Un périgourdin aux mille vies
Ce portrait est dédié à la mémoire d’Antonin, Boubacar Garba Soulay, Charline, Kadri Abdou Gamatche, Léo, Myriam, Nadifa et Stella.
Chers Lecteurs,
Une nouvelle aventure commence sur ce nouveau blogue avec une découverte que je vous propose d’avoir ensemble pour découvrir le portrait d’une nouvelle personnalité.
Je vous propose d’aller à la rencontre d’une personnalité qui a connue aussi bien la sphère publique, que celle privée. En entrant au service du maire de Grenoble, Alain Carignon, en 1986, qui eut cru qu’il finirait par intégrer le troisième cercle du candidat à la présidentielle de 1988, Jacques Chirac, pour gravir en quelques mois les places qui l’emmèneront au premier cercle d’un futur président de la République. Une amitié était née.
Poussé par son mentor corrézien, il deviendra député de la 3ème circonscription de Dordogne. Il restera dans l’ombre au Palais en veillant sur la carte électorale et les sondages. Son chemin connaitra ainsi un parcours ministériel en 2004, en devenant secrétaire d’État en charge de l’Aménagement du Territoire.
La sphère privée prendra alors le relais en devenant directeur institutionnel d’un grand groupe privé français, PPR, qui deviendra Kering en 2010. Vous verrez qu’un rêve d’enfance se réalisera en 2012, lorsqu’il prendra la présidence du club de football, le Stade rennais.
Nouvelle vie dans une vie. En 2015, il se recentre sur l’essentiel, en devenant le directeur général délégué de l’ONG ACTED.
Je vous laisse découvrir un nouveau portrait d’une personnalité publique, qui a connu également la sphère privée : le périgourdin aux mille vies, Monsieur Frédéric de Saint Sernin !
Compte-tenu du contexte pandémique que nous connaissons, la réalisation de ce portrait avec Monsieur Frédéric de Saint Sernin a été réalisé dans un café parisien, avec les règles de distanciations sociales en vigueur, le 10 septembre 2020.
Bonne lecture !
@romainbgb – 29/09/20
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Biographie de M. Frédéric de Saint Sernin :
*1958 : naissance à Reims (Marne).
*1980 : Diplômé en Droit de l’Université Paris II – Assas.
*1982-1983 : président-fondateur de la société Cinédécors.
*1983-1986 : chef de produits et chargé des relations publiques, Benckiser France.
*1986-1988 : directeur de l’Information et de la Communication à la mairie de Grenoble.
*1988-1993 : chargé de mission auprès du maire de Paris (communication institutionnelles, études d’opinion).
*1993-1997 : député de la 3ème circonscription de Dordogne.
*1995-2010 : premier adjoint au maire de Notron (Dordogne).
*1996-2001 : conseiller général du canton de Mareuil-sur-Belle (Dordogne).
*1997-1998 : chargé de mission auprès du président du gouvernement de Polynésie française (communication institutionnelle).
*1998-2002 : chargé de mission auprès du président de la République.
-Représentant du Coprince français en Andorre.
*2002-2004 : député de la 3ème circonscription de Dordogne.
-Secrétaire de l’Assemblée nationale.
*2004-2005 : secrétaire d’État chargé de l’Aménagement du Territoire.
*2005-2006 : conseiller politique du président de la République.
*2006-2010 : directeur des relations institutionnelles du groupe PPR.
*avril 2007 : nommé chevalier dans l’ordre national de la Légion d’honneur.
*depuis 2010 : bénévole à « La Soupe Saint-Eustache ».
*2010-2014 : directeur des relations institutionnelles du groupe Kering.
*2012-2014 : président et directeur général du Stade rennais football club.
*depuis 2013 : membre du conseil d’administration de l’IRIS.
*2014-2019 : membre du prix du livre Edgard Faure.
*depuis 2015 : directeur général délégué de l’ONG ACTED.
*2015-2017 : administrateur de Convergence.
*depuis 2017 : membre du conseil national de l’Éthique de la Fédération Française de Football.
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A quoi rêvait le petit Frédéric lorsqu’il était enfant ? Vous avez su tôt quelle voie vous souhaiteriez emprunter ?
« Quand j’étais petit je voulais être footballeur. Je me suis rendu assez vite compte que j’avais une qualité : le discernement. Ce qui m’a permis très vite de me dire que je ne serai pas footballeur. Par la suite j’ai voulu être journaliste, commentateur de foot. Hormis cette passion, j’avais quelques engagements qui étaient forts et qui n’ont pas grand-chose à voir avec la scolarité même si j’étais un élève correct. Par exemple j’étais un enfant de chœur très assidu j’aimais beaucoup l’atmosphère religieuse mais pas au point de devenir prêtre. Voilà, le football et l’église étaient les deux piliers de mon enfance. »
Comment se passe votre expérience au sein de l’entreprise Cinédécors que vous fondez ?
« L’entreprise a duré un an. Je l’avais fondée avec un vieil ami qui avait une expérience dans le milieu du cinéma Cinédécors était prestataire de service entre les propriétaires de lieux aussi variés que des appartements, maisons, endroits publics etc. et les producteurs de films.
« Notre travail consistait à négocier entre le propriétaire que nous avions identifié et l’équipe du film à qui l’on faisait gagner beaucoup de temps. La valeur de l’entreprise était son fichier, nous fûmes les premiers à faire ce métier.
« La vie a fait que l’on ne s’est pas entendu sur le devenir de l’entreprise. Mon associé et moi, nous sommes séparés bons amis. L’aventure fut donc courte mais intense. On travaillait sept jours sur sept en évoluant dans un milieu tout à fait nouveau pour moi. Cette expérience m’a beaucoup aidé à comprendre des milieux différents et fonctions diverses.
« Par la suite, j’ai quitté le cinéma pour découvrir le milieu des lessives. J’y ai découvert le travail en équipe, la vie d’un grand groupe. J’y ai appris aussi un métier, le marketing qui m’a servi dans d’autres fonctions.
« Nous étions au milieu des années ’80, époque de chômage de masse, c’est vrai, mais où beaucoup de choses étaient possibles. J’ai ainsi pu passer d’une compagnie importante qui commercialisait des produits d’entretien à La direction de communication d’une grande mairie française ; et cela juste avec une candidature spontanée !
« Dans mon esprit, les années ’80 demeurent des années ou tout était possible. On pouvait changer de voie ou changer de vie, de manière assez facile. Peut-être vit-on aujourd’hui cette même souplesse dans le milieu des startups ? Leur essence même est l’agilité. »
Quel souvenir gardez-vous de votre passage à la mairie de Grenoble comme directeur de l’Information et de la Communication ?
« Un excellent souvenir parce que :
« Premièrement, c’est un retour par la case province. Moi qui suis né à Reims, mais d’origine périgourdine, je suis fondamentalement provincial. Je n’étais pas très à l’aise à Paris. J’avais perdu mon stade de football et ma cathédrale. J’étais content de découvrir Grenoble, une ville plutôt prospère sur le plan économique avec des entreprises de pointe dans le domaine qu’on qualifierait aujourd’hui de high-tech ; des centres de formation, des universités et des écoles d’excellence. Grenoble dans les années ’80 est une ville pleine de promesses. Et sa politique d’information municipale est un exercice passionnant.
« Deuxièmement, c’est une très grosse responsabilité puisque je suis à la tête d’un service de de vingt-cinq personnes avec des objectifs de communication particulièrement ambitieux.
« Troisièmement, l’information municipale, la communication, sont des nouveaux métiers. Logiquement, tout est innovation et créativité. On travaille donc avec des agences constituées de gens en perpétuelle évolution et réflexion. Au final, ce métier qui se crée au quotidien, et riche d’enseignements. Il m’a servi par la suite dans ma vie politique et aussi lorsque j’ai enseigné pendant cinq ans à la Sorbonne le marketing politique. »
Vous devenez chargé de mission auprès du maire de Paris, Jacques Chirac, en 1988. Comment s’est produit la rencontre ? Quel souvenir gardez-vous de cette expérience ?
« Si je n’étais pas engagé politiquement, j’aimais le débat public. Et lorsque, Alain Carignon, le maire de Grenoble, m’a proposé d’intégrer l’équipe de campagne du candidat Jacques Chirac pour la présidentielle de 1988, je n’ai pas hésité. J’y voyais la découverte d’un monde nouveau. A Paris, j’ai donc intégré la cellule sondages, en charge de comprendre l’évolution de l’opinion publique. Cette expérience fut pour moi le début d’un apprentissage des études politiques dont je suis devenu l’un des spécialistes au plan national.
« J’ai rencontré Jacques Chirac au début de cette campagne, j’ai immédiatement découvert une personnalité forte et chaleureuse qui donnait envie de s’engager à ses côtés. Ce fut une décision que je n’ai jamais regrettée. Pendant toutes ces années, j’ai travaillé à côté d’un homme d’Etat qui m’a donné le goût du service public et du débat politique.
« Pour en revenir à 1988, je faisais objectivement partie d’un cercle éloigné du pouvoir chiraquien. Souvenons-nous, le Premier ministre de l’époque était entouré d’Edouard Balladur, Charles Pasqua, Philippe Séguin, Alain Juppé… J’avais 30 ans.
« En outre, les sondages en début de campagne, on les regarde peu. On s’intéresse plutôt aux programmes, à l’organisation des meetings, à la campagne de communication, aux soutiens politiques. En revanche, plus l’échéance approche, plus les sondages sont suivis par les leaders. Voilà comment, je suis passé du troisième au deuxième cercle, puis au premier cercle dans les derniers jours qui précédèrent l’élection. En 1995 et 2002, j’annonçais le résultat du scrutin à Jacques Chirac. Ça crée un lien particulier. Voilà pourquoi, après sa défaite, celui-ci m’a dit : « Viens travailler avec moi à la mairie de Paris ».
« La mairie de Paris est une grosse collectivité mais performante et la communication municipale y était très active. Mais rapidement en 1990, Jacques Chirac me demande de mettre en place des outils de compréhension de l’opinion publique et de suivre la carte électorale pour le RPR (Rassemblement Pour la République). Ce fut une expérience tout à fait nouvelle et pour moi et pour le RPR. On a du mal à comprendre aujourd’hui, l’importance d’un parti politique qui parait être une structure obsolète. A l’époque, le RPR est un mouvement très hiérarchisé, très organisé et y ajouter une meilleure compréhension de l’opinion, par l’intermédiaire des sondages était un gage de réussite pour les élections à venir. Ce fut le cas en 1993 où le RPR est devenu le premier parti de France. J’ai moi-même été élu député de la 3ème circonscription de la Dordogne
« Il est vrai qu’en 1990, Jacques Chirac m’avait dit : « Frédéric, tu es fait pour la politique. Il faut que tu te présentes. » J’étais persuadé du contraire. Connaissant mes origines périgourdines, il m’avait ordonné « tu attaques là-bas ! » J’ai donc obéi loyalement. Au total, je me serai présenté à sept élections : 3 législatives (2 gagnées), 2 cantonales (1 gagnée), 3 municipales gagnées.
« Mon lien avec Jacques Chirac s’est renforcé quand il a vu qu’un de ses collaborateurs parmi d’autres, était capable d’affronter le suffrage universel. Il est d’ailleurs souvent venu me soutenir sur le terrain. Jacques Chirac m’avait aussi affirmé que le contact avec les électeurs enrichissait une personnalité ; c’est vrai. Ces relations permanentes avec mes concitoyens du Périgord ont renforcé mes capacités d’écoute et de compréhension des situations afin d’y apporter des solutions. »
De 1993 à 1997, vous êtes député de la 3ème circonscription de Dordogne. Quel souvenir en gardez-vous ?
« Pour tout vous dire, mes souvenirs de député, c’est plus le Périgord que Paris. La circonscription où j’étais élu était très vaste., composée de 174 communes à 500 kilomètres de Paris. C’était une population à grande majorité rurale se sentant souvent éloignée des centres de décisions, parfois même abandonnée. Le lien entre l’élu et la population est donc nécessaire. Je me suis rendu compte très vite que quelle que soit son étiquette politique, l’élu comptait pour tous.
« Je me souviens qu’en 1996 j’ai remporté une élection cantonale partielle qui a réuni 86% de votants. C’est dire les attentes que l’on suscite… Là-bas une fois élu, vous devez respecter une tradition : la plantation d’un arbre, une sorte d’arbre de la prospérité. Toute la population est invitée à boire, à manger, mais surtout à se réunir pour un avenir qu’on espère meilleur autour de l’élu. C’est une belle tradition qui prouve l’attention que l’on porte à la vie démocratique locale.
« Je me suis rendu compte que j’aurai été incapable d’être député de Paris ou d’une grande ville où le lien entre population et celui-ci est beaucoup plus distant.
« A Paris en revanche, nous sommes 480 députés de la majorité sur un total de 577. Autant dire que pour un jeune élu il est difficile de se faire une place. Et moi qui connais bien la carte électorale, j’ai bien compris que comme beaucoup d’autres, je serai élu député pour un mandat parce que la vague qui nous a porté en 1993 était particulièrement forte. J’avais donc décidé d’être discret et de suivre les conseils des gens importants qui comptaient dans l’hémicycle comme Pierre Mazeaud ou Robert-André Vivien.
« En revanche, je me suis senti utile dans le débat public national sur un sujet me reliant à ma circonscription : la situation des veuves d’agriculteurs. Mon combat de l’époque, visait à obtenir le cumul des pensions de réversions et droits propres. Ce fut une satisfaction de l’obtenir après de longs débats.
« Mais la campagne présidentielle de 1995 approche, j’ai donc naturellement intégré l’équipe de Jacques Chirac. On se souvient tous du duel Chirac–Balladur qui a provoqué l’incompréhension des jeunes élus que nous sommes. Comme je l’ai dit tout à l’heure, au RPR, on est membre d’un parti qui est très organisé, très hiérarchisé ; le Chef, c’est le Chef ! Pour nous, la mobilisation totale derrière jacques Chirac était une évidence.
« La confrontation entre Chirac et Balladur aura finalement été une chance pour beaucoup d’élus de ma génération, comme François Baroin, Renaud Muselier, Philippe Briand, Pierre Bédier, Hervé Gaymard, Christian Jacob….
« Lorsque le 6 janvier nous avons organisé la conférence de presse de lancement de campagne, nous étions bien peu nombreux et les journalistes aussi. Évidemment, on se sentait un peu abandonné mais l’on savait que c’était notre chance. Roland Dumas, l’ancien ministre de François Mitterrand, nous surnommait les « Marie-Louise » de Jacques Chirac. Ce fut notre chance, dans le sens où, nous avions la responsabilité totale de la campagne. Nous n’avions aucun doute sur la légitimité de la candidature de Jacques Chirac. Il a finalement gagné et certains d’entre nous comme Hervé Gaymard et François Baroin sont rentrés au gouvernement très jeunes.
« Après son élection et la dissidence Balladur, jacques Chirac a voulu nommer des fidèles à la tête du RPR. Je suis ainsi devenu le responsable des élections, mission majeure qui donne les investitures au candidat du mouvement. Ce fut pour moi une très lourde mais passionnante responsabilité de connaître parfaitement la carte électorale.
« Jacques Chirac a souhaité aussi que je l’accompagne à l’Élysée à titre officieux puisque j’étais parlementaire. Cependant, après 1997 et ma défaite aux législatives, j’ai intégré le cabinet du Président de le République officiellement pour y occuper des fonctions diverses. »
De 1997 à 2002, vous êtes chargé de mission auprès du président de la République. Vous êtes aussi le représentant du Coprince en Andorre. Quel souvenir en gardez-vous ?
« Avant 2002, j’occupe des responsabilités différentes même si l’aspect politique constitue la principale fonction. J’ai avant tout une fonction politique. En effet, je suis toujours l’analyse de l’opinion publique et la compréhension des mouvements de pensée. Ma connaissance de la carte électorale me permet de travailler en confiance avec les élus. Je suis donc dans la continuité de ce que je fais depuis des années. Pendant cette période je fus aussi conseiller d’Outre-mer et chacun sait, l’importance que Jacques Chirac attachait aux populations ultramarines. J’ai ainsi travaillé sur l’évolution des statuts de plusieurs collectivités.
« En ce qui concerne l’Andorre, j’ai eu pendant 4 ans la mission de représenter le Coprince qu’est le président de la République française. C’était une joie de me rendre dans ce magnifique pays toutes les 6 semaines afin de suivre et d’accompagner son évolution politique. Durant cette période, j’étais même andorran de fonction.
« De mes années passées à l’Élysée, je garde le souvenir d’une grande exigence de le Présidence Chirac : beaucoup de travail, beaucoup de sollicitation mais au total une vie passionnante. »
En 2004 vous êtes nommé secrétaire d’État en charge de l’Aménagement du Territoire. Quel souvenir gardez-vous de cette expérience ? On a beaucoup jasé à la fin sur le fait que votre cousin, le Premier ministre Dominique de Villepin, ne vous a pas appeler pour vous prévenir que vous n’étiez pas reconduit en 2005.
« Je dois vous dire que je redoutais ce ministère. Quand vous êtes élu en milieu rural, l’aménagement du territoire, signifie tout ! En effet, chacun croit, que toute demande, toute décision, constitue une politique d’aménagement du territoire. Même la réfection du chemin du voisin… Mais rentrer dans un gouvernement est un honneur qui ne se refuse pas. En outre, je me suis retrouvé à la tête d’une des très belles administrations que notre pays a la chance de posséder, la DATAR ; à l’époque, 4 000 employés tout à fait remarquables. Au total, ces 13 mois passés au gouvernement furent une expérience extrêmement diverse et riche. En effet, je me déplaçais énormément, je rencontrais la diversité des territoires et des attentes, j’étais confronté à des défis intenses comme la place du service public en milieu rural, la couverture de la téléphonie dans les zones accidentées, l’équilibre entre les territoires d’une même région, la mise en place des pôles de compétitivité etc. Tout cela était vraiment passionnant.
« J’ai eu en outre la chance de porter au parlement un texte de loi sur le « développement des territoires ruraux. La qualité des débats aussi bien à l’Assemblée Nationale qu’au Sénat m’a profondément réjoui. De tous les bancs, naissaient des initiatives pertinentes qui amélioraient le texte. Il fallait pour cela de l’écoute, une certaine flexibilité mais le résultat fut à la hauteur de ce que souhaitait le Président de la République.
« 2005 arrive. A l’issue du referendum sur la Constitution européenne, Jacques Chirac a souhaité changer de Premier Ministre. Dominique de Villepin a été nommé et contrairement à ce qui a été dit, mon cousin (puisqu’il l’est) m’a téléphoné pour me dire que je ne serais plus membre du gouvernement. Selon la phrase consacrée, on sait que l’on reste plus longtemps ancien ministre que ministre en exercice. Dommage, j’avais envie de continuer.
« C’est en revenant à l’Élysée comme conseiller politique que j’ai intégré le fait de changer de vie à brève échéance. En effet, le mandat de Jacques Chirac touchait à sa fin et je souhaitais revenir dans le secteur privé. J’étais convaincu qu’avoir servi une personnalité comme Jacques Chirac était une expérience irremplaçable, je ne me voyais pas poursuivre une carrière politique sans un leader charismatique. Quand on est engagé, il faut avoir la flamme, on est au service des gens, on essaye de bâtir un avenir meilleur. Si cette flamme s’estompe il ne faut surtout pas continuer.
« Avant de réintégrer la sphère privée, j’avais une mission : préserver la prééminence du rôle du président avant qu’il ne quitte l’Élysée, dans un contexte où sa succession suscitait des vocations… »
Le Président Jacques Chirac nous a quitté il y a un an. Un souvenir vous revient-il en mémoire, que vous souhaiteriez partager ?
« Il y en a beaucoup. Sur ma première campagne cantonale, alors que j’étais son collaborateur à la mairie et au RPR, il est venu me soutenir sur le marché. Il est sorti de la voiture et m’a dit : « Frédéric, maintenant je te tutoie ! » Pour lui j’avais changé de dimension.
« En 1993, quand je suis devenu député, il est revenu sur le sujet ne me disant : « Bon Frédéric, maintenant, tu me tutoies ! » Ma réponse était claire, « Non, je ne peux pas vous tutoyer ! » Il a rétorqué : « Chez nous, les compagnons, on se tutoie tous ! » J’ai eu cette remarque qui l’a étonnée « Bon, si je tutoie Édouard Balladur, je vous tutoie aussi ! » Il a éclaté de rire : « Reste au vouvoiement ! ». »
#CHIRAC4EVER
En 2006, vous devenez directeur des relations institutionnelles du groupe PPR. Quelle expérience en gardez-vous ?
« Premier constat, avant de parler de l’expérience : Il est très difficile de passer du secteur public au privé comme de passer du secteur privé au public. Souvent les gens du privé disent : « Non, mais ces hommes politiques sont coupés de la réalité. S’ils devaient gérer l’État comme une entreprise… » En fait, les passerelles entre les deux mondes n’existent quasiment pas. Quand je faisais de la politique, je ne connaissais que très peu les grands acteurs de la vie économique en revanche je les connaissais par cœur dans ma circonscription. A l’inverse, les dirigeants du privé ne font pas beaucoup d’efforts pour intégrer les contingences publiques dans leur stratégie d’entreprise. Il est donc important que des gens comme moi puisse servir de passerelle.
« Chez PPR, devenu Kering, j’avais la responsabilité d’accompagner la stratégie qui visait à se séparer de marques de distribution pour se concentrer sur des marques de luxe. J’avais en outre la responsabilité de la lutte anti contrefaçon. A ce titre j’étais membre du comité de direction et aussi président du comité d’éthique du groupe. »
De 2006 à 2014, vous êtes président et directeur général du Stade rennais. Un nouveau challenge ?
« On en revient à votre première interrogation : je voulais être footballeur, puis journaliste sportif. La vie a fait que je suis devenu Président d’un grand club de football français, le stade Rennais qui appartient à la famille Pinault. Il faut se rendre compte qu’un club comme celui-ci c’est 170 employés, 50 000 000€ de budget, qui rassemble entre 20 000 et 25 000 spectateurs tous les 15 jours avec une grande surface médiatique. C’est donc un métier passionnant mais très prenant.
« Ente le groupe Kering et le stade Rennais, je travaillais 7 jours sur 7. A l’époque j’ai voulu faire en sorte que le club soit encré dans la réalité culturelle bretonne qui est si forte. Nous avons donc créé des évènements majeurs. En outre, j’ai voulu que le stade rennais intègre l’environnement social local. Nous avons par exemple organisé des journées de l’emploi pour permettre aux chômeurs de trouver des solutions. Le foot, j’ai voulu le sortir des pages sportives pour l’intégrer dans un contexte social et culturel plus large. »
Vous êtes depuis 2015, directeur général délégué de l’ONG ACTED. Comment vivez-vous cette nouvelle expérience ?
« D’abord, comment cela s’est passé ? J’arrête le foot, je démissionne de Kering et décide de repartir à zéro à 56 ans. Je pars au Liban grâce à une toute petite ONG et me retrouve au-dessus de la plaine de la Bekka, près de Baalbek, pour travailler auprès des enfants de réfugiés syriens. J’ai vécu cette expérience dans un petit couvent de frères maronites ; une quête d’absolu !
« A mon retour à Paris, les co-fondateurs d’ACTED m’ont contacté et m’ont proposé de les rejoindre. Ça fait désormais 5 ans et demi que je travaille pour ACTED. ACTED est une ONG composée de 7 000 employés soutenant 20 millions de bénéficiaires directs dans 37 pays du monde. Une ONG qui travaille pour les plus démunis, en particulier en Syrie, en Iraq, en Afghanistan, au Yémen, en Somalie et en République Démocratique du Congo. L’exigence et le professionnalisme chez ACTED sont de règle, nos 120 bailleurs qui viennent des Nations Unis, de l’Union Européenne ou des États nous font confiance pour porter des programmes d’urgence et de développement dans les meilleures conditions possibles. »
Comment avez-vous organisé votre confinement ?
« Nous avions anticipé ce confinement en achetant suffisamment d’ordinateurs pour que les 90 employés qui travaillent au siège puissent être aussi efficaces à leur domicile.
« Pour ma part j’habite dans 60m2 à Montparnasse et mon organisation personnelle sans jamais sortir avait un côté monacal. Mais je crois, efficace. »
Quel est votre rapport avec les réseaux sociaux ?
« Vous me posez une question sur les réseaux sociaux car vous l’avez compris, je n’y connais rien. Je ne sais pas comment marche les réseaux sociaux. Je ne suis pas sur Twitter. Je ne suis pas sur Facebook. ACTED est présent bien sûr. Je ne suis nul par et je n’ai nullement l’intention d’y être. J’ai mon téléphone portable et mon ordinateur. Linkedin, je ne sais pas ce que c’est. Facebook, je ne sais pas ce que c’est. Twitter, je ne sais pas ce que c’est.
« Pourtant, j’ai vécu une expérience de professeur de communication politique à la Sorbonne entre 1997 et 2002. Mon enseignement portait sur les moyens d’informer l’opinion par des techniques tout à fait traditionnelles. Je serais bien incapable aujourd’hui, d’exercer le même métier par ma méconnaissance totale des réseaux sociaux. »
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Merci à Madame Marie-Claire Carrère-Gée d’avoir permis la rencontre.
Merci à Monsieur Frédéric de Saint Sernin pour son écoute et sa bienveillance.
Merci à Mesdames Camille Fourré et Angèle Beaurenaut pour leurs aides précieuses.