M. Jérémie Patrier-Leitus

Une promesse de l’aube Calvadosienne.

 

Chers lecteurs,

Je vous propose de bien vouloir reprendre le chemin de l’Hémicycle national à travers un nouveau portrait qui donne la parole à la jeunesse pour débuter l’année ensemble. Je souhaite poursuivre avec vous sur le parcours d’un jeune élu qui a su faire sien le chemin pour garder le cap de sa vision de sa circonscription calvadosienne.

Économie et Affaires Internationales. Ce sont sur les bancs de l’Université de Paris Dauphine que notre interrogé débutera son cursus dans l’enseignement supérieur.

Quai d’Orsay. Dans la continuité de son parcours universitaire, notre interrogé effectuera son stage de fin d’études au sein de Ministère des Affaires étrangères en 2011. L’heure de la rencontre avec celui qui sera son mentor politique : Alain Juppé.

FIAF. C’est au sein de cette Institution culturelle que le parcours professionel de notre personnalité démarre lors d’un stage avec la rencontre de son 2ème mentor : Marie-Monique Steckel. Il deviendra son bras droit deux ans plus tard.

Primaire de la droite et du centre. Les retrouvailles professionnelles avec Alain Juppé ont lieu lors de la campagne présidentielle 2017. Notre interrogé sera dans l’équipe de campagne du candidat lors de la primaire pour la présidentielle.

Sciences Po. Dans la continuité professionnelle de notre personnalité, l’enseignement lui permet de garder une fenêtre d’observation et le pouls de la jeunesse depuis 2017.

Notre-Dame de Paris, Celle qui sera probablement « l’expérience de sa vie » se produit suite à l’incendie de Notre-Dame et sa rencontre avec son 3ème mentor : le général Georgelin. Notre interrogé prendra part au projet en étant en charge de la communication au sein de l’établissement public chargé de la reconstruction de la Cathédrale.

#Circo1403. Nouvelle étape pour notre interrogé qui contre toute attente rejoindra cette fois les bancs du Palais Bourbon lors des élections législatives de 2022. Son mandat sera confirmé une nouvelle fois avec les élections législatives de 2024.

Je vous laisse découvrir le portrait de M. Jérémie Patrier-Leitus, député de la 3ème circonscription du Calvados.

M. Jérémie Patrier-Leitus, député de la 3ème circonscription du Calvados – ©droits réservés

Ce portrait a été réalisé lors d’un entretien à l’Assemblée nationale le 11 février 2025.

 

Bonne lecture !

@romainbgb – 17/02/25

***

Biographie Express de M. Jérémie Patrier-Leitus :

*1989 : naissance à Paris.

*2004-2007 : Baccalauréat Série ES, mention Très Bien au Lycée Henri IV (Paris).

*2008-2013 : Master en Économie et Affaires Internationales à l’Université Paris Dauphine.

*2009 : échange universitaire en Économie à l’University of Chicago (États-Unis).

*2011 : Membre du Cabinet du ministre des Affaires étrangères, M. Juppé.

*2013-2015 : Directeur du développement et des évènements du FIAF (New-York).

*2015 : Directeur adjoint du Fonds Pour Paris

*2016 : Membre de l’équipe de campagne de M. Juppé, candidat à la primaire ouverte de la droite et du centre à la présidentielle 2017.

*2016-2019 : Représentant en France et conseiller de la présidente du FIAF.

*depuis 2017 : professeur à Sciences Po Paris.

*2018 : fondateur avec ses deux frères de la bourse de recherche Cathy Leitus contre les tumeurs cérébrales en partenariat avec l’Institut du cerveau.

*avr.-déc.2019 : Délégué général en charge de Notre-Dame de Paris auprès du Ministère de la Culture.

*déc.2019-juin 2022 : directeur de la communication, du développement et de la programmation culturelle au sein de l’établissement public chargé de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris

*oct.2021 : adhésion à Horizons.

*depuis fév.2022 : délégué du Comité Horizons Lisieux Normandie.

*depuis juin 2022 : Député de la 3ème circonscription du Calvados.

– Co-président du groupe d’études Tourisme et Patrimoine à l’Assemblée nationale.

*nov.2022-oct.2024 : Administrateur du Centre Pompidou.

*janv.2023-oct.2024 : Administrateur de Radio France.

*depuis sept. 2024 : Vice-président de la Commission des Affaires culturelles et de l’Éducation à l’Assemblée nationale.

– Administrateur de France Médias Monde.

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À quoi rêvait le petit Jérémie lorsqu’il était enfant ?

« Il est vrai que j’ai toujours été intéressé par la politique. Je rêvais qu’un jour je ferais de la politique. Je ne sais pas si c’était maire, député, ministre… En tout cas, mes professeurs à l’école primaire me disaient : « un jour tu seras ministre ! » Cela a dû contribuer à nourrir mes rêves et mes ambitions.

« J’ai perdu mes parents lorsque j’étais assez jeune. J’avais une mère journaliste qui s’intéressait beaucoup à la politique. Elle était spécialisée dans la communication, notamment celle politique. Elle travaillait pour Stratégies, qui est spécialisé là-dedans. Son engagement était plutôt centre-gauche, social-démocrate. Mon père qui était expert-comptable et autodidacte, était plus à droite. J’avais des parents qui aimaient la politique. On parlait beaucoup de politique en famille. »

 

Comment est née votre rencontre avec la politique ?

« Mon premier évènement marquant reste le soir du 1er Tour de la présidentielle en 2002. Ma mère, qui était plutôt de gauche, apprend la défaite de Lionel Jospin et l’arrivée au 2nd Tour de Jean-Marie Le Pen. Elle en pleure. On est à Paris ce dimanche-là. Elle décide de nous emmener à France Télévision pour suivre la soirée électorale. J’avais 13 ans, mon frère 11 ans. Nous étions les seuls enfants présents. La jeune Marine Le Pen était présente.

« Ma première rencontre la politique est donc de voir ma mère pleurer face à la défaite de Lionel Jospin. Une semaine après, on est allé manifester à la Bastille pour faire barrage contre l’extrême-droite. Je peux dire que c’est mon premier acte politique.

« Ensuite, très jeune, j’ai rencontré Alain Juppé avec qui j’ai travaillé Quai d’Orsay et ensuite fait sa campagne pour la primaire à la présidentielle 2017. »

 

Que retenez-vous de vos années d’étudiant ?

« J’ai beaucoup appris. J’ai eu la chance de faire des études passionnantes.

« D’abord, j’ai eu de très bons professeurs au Lycée Henri IV, à Paris. J’étais très heureux à Henri IV. J’étais au Conseil d’administration.  J’ai appris à penser, à réfléchir. Ce que j’ai appris là-bas, m’a servi pour les dix années d’après. J’ai eu des professeurs remarquables qui m’ont appris à structurer mes pensées.

« Ensuite j’ai fait des études d’Économie en France puis à l’International. J’ai eu la chance à Dauphine d’apprendre l’Économie, les Affaires internationales, le Droit public. J’ai eu la chance de faire 2 Masters différents, sur 2 champs différents.

« J’ai eu la chance d’aller étudier à l’International en allant à la fois à Londres et à Chicago. Ce qui m’a aussi ouvert sur des systèmes universitaires très différents. J’ai eu le privilège de pouvoir suivre des études un peu longues et de rentrer sur le marché du travail un peu tard. Enfin, un peu tard, 24 ans… »

 

Quelle expérience retenez-vous de votre passage au Cabinet de M. Juppé au Ministère des Affaires Étrangères ?

« Cela a été la rencontre avec un Homme d’État. Au-delà des idées politiques, j’ai vraiment rencontré sans doute l’un des meilleurs ministres des Affaires étrangères. J’ai découvert une autorité, une capacité d’analyse, d’arbitrage, avec une capacité de penser la complexité du monde, avec une capacité à articuler une vision de la France. Tous ceci avec le sens de l’État chevillé au corps. J’ai vraiment découvert un homme remarquable et je regrette que par la suite les Français ne l’est pas choisis comme président de la République.

« J’ai eu la chance et le privilège de travailler avec lui. C’est une machine intellectuelle hors norme. C’est quelqu’un de brillant. Contrairement à ce que les gens pensent, c’est quelqu’un d’humble et timide. Ce qui parfois peut passer pour de l’arrogance, c’est plutôt une profonde humilité et parfois même une timidité.

« Cela a été une expérience enrichissante. Je suis arrivé en 2011 pour un stage de fin d’études. C’était une année où il y a eu une conjugaison de crises. Il y a eu la famine dans la corne de l’Afrique. Il y a eu l’invasion en Lybie puis la résolution de l’ONU. Il y a eu le printemps arabe. C’était un moment particulier. »

 

Comment avez-vous vécu votre expérience new-yorkaise au sein du FIAF ?

« C’est là où j’ai tout appris. C’est sans doute ce qui m’a permis d’avoir la carrière que j’ai aujourd’hui. J’y ai rencontré une femme, qui est devenue ma mentore, qui s’appelle Marie-Monique Steckel. Elle m’a recruté comme son stagiaire et 2 ans après m’a nommé comme son bras droit. Elle m’a fait confiance. J’ai tout appris auprès d’elle. C’est une femme généreuse qui m’a ouvert son réseau. J’ai pu commencer ma carrière professionnelle grâce à Marie-Monique Steckel.

« Je me suis formé. J’ai appris à manager des équipes. J’ai appris à manager des projets. J’ai appris à manager des budgets. J’ai eu carte blanche pour porter tout un tas de projets. C’est un lieu qui œuvre au rayonnement de la culture et de la langue française. On a transformé cette Institution.

« Cela a été la chance dans ma jeune carrière d’avoir rencontré 3 mentors. Un en politique, qu’est Alain Juppé. Un dans le monde de la culture, qu’a été Marie-Monique Steckel. Puis ensuite avec le général Georgelin. Ils m’ont formé, fait confiance et ouvert leurs réseaux. »

 

MM. Alain Juppé et Jérémie Patrier-Leitus pendant la campagne des primaires de la droite et du centre en 2017 – ©droits réservés

 

Comment s’est passé la primaire présidentielle de 2017 auprès de M. Juppé ?

« C’était passionnant. Je ne connaissais pas très bien la France et il est vrai qu’on l’a sillonnée. C’était une découverte du pays. Je le suivais dans beaucoup de ses meetings, de ses déplacements.

« Cela a été une aventure humaine extraordinaire cette campagne des primaires. On était avec mille idées à la minute. J’ai vécu cette expérience avec une telle intensité dans les échanges, avec des rencontres formidables. Puis, l’on était une bande de jeunes motivés. Cela a été assez remarquable. Toute une équipe de jeunes mobilisés pour essayer de le faire gagner. C’est un moment de ma vie exaltant. Le QG de campagne était vraiment une ruche qui fourmillait.

« Puisqu’en plus cela a été presque comme une campagne présidentielle. D’ailleurs, cela a peut-être été l’erreur, mais c’était l’adrénaline d’une campagne. C’est-à-dire que l’on a sans doute oublié qu’avant la campagne présidentielle, il fallait déjà gagner la primaire. Notre électorat c’était un électorat de droite et qu’il fallait parler à cet électorat-là. Peut-être que l’on a voulu enjamber la primaire sans le vouloir intentionnellement. Je n’en n’étais qu’un modeste rouage. J’étais jeune.

« Même nous, les jeunes, on a fait une campagne de centre-gauche. Alors qu’en fait, il y avait un électorat de droite qu’il fallait aller chercher. On a fait une campagne présidentielle qui ouvrait très large. François Fillon avait compris quel était l’électorat qui allait voter à la primaire. La campagne des primaires, il faut parler à son électorat. Un 1er Tour de primaire, ce n’est pas un 1er Tour de présidentielle. »

 

Que retenez-vous de votre passage au FIAF à Paris ?

« En fait, je pense que j’avais le meilleur job du monde. Il n’y avait pas de structure à Paris. J’étais un électron libre.

« Ma mission c’était de trouver des financements et des projets culturels et artistiques pour New-York. À Paris, je rencontrais à la fois des entreprises et des mécènes pour trouver des financements pour cette institution privée. Puisque le FIAF est une institution intégralement financée par des fonds privés. Pour ma part, j’étais à Paris pour chercher des budgets.

« Puis, j’avais carte blanche pour proposer des projets artistiques. Par exemple, on a créé le premier Festival du film d’animation française aux États-Unis. Cela, j’y ai contribué en trouvant les financements et à définir aussi les contours de ce Festival.

« J’avais un travail génial. J’allais de Festival en Festival, de rencontre en rencontre. J’avais pour mission de nourrir New-York de la France. C’était plutôt bien. »

 

Que retenez-vous de votre expérience de professeur à Sciences Po ?

« Je trouve cela passionnant parce que lorsque l’on est professeur on est obligé de se mettre à niveau, en permanence, et d’apprendre. Faire un cours à Sciences Po de 2 heures par semaine, pendant 13 semaines, sur le financement de la culture et la gestion d’organisation culturelle, cela m’oblige chaque année à me remettre à niveau, à apprendre. Un cours à Sciences Po demande une préparation approfondie. Cela m’oblige de me mettre à jour sur tous les sujets dont j’ai la charge.

« Puis, je trouve que d’être professeur, surtout quand on est parlementaire, même si j’ai commencé bien avant d’être député, je trouve que cela permet de garder tout de même une prise avec la jeunesse du pays. Alors même si Sciences Po, c’est une jeunesse particulière. Mais tout de même. Par exemple pendant les attaques terroristes du Hamas en Israël, c’était intéressant. En réalité, c’est une fenêtre d’observation d’une jeunesse particulière. Je sais bien que Sciences Po, ce n’est pas la jeunesse de France. Cela reste tout de même une fenêtre d’observation qui permet de prendre le pouls de cette jeunesse-là. Pour ces deux raisons, c’est passionnant. Je n’ai pas voulu renoncer à ces cours. »

 

Avec vos frères vous fondez la bourse de recherche Cathy Leitus, suite au décès de votre mère. Le combat contre le crabe continue ?

« C’est d’abord un combat personnel. Les tumeurs au cerveau, c’est sans doute l’un des derniers cancers qui ne guérissent pas. En tout cas, le glioblastome, qui est la tumeur cérébrale la plus fréquente, dont on sait l’issue fatale. Il est vrai qu’il y a un combat pour la recherche.

« Ma mère a été remarquablement bien soigné par le chef de service d’oncologie cérébral de la Pitié-Salpêtrière. Elle a été remarquablement accompagnée. On trouvait qu’il fallait aussi rendre à ce médecin, à son équipe. On a eu l’idée de cette bourse.

« L’idée de cette bourse est de mobiliser notre réseau, les amis, les entreprises que l’on connait, pour lever de l’argent chaque année. Bon, alors, c’est une goutte d’eau, mais pour financer la recherche contre les tumeurs cérébrales. On parle de 25’000 €/an.

« Cela nous paraissait aussi une manière de prolonger le combat de notre mère qui était une vraie combattante, de rendre à ce médecin une forme de reconnaissance de son engagement, de contribuer à la recherche.

« L’Institut du Cerveau, c’est l’une des plus belles institutions médicales et scientifiques de France. Ce sont des chercheurs remarquables. C’est un des leaders européens dans la recherche sur le cerveau. C’est vraiment un fleuron de la recherche française. En prime, il est situé à la Salpêtrière. Cela nous paraissait avoir du sens. On continue ! »

 

MM. Jérémie Patrier-Leitus, Alain Juppé et le général J-L. Georgelin devant la Cathédrale Notre-Dame de Paris – © droits réservés

 

Notre-Dame de Paris a repris de sa superbe en décembre. Comment avez-vous vécu votre rôle au sein de l’établissement public en charge de la restauration ?

« Cela a été le projet de ma vie, je pense. C’est le ministre qui est venu me chercher.

« Pour tout vous dire, j’étais sur le point de repartir à New-York avec ma femme, pour prendre la présidence du FIAF. J’avais 30 ans. J’étais content parce qu’en France, si vous n’avez pas fait l’ENA, ou tant que vous n’avez pas 50 ans, avant que l’on vous confie la direction d’un établissement public et culturel, vous pouvez attendre… À 30 ans, on me confiait tout de même la direction d’un centre culturel d’envergure. C’était une chance. Mon épouse était mutée. On avait fait nos bagages ; puis arrive Notre-Dame.

« On me propose le projet. Je vous passe les détails. Je me retrouve avec le général Georgelin. On fait une dizaine d’entretiens. Il me propose de prendre la charge de tout ce qui n’est pas les travaux. Il avait reçu des milliers de candidatures.

« Cela a été l’expérience d’une vie parce que tout est parti d’une page blanche à l’Élysée. On était 4. Il y avait le général Georgelin, Philippe Jost, qui est devenu son successeur, un chargé de mission et puis moi. On avait pour mission de reconstruire Notre-Dame en 5 ans. Puis on a créé un établissement public. On a recruté 40 personnes, louer des bureaux. J’ai défini toute une stratégie de communication, de programmation culturelle, la stratégie de mécénat et des dons. On a dimensionné l’établissement public, conçut des fiches de postes, recruter des gens. J’ai constitué mon équipe autour d’une douzaine de personnes.

« C’est le projet d’une vie parce que c’est un projet où il y avait tout à bâtir, tout à construire. Le général m’a fait confiance. Il m’a laissé carte blanche pour porter des projets. Dès que je lui soumettais une idée, un projet, il me donnait son feu vert. Cela a été assez formidable d’avoir un patron qui au début m’a éprouvé. C’est vrai. J’étais encore jeune, pour les responsabilités qu’il m’avait confiées. Pendant 6 mois, il m’a un peu bizuté. Puis, il a considéré que je faisais l’affaire. On a noué une relation amicale.

« Je lui disais que l’on allait lancer un magazine, La fabrique de Notre-Dame. J’ai eu carte blanche. Je lui disais qu’on allait faire une exposition de réalité virtuelle. On l’a faite. Tous les projets que j’ai voulu lancer, il me disait oui. On a fait une maison du chantier et des métiers sous le parvis. On a fait une inauguration de l’exposition universelle. J’ai eu le feu vert pour faire tout ce que je voulais.

« Cette relation a été précieuse. Lorsque j’ai voulu me présenter comme député, il aurait pu me faire part de son refus, après toute la confiance qu’il m’avait accordé, à 2 ans de la réouverture. Mais pas du tout. Il m’a dit : « Vous avez travaillé dur pour Notre-Dame, allez-y ! Si vous gagnez, on vous regrettera ! » Il m’a encouragé. C’était agréable. Pas tous les patrons auraient eu la générosité de dire : « allez-y ! » Cela a été une magnifique rencontre professionnelle et personnelle. Son départ a été une grande tristesse. »

 

MM. Jérémie Patrier-Leitus et Édouard Philippe – © droits réservés

 

Quel regard portez-vous sur Horizons et le projet présidentiel de M. Philippe ?

« J’ai rejoint Édouard Philippe parce que j’avais travaillé avec Alain Juppé. Il y avait comme une espèce de filiation.

« J’ai rencontré Édouard Philippe pendant la campagne des primaires d’Alain Juppé. Pour moi, c’était celui qui porte les idées que l’on a défendu avec Alain Juppé, c’est-à-dire une droite qui assume qu’elle est de droite mais avec des valeurs à dimension sociale, progressiste sur les valeurs. J’allais dire que c’est une droite sociale, humaniste, libérale et européenne au contraire d’une droite conservatrice. C’était un rapprochement idéologique évident.

« Aujourd’hui on est dans un contexte politique difficile, instable. Je pense que l’on gagnera i l’on est capable de formuler des propositions ambitieuses. Édouard Philippe parle de propositions massives. Je pense que malheureusement l’heure est à la radicalité. Il ne faut pas céder à cette radicalité. Il faudra des propositions massives et ambitieuses.

« C’est là où je souscris aux propos d’Édouard Philippe. Celui qui gagnera la présidentielle c’est celui qui arrivera à créer un lien de confiance avec les Français, mais surtout qui proposera des réponses fortes. Maintenant, il faut y aller. On ne peut plus se contenter de demi-mesures.

« Mon analyse, c’est que l’on est arrivé au bout, dans plein de sujets, du bricolage et de la pose de pansements. On le voit dans le système éducatif que je connais le mieux. On le voit dans le système culturel. On le voit finalement dans la majorité des pans de notre société. On rafistole. On bricole. On met des pansements. On est à bout de souffle. Il faut réinventer le modèle partout. C’est cela qui est vertigineux.

« Il faut repenser l’Hôpital public. Il faut repenser le modèle éducatif. S’il on est honnête et que l’on regarde la situation du pays, il faudrait finalement tout refonder et non pas mettre des pansements. Dans la médecine libérale, quand on pense qu’un Français sur 3 n’a pas de médecin traitant, dans la 6ème puissance économique au monde… »

 

Quel regard portez-vous sur la campagne présidentielle de 2022 ?

« Il y a eu une haine à l’encontre du président de la République, cela est claire, dont une partie, pour moi, reste irrationnelle. Bien sûr qu’il a fait des erreurs. Bien sûr que tout n’était pas parfait. Je trouve que cela illustre le paradoxe des Français, en tous les cas la difficulté à gouverner les Français. Il y a un proverbe latin qui résume bien cela : « Il n’y a qu’un pas entre le Capitole et la Roche-Tarpéienne. » Un jour on loue les gens et le lendemain on les jette. À Rome c’est ce que l’on faisait. Un jour, ils étaient au Capitole, idolâtrés. Puis, deux jours après, on les jetais de la Roche-Tarpéienne. C’est un peu cela.

« Cela reflète tout de même la difficulté des Français à se choisir un chef. On veut un président hyperactif, Nicolas Sarkozy, puis après on le déteste. On veut un président normal, François Hollande, ensuite on le déteste. On veut un président brillant sur le plan intellectuel, puis après on trouve qu’il l’est trop. Cette campagne a illustré le paradoxe des Français. En disant cela, je ne nie en rien ce qui n’a pas fonctionné en 2022. Je trouve tout de même qu’il y a eu dans la haine un degré trop important. »

 

Comment avez-vous vécu le soir de votre élection en tant que député du Calvados en 2022 ?

« Je vais d’abord vous dire un mot du contexte. Je n’avais aucune chance de gagner. Aucune. J’allais contre la vague qui portait dans le sens du RN. Qui plus est de gagner une circonscription qui n’était déjà pas gagner en 2017. La gagner en 2022, ce n’était pas gagné. Je n’avais aucune chance purement statistique, arithmétique. Puis, je n’avais pas de chance parce que la députée sortante était soutenue par l’intégralité des élus locaux. Entre une dynamique nationale qui n’était pas favorable et une dynamique locale qui ne m’était pas favorable. Je partais vraiment avec aucune chance de gagner. J’avais dit au général : « je pose une graine, mais cela sera plus pour 2027 »

« Le 1er Tour a été particulier parce qu’on arrive à 21H45, 95% des bureaux de votes dépouillés, le RN est largement en tête. En 2ème position arrive la députée sortante LR. Je suis 100 voix derrière elle. Il reste 5% des bulletins de vote.

« Ils ouvraient le champagne à la mairie. J’étais dans ma permanence. Je verse une larme. J’ai perdu. Les journalistes me demandent de réagir. Je suis superstitieux. Je leurs dit que je sais que c’est perdu mais qu’il reste 2 Communes.

« Arrive l’avant-dernière Commune. Le rapport de force ne change pas. Puis arrive la dernière. C’est la seule où le maire me soutenait. Mollement mais il me soutenait. Finalement, le RN est en tête dans cette Commune. J’arrive 2ème, de 300 voix devant la candidate LR. Je suis 110 voix au-dessus. Je passe au 2nd Tour. Au 2nd Tour, je gagne contre le RN. Comme quoi c’est l’ascenseur émotionnel, pour répondre à la question.

« Je pense que le soir même du 2nd Tour, je n’ai jamais stressé autant. J’étais à ma permanence à Lisieux avec ma femme, mon directeur de campagne et mes amis. Lorsque l’on fait campagne, rationnellement, je savais que je n’avais aucune chance. Mais au fond de moi, je savais que j’allais gagner quand même. L’ascenseur émotionnel demeure. Je pleure. Je perds. Puis, finalement, je gagne. Contrairement à 2024 où très tôt je vois que je vais gagner. Les remontées, le soir même, très tôt, font comprendre que je vais gagner. Les 2 soirs, très tôt j’avais compris que j’avais passé le 2nd Tour, puis que j’allais gagner le 2ème Tour. Les résultats sont arrivés plus tôt. La campagne, en revanche, était plus dure. »

 

En ces temps politiques troublés, comment vivez-vous votre fonction de député de la Nation dans un Hémicycle inédit sous la Vème République, suite à la dissolution ?

« C’est compliqué. Être député aujourd’hui, c’est compliqué parce que l’instabilité politique fait que parfois l’on peut se poser des questions sur quel est le sens de notre engagement ? Lorsque l’on voit les postures des uns et des autres, les lignes rouges, les querelles. On se dit, mais finalement quel est le sens de tout cela ?

« Ensuite, on essaye de repartir au combat et de porter les projets auxquels on croit. J’ai de nouvelles responsabilités au sein de cette nouvelle mandature. Je suis Vice-président de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation. Je continue de co-présider le groupe d’étude tourisme et patrimoine. J’ai tout de même quelques responsabilités nouvelles. Très vite, l’on reprend le chemin du travail parlementaire.

« C’est vrai que de temps en temps, l’on s’interroge sur le sens. Lorsque l’on voit Mayotte, jeudi dernier, où des parlementaires s’insultaient. Il y avait des Français dans les tribunes et je me disais : « mais quelle image on renvoie ?! »

« Je trouve qu’ici, là aussi, c’est un peu l’ascenseur émotionnel. Il y a des jours où l’on y va, avec des lois que l’on a envie de porter. Puis, il y a d’autres jours où l’on se dit : « à quoi bon ?! » On se dit que l’on est tout de même là pour faire avancer le pays.

« En même temps, il y a comme un décalage avec ce que les gens perçoivent de nous, c’est-à-dire comme des gens très puissant, et la réalité de notre pouvoir. C’est cela qui est très compliqué. C’est qu’il y a un vrai décalage.

« En circonscription, les gens nous pensent comme surpuissant. Enfin, je caricature mais je le pense tout de même. En fait, ici, on se rend compte que nos marges de manœuvre sont limitées. On l’a vu sur le Budget sur les sujets dont j’ai la charge. On a subi l’arbitrage. Il faut gérer parfois cette frustration, ces difficultés-là.

« Après, on arrive à un moment où jamais l’Assemblée nationale n’a été aussi stratégique, jamais les Français ont autant regardé ce qu’il s’y passe. Le cœur du pouvoir s’est déplacé à l’Assemblée. On ne va pas se mentir. C’est aussi passionnant d’être là pendant cette période-là. Elle est difficile. Elle est rude. Elle met à rude épreuve nos engagements respectifs.

« C’est passionnant d’être au cœur du pouvoir dans une période comme celle-là. Je le vois aussi comme une grande chance. J’aurai détesté être un député béni oui-oui dans un groupe de 450 personnes, où l’on m’oblige à appuyer sur le bouton. Ce n’est pas mon caractère ! »

 

Quel rapport avez-vous avec les réseaux sociaux ?

« J’ai une circonscription qui est très grande et très rurale. Je considère que je suis le député de mon territoire. Pour moi, les réseaux sociaux sont le prolongement de ma circonscription. J’utilise donc essentiellement Facebook. J’y ai le double numérique de ma circonscription. Cela veut dire que j’ai ajouté sur Facebook toutes les pages de commerces, d’associations, d’élus, d’entreprises de ma circonscription. Ce qui me permets de participer à la vie de ma circonscription numériquement. C’est-à-dire que je commente beaucoup ce qui s’y passe sur Facebook. Je suis la vie du territoire sur Facebook.

« Je le vois non pas comme un outil pour y faire ma promotion mais plutôt comme un outil pour être en lien avec ma circonscription. C’est pour moi un vrai outil politique de lien avec ma circonscription, de savoir ce qu’il s’y passe. Pour moi, c’est cela l’intérêt des réseaux sociaux. Ce qui implique que je suis moins présent sur X, LinkedIn et/ou Instagram, parce que je considère qu’il faut que ce soit une utilité pour ma circonscription. Facebook, cela l’est. Les autres, c’est plutôt pour se mettre en avant, raconter ce que l’on a fait. Je le fais un peu mais je ne suis pas dans une hyper-communication personnelle. J’utilise plutôt les réseaux sociaux pour suivre ma circonscription, comprendre ce qui s’y passe et participer à la vie du territoire. Je ne suis pas dans une communication personnelle à outrance. »

 

***

Merci à M. Darrivere pour son écoute et son aide précieuse.

Merci à M. le député Patrier-Leitus pour sa participation à cet entretien-portrait.

Merci à Romain Gary.

 

Publié par RomainBGB

Franco-sicilien né en Helvetie. Co-auteur de l'ouvrage "Dans l'ombre des Présidents" paru en mars 2016 aux éditions Fayard.

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