. Étudiant, je ne savais pas trop vers quelle voie professionnelle m’orienter. Chercheur en histoire, publicité… Je me suis finalement retrouvé journaliste un peu par hasard, à la faveur d’une offre d’emploi de L’Expansion pour travailler sur le site web. J’ai tout de suite trouvé ce métier formidable. A l’époque, l’information en continu n’existait pas, on publiait tous les jours sur Internet un quotidien économique, à 18h. »
En avril 2001, votre premier roman, « Léo l’ivresse« , est publié. Votre envie d’écrire et d’être publié a toujours été présente ?
« Je n’ai pas toujours eu l’idée d’écrire des romans, mais cela a commencé à me titiller vers 21-22 ans. Depuis, cette obsession n’a pas cessé. Sans que je sache exactement pourquoi, d’ailleurs… »
2005/2006 : année au Viêt-Nam ; choix personnel ou professionnel ?
« Un choix personnel, mais qui m’a permis de vivre des expériences professionnelles qui restent parmi les plus fortes à ce jour : j’ai longuement côtoyé les vétérans de la guerre du Vietnam, Américains et Vietnamiens, pour des reportages et un documentaire télévisé. Et j’ai décrit la transformation économique et sociale du pays, et l’émergence d’une classe moyenne, en rencontrant des personnes qui ont beaucoup compté pour moi. »
Votre expérience de journaliste web à L’Express.
« J’y ai expérimenté deux nouveautés dans mon parcours : la tenue d’un blog spécialisé sur Bercy, qui m’a permis de connaître les recoins de cette citadelle dans les moindres détails. Une expérience qui s’est prolongée par un livre et un documentaire télévisé. Et le management dans une rédaction, que j’ai commencé à expérimenter à cette époque. Et que j’ai poursuivi à France Télévision, sur le site d’info, dans une rédaction très talentueuse et structurée. Et à Ouest-France, au sein d’une équipe extraordinaire, dans un media où il faut poursuivre et accélérer ce qu’on appelle la « transition numérique ». »
Votre rencontre-expérience de travail avec MM. Jean Crépu et Laurent Fargues.
« Nous avons mené à deux, et parfois tous les trois, des projets passionnants d’enquête, avec une complicité extraordinaire. Le travail en équipe devient alors un véritable plaisir. J’ai eu cette chance avec mes deux complices. »
Bercy : un sujet fétiche pour le diplômé d’économie et finances que vous êtes?
« Fétiche, je ne sais pas, mais passionnant, oui, car il dit tellement sur les élites en France aujourd’hui… »
« La Fille du Hanh Hoa« : un souvenir du Viêt-Nam?
« Oui, c’est un prolongement de mon expérience au Vietnam. J’ai d’ailleurs commencé à écrire le roman là-bas. En voici le résumé. Vingt ans après la chute de Saïgon, un ancien GI est retrouvé mort dans un hôtel de la cité, devenue Hô-Chi-Minh-Ville. Une jeune femme a eu le temps de s’éclipser de sa chambre. Dans le petit monde des vétérans américains, personne ne croit au suicide et plusieurs anciens soldats relancent l’enquête. A leur façon… Une plongée au fond d’âmes détruites par la guerre et la découverte d’un pays où les vaincus d’hier s’apprêtent à prendre leur revanche à coups de dollars. »
« Les Initiés » (janvier 2015) – la trilogie commence.
« Quelques années après la chute de Lehman Brothers, alors que le monde politique voit enfin la sortie de crise à l’horizon, le Crédit parisien est sur le point de sombrer. La plus grande banque française a besoin d’un plan de sauvetage en urgence mais la ministre de l’Économie, au sommet des sondages, symbole de la gauche revenue aux affaires, entend tout faire pour que Bercy ne mette pas sur pied un plan similaire à celui de 2008 lors de la crise des subprimes.
C’est ce plan qu’étaient chargées d’évaluer deux inspectrices des finances, Nathalie Renaudier et Stéphanie Sacco. La première s’est suicidée plusieurs années avant que le corps de la seconde ne soit retrouvé dans la cour de l’Hôtel des ministres à Bercy. Au milieu du champ de bataille où s’opposent pouvoirs publics et monde de la finance, Christophe Demory, l’homme qui partageait la vie de Nathalie, devenu directeur de cabinet de la ministre, surnage comme il peut.
Alors que les technocrates ont commencé à broder le linceul d’Isabelle Colson et que la religion de l’argent exige ses martyrs, le piège risque de se refermer sur ceux qui n’appartiennent pas à la corporation des initiés. »
Comment est né ce projet ?
« Il est né après mon enquête sur Bercy. Nous avions interrogé plus de cent personnes, il en ressortait une matière extraordinaire dans laquelle j’ai éprouvé le besoin de me replonger, que j’ai digérée, pour parler autrement de Bercy, sous la forme d’un roman. »
« En pays conquis » (janvier 2017) – la suite en pleine élection présidentielle.
La République est dans l’impasse. L’Elysée est à gauche mais l’Assemblée à droite. Très à droite : impossible pour Hélène Cassard, nommée à Matignon, de gouverner sans le soutien du Rassemblement national. Le grand argentier de sa campagne, François Belmont, la pousse à accepter cette alliance taboue. Alors que les pulsions populistes et le rejet des élites gagnent du terrain, il devient en coulisses l’homme fort du pays.
En politique, l’essentiel est toujours de savoir qui décide. Et qui spécule.
La série commence ; naissance du projet ? message à faire passer ?
« Au départ, je ne pensais pas me lancer dans une série de trois romans. Je n’avais pas de message à faire passer, je voulais décrire le fonctionnement des élites de notre pays, leurs certitudes, leur talent, leur arrogance, leurs errances. Le succès critique et commercial des Initiés, m’a conduit à poursuivre, avec En pays conquis et La Meute, cette exploration à 360 degrés d’une élite plongée dans une époque où tout s’accélère.
Mon expérience journalistique, toutes les rencontres que j’ai pu faire, ont aidé à nourrir mon imaginaire et à bâtir cette chronique de la vie politique, parallèle à celle que l’on vit… mais qui se font écho l’une avec l’autre. »
« La Meute » (octobre 2019) – La fiction entre dans la réalité ?
Un vieux président défait qui n’arrive pas à raccrocher et prépare son retour à l’occasion des prochaines élections : François Gabory. Face à lui, Claire Bontems, une jeune ambitieuse qui tente de faire main basse sur la gauche radicale en passant par-dessus les appareils politiques, aidée par Catherine Lengrand, la sœur de François Gabory. Le choc de deux ambitions. Le choc de deux générations.
Le choc de deux visions de la gauche. Et dans cette guerre sans merci, les rumeurs sexuelles, hypertrophiées par les réseaux sociaux. Dans cette ère où les fake news entrent par effraction dans le débat public, la frontière entre la vérité et le mensonge s’estompe aussi rapidement que les souvenirs. Et si, dans la France post- « balance ton porc », le clivage politique n’opposait plus la droite et la gauche, ni les patriotes et les mondialistes, mais les hommes et les femmes ?
Entre le hasard du calendrier avec les thématiques évoquées, on a l’impression que ce livre est précurseur de certains évènements qui ont succédé la sortie du livre. Votre personnage François Gabory en fait les frais. Non sans rappeler les affaires des vidéos intimes d’un candidat à la Mairie de Paris.
« L’affaire des vidéos intimes de Benjamin Griveaux entre étrangement en résonance avec La Meute. Je dis « étrangement » mais cela ne m’étonne pas en réalité. Les réseaux sociaux, l’effacement de la notion de vie privée, même de vie intime, les manipulations… Tout cela fait partie de notre monde. »
Claire Bontems, autre personnage centrale, a subi dans sa jeunesse un viol. La thématique #MeToo est abordé dans votre roman. La prévention et la libéralisation de la parole sont importantes. L’aviez-vous en tête en écrivant ce roman ?
« Oui, bien sûr, c’est une des thématiques du roman, à travers mon texte, j’ai voulu parler des luttes féministes à notre époque, de la façon dont elles se structurent à travers notamment les réseaux sociaux, de la façon dont elles contribuent à balayer une sorte de “vieux monde”. La tension entre deux époques, incarnées par les deux personnages principaux, c’est le fil rouge du roman. »
Certains personnages de votre livre peuvent rappeler, dans leurs descriptions, à certaines personnalités politiques de notre échiquier politique. Avez-vous eu certains retours de femmes ou d’hommes politiques ?
« Oui, absolument. Tous m’ont assuré que j’avais visé juste… »
Votre rapport aux réseaux sociaux ?
« J’y suis présent, je les utilise quotidiennement pour m’informer et communiquer. On y rencontre le pire, et le meilleur. Mais le pire a malheureusement tendance à prendre le pas sur le meilleur… »
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Un grand merci à Monsieur Thomas Bronnec pour sa disponibilité et sa bienveillance lors de notre échange par mail.
Merci à Monsieur Damien Nassar des éditions Equinox-Les Arènes pour les photographies de Monsieur Bronnec.