Un itinéraire entre Histoire et territoires.
Chers Lecteurs,
Après cette petite pause, je vous propose de bien vouloir continuer le chemin de l’entretien en donnant une nouvelle fois la parole à la jeunesse. Je souhaite poursuivre avec vous sur la thématique inédite qu’est celle de personnalités issues des cabinets que comptent nos ministères républicains. Je vous propose le parcours de l’un de ces jeunes, titulaire du poste.
De Strasbourg à Dublin. C’est sur les bancs de l’IEP de Strasbourg que notre interrogé étudiera en ajoutant son année irlandaise au Trinity College pour finaliser son cursus.
Histoire. Afin de peaufiner son parcours d’historien, notre personnalité approfondira ses études à travers une Licence d’Histoire à l’Université de Nanterre et un Master d’Histoire économique à l’ENS de Cachan.
R.I. et Affaires publiques. Dans cette continuité, notre interrogé effectuera un Master de Relations internationales à Lyon 3, qui se conclura par l’obtention d’un Master Affaires publiques à l’ENS d’Ulm.
M. Juppé. Lors de la primaire de la droite et du centre pour la présidentielle de 2017, notre interrogé intègrera les équipes de M. Juppé comme conseiller pour les questions d’écologie, d’énergie et de transport.
CESE. Dans la continuité, notre personnalité rejoindra le cabinet de M. Delevoye, président du CESE, auprès de M. Doucin, conseiller diplomatique.
Sénat et Assemblée. Une nouvelle aventure qui s’ouvre pour notre interrogé lorsqu’il rejoindra dans un premier temps le Palais du Luxembourg auprès du sénateur de Vendée, M. Mandelli. En suivra une expérience au Palais Bourbon auprès de Mme Bergé, députée des Yvelines et porte-parole du groupe de la majorité présidentielle. À quoi s’ajoutera un retour au Sénat, sous l’égide de M. Malhuret et du groupe Les Indépendants.
Écologie et Logement. Le début de l’expérience ministérielle pour notre personnalité qui rejoindra pendant 4 ans les équipes de Mme Wargon, d’abord au ministère de l’Écologie, puis au ministère du Logement.
Gaullisme social. Notre interrogé évoque dans son ouvrage cette thématique du gaullisme qui lui est cher, à travers différents parcours et personnalités.
Territoires et Ruralité. C’est ainsi que l’aventure continue encore aujourd’hui. Notre interrogé rejoint le cabinet ministériel de Mme Faure à l’issue de la dernière présidentielle. Ce qui l’amènera à son poste actuel : directeur de cabinet adjoint de Mme Faure, ministre déléguée en charge des Collectivités territoriales et de la Ruralité
Albin Chalandon. Résistant, banquier de M. Marcel Dassault, conseiller en cabinet ministériel, député, ministre, grand patron d’entreprise… Il n’en fallait pas moins d’une biographie, sous le regard de sa seconde épouse, Mme Nay, et de ses enfants, afin que notre interrogé revienne sur ce parcours époustouflant !
Je vous laisse découvrir le portrait de M. Pierre Manenti, directeur adjoint de cabinet de la ministre déléguée en charge des Collectivités territoriales et de la Ruralité ; auteur de l’ouvrage Albin Chalandon, Le dernier baron du gaullisme aux éditions Perrin.
Ce portrait a été réalisé lors d’un entretien dans un café parisien le lundi 15 mai 2023.
Bonne lecture !
@romainbgb – 26/05/23
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Biographie Express de M. Pierre Manenti :
*1992 : naissance à Remiremont (Vosges).
*2010 : titulaire du Baccalauréat Scientifique Mention Bien.
*2010-2013 : Licence à Sciences Po Strasbourg et études au Centre for European Studies du Trinity College de Dublin (Irlande).
*2010-2013 : Licence d’Histoire à l’Université Paris Nanterre.
*2013-2015 : Master d’Histoire économique à l’ENS Cachan.
*2014-2015 : Master de Relations internationales à l’Université de Lyon III.
*2015-2016 : Master d’Affaires Publiques à l’ENS Ulm.
*Août 2014 – Oct.2016 : Conseiller technique « Écologie, Énergie, Transports », pour la campagne présidentielle de M. Juppé, candidat aux primaires de la droite et du centre.
*déc.2014 – janv.2017 : Directeur de la recherche puis Vice-président de l’ONG CliMates.
*janv.-mai 2015 : Chargé de mission auprès de M. Doucin, conseiller diplomatique du président du Conseil économique et social, M. Delevoye.
*oct.2016 – Juin 2017 : Collaborateur parlementaire de M. Mandelli, sénateur de Vendée, président du groupe de travail sur l’économie circulaire, au Sénat.
*juin 2017 – oct.2017 : Collaborateur parlementaire de Mme Bergé, députée des Yvelines, porte-parole du groupe La République En Marche, à l’Assemblée nationale.
*oct.2017–oct.2018 : Conseiller technique « Aménagement du territoire et développement durable, Affaires sociales, Culture, éducation et communication » au Groupe Les Indépendants au Sénat,
*oct.2018 – juil.2020 : Conseiller chargé des parlementaires, des élus locaux et de la transition écologique territoriale de la secrétaire d’État à la Transition écologique, Mme Wargon.
*juil.2020 – Mai 2022 : Conseiller politique de la ministre du Logement, Mme Wargon.
*nov. 2021 : publication de l’ouvrage Histoire du gaullisme social aux éditions Perrin.
*juil.2022 – nov.2022 : Directeur de cabinet adjoint de la secrétaire d’Etat à la Ruralité, Mme Faure.
* Depuis nov. 2022 : Directeur de cabinet adjoint de la ministre des Collectivités territoriales et de la Ruralité, Mme Faure.
*Avril 2023 : publication de l’ouvrage Albin Chalandon, Le dernier baron du gaullisme aux éditions Perrin.
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À quoi rêvait le petit Pierre lorsqu’il était enfant ?
« Je suis né dans les Vosges, à Remiremont, et j’ai fait mon collège à Thaon-les-Vosges puis mon lycée à Épinal. C’est un territoire à mi-chemin entre la campagne et la montagne, où j’aime retourner pour me ressourcer et retrouver les miens. Il y a des paysages magnifiques et on peut facilement y randonner, loin des tracas de la ville, l’esprit fixé sur ses pensées. Cela aide à réfléchir !
« Je suis aussi un passionné d’Histoire, et ce depuis ma plus tendre enfance. Cette passion s’est nourrie de mes racines vosgiennes. On y trouve en effet de vieilles ruines de l’Empire romain, à Grand. Jeanne d’Arc est née dans les Vosges, à Domrémy. Le territoire garde des traces de la Guerre de 1870, à l’issue de laquelle de nombreux Alsaciens sont venus s’installer dans les Vosges françaises. C’est enfin une terre façonnée par les combats de la Première et de la Seconde Guerre mondiale, ainsi la bataille de Dompaire, brillement emportée par la 2ème division blindée (2e DB) du général Leclerc.
« Cet attachement à mon territoire de naissance a donc nourri en moi un profond goût de l’Histoire, aussi bien antique et médiévale, que moderne ou contemporaine. Il y a d’ailleurs des Vosgiens célèbres, dont le parcours est inspirant. Jules Ferry, père de l’école laïque, gratuite et obligatoire, est né à Saint-Dié. Jules Méline, fondateur du Mérite agricole et figure du protectionnisme français, est né à Remiremont. J’ai toujours été curieux de ces parcours.
« Cela a parallèlement alimenté mon goût pour la politique. Je me souviens, jeune collégien, de déjeuners avec mon père, qui se concluaient toujours devant le journal télévisé de 13 heures. Ces moments de famille m’ont initié à la réflexion sur les grands problèmes de société, mais aussi aux débats politiques.
« En Terminale, j’ai choisi de me tourner vers SciencesPo parce que j’avais ce goût pour les questions de société. Lorsque je me suis présenté à l’examen d’entrée, mon sujet de culture générale était d’ailleurs : « Une société qui vieillit est-elle forcément une société sur le déclin ? » Je trouve que c’est un sujet d’actualité et que la réponse est beaucoup plus compliquée qu’il n’y paraît ! »
Comment s’est passée votre rencontre avec la politique ?
« Je suis entré à l’IEP de Strasbourg en 2010 et j’y ai rencontré des jeunes gens qui étaient engagés dans des partis politiques, qui militaient sur le terrain. Cela a évidemment suscité ma curiosité. J’y ai aussi rencontré, grâce aux conférences organisées par des associations ou l’école, des personnalités politiques. J’ai écouté des points de vue divers et variés, ce qui m’a donné envie de donner le mien.
« C’est le moment où je suis passé d’une curiosité pour la chose publique à une volonté de contribuer au débat public.
« Il se trouve que je faisais en parallèle une licence d’histoire par correspondance avec l’Université de Nanterre, ce qui m’a amené à m’intéresser à l’histoire du gaullisme, c’est-à-dire bien sûr au général de Gaulle, héros de la France Libre puis président de la République, mais aussi aux partis, mouvements, entourages existant autour du Général. Ma rencontre avec la politique a donc été double, à la fois historique et militante. »
Que retenez-vous de vos années d’étudiant à Strasbourg et Dublin ?
« L’IEP de Strasbourg m’a apporté des éléments de base essentiels pour la suite de mon parcours. J’y ai appris les fondements d’économie, de droit, de sociologie, etc, et, au fond, j’y ai forgé mon esprit critique sur la société. C’est une formation essentielle pour avoir des clefs de lecture des débats d’actualité.
« Grâce à mon année en Irlande, au Trinity College de Dublin, j’ai pu prendre un pas de recul sur la vision historique et politique que j’avais de mon pays. Je me souviens en particulier d’avoir suivi un cours sur l’Histoire du nationalisme en France, avec, en creux, la question des ligues et du fascisme. C’était intéressant d’avoir cette perspective différente, parce que nous nous confrontions à d’autres regards, par exemple l’historien Zeev Sternhell, qui estime qu’il y a eu un fascisme en France, ce que de nombreux historiens français contestent. »
Quelle expérience retenez-vous de vos études entre Nanterre, Lyon et l’ENS ?
« J’ai fait une licence d’histoire par correspondance avec l’université de Nanterre, en parallèle de mon cursus à l’IEP de Strasbourg, afin d’acquérir des fondamentaux en histoire antique, médiévale, moderne et contemporaine.
« Cela m’a conduit à candidater puis intégrer l’ENS de Cachan, en Histoire, au niveau du Master, en 2013. Cette étape de mon parcours marque le début de mon initiation à la recherche historique, sous l’influence d’Olivier Wieviorka, qui était mon directeur de mémoire. Il a été un de ceux qui m’ont initié à la méthode historique, avec Frédéric Attal. Concrètement, cela veut dire répondre à des questions de méthode. Où va-t-on chercher ses sources ? Quel regard critique porte-t-on sur ce qu’on lit ? Comment nourrit-on un travail d’historien ? C’est particulièrement vrai pour moi, car je travaillais sur un sujet d’Histoire contemporaine, le gaullisme, avec de nombreux témoignages de contemporains, qui sont précieux mais qu’il ne faut pas toujours prendre au pied de la lettre.
« Ma formation historique et mes travaux de recherche sur le gaullisme ont été également marqués par l’influence de Gilles Le Béguec, à l’époque président du Conseil scientifique de la Fondation Charles-de-Gaulle, malheureusement décédé aujourd’hui. Il m’a fait entrer en gaullisme, en m’accueillant dans cette grande maison, avec Michel Anfrol, un journaliste, qui a été un autre grand nom de l’aventure gaulliste et a longtemps présidé le cercle des amis de la Fondation.
« En parallèle à mon Master d’Histoire, j’ai réalisé un master de recherche en Relations internationales à l’Université de Lyon 3 en 2014. Pourquoi ? Parce que lorsque j’étais à l’ENS de Cachan, mes travaux portaient pour partie sur la diplomatie du général de Gaulle. J’ai donc trouvé intéressant d’avoir une formation théorique et pratique sur les relations internationales. C’était un autre angle de vue mais aussi l’envie de ne pas prendre pour acquis une connaissance, en la regardant sous différentes perspectives.
« La dernière étape de mon parcours, c’est un Master en Affaires publiques à l’ENS d’Ulm, en 2015. A l’issue de mon parcours en Histoire et en Relations internationales, j’ai en effet préparé et tenté les concours de la haute fonction publique et, même si je n’ai pas réussi, cela a constitué un déclic dans ma réflexion et une vraie orientation vers les métiers de la politique. »
Comment avez-vous vécu votre expérience pendant la primaire de la droite et du centre avec M. Juppé ?
« En 2014, en parallèle de mes études, j’ai intégré la campagne d’Alain Juppé, ancien Premier ministre, à l’époque candidat à la primaire de la droite et du centre. Tout au long de cette campagne, j’ai eu la chance de rencontrer de nombreuses personnalités politiques, qui m’ont fait confiance malgré mon jeune âge et je leur en suis très reconnaissant. J’ai travaillé au pôle idées de la campagne, qui était piloté par Hervé Gaymard, ancien ministre de Jacques Chirac et actuel président de la Fondation Charles-de-Gaulle, et Pierre-Mathieu Duhamel, ancien directeur d’Alain Juppé à Matignon. C’était très stimulant.
« Je travaillais plus précisément sur les questions d’environnement, d’énergie et de transport, avec de nombreux spécialistes de ces questions. J’ai beaucoup appris auprès de Jean-François Cirelli, qui après avoir été conseiller de Jacques Chirac à l’Élysée puis directeur de cabinet adjoint de Jean-Pierre Raffarin à Matignon, a été le PDG de Gaz de France.
« Cette campagne a donc été une véritable école de la politique. À côté de mon parcours très universitaire, là, c’était une école de la pratique. Comment écrit-on une note ? Comment écrit-on un discours ? Comment accompagne-t-on un élu sur un déplacement ? Ce qui m’a mis le pied à l’étrier pour la suite de mon parcours. »
Comment avez-vous vécu votre expérience au CESE ?
« J’y ai fait un bref passage parce que j’étais au cabinet de Jean-Paul Delevoye, ancien ministre de Jacques Chirac, à l’époque président du CESE. J’étais plus précisément auprès de Michel Doucin, conseiller diplomatique du président du CESE. En même temps il était secrétaire général de la plateforme RSE, placée auprès de France Stratégie.
« Cela m’a conduit à travailler sur le rôle international du CESE, notamment au sein de l’Union des CES de la Francophonie (UCESIF) mais aussi sur les questions de RSE, ce qui a contribué à ma formation aux questions d’écologie. »
Que retenez-vous de votre passage au Sénat avec M. Mandelli puis au sein du groupe Les Indépendants ?
« J’ai eu la chance de travailler d’abord comme collaborateur d’un sénateur de 2016 à 2017 puis comme collaborateur d’un groupe de sénateurs de 2017 à 2018. Je lie cela avec mon passage, entre les deux, à l’Assemblée nationale, parce que c’est vraiment une continuité.
« J’ai travaillé comme collaborateur d’un sénateur, ce qui est un travail de couteau suisse. On a aussi bien à élaborer des amendements, organiser des rencontres avec des associations ou des entreprises, rédiger des rapports, accompagner le sénateur dans ses déplacements, etc. Puis, il y a toute la vie quotidienne du parlementaire : gérer son agenda, ses déplacements, préparer des réponses à ses courriers. Dans le métier de collaborateur parlementaire, il y a des choses passionnantes et puis il y a des choses moins intéressantes, mais c’est un tout.
« C’était une très bonne formation aux métiers de la politique. J’ai eu la chance de travailler auprès de Didier Mandelli, sénateur de Vendée, qui m’a beaucoup appris et avec qui j’ai pris énormément de plaisir à travailler. Il était à l’époque président du groupe de travail sur l’économie circulaire, ce qui s’inscrivait dans la continuité de mon parcours et mes expériences antérieures, notamment auprès d’Alain Juppé.
« Je suis revenu au Sénat à l’automne 2017, auprès de Claude Malhuret, alors président du groupe Les Indépendants, République et Territoire (LIRT). J’ai accompagné un groupe d’une dizaine de sénateurs sur différents sujets techniques. J’étais notamment chargé du suivi de 3 commissions : celle de l’aménagement du territoire et du développement durable, celle de la culture, l’éducation et la communication, et celle des affaires sociales. Je produisais des notes sur des textes de lois, des propositions d’amendements, etc.
« C’était une très belle aventure, non seulement auprès de Claude Malhuret mais également auprès des sénateurs du groupe, Jérôme Bignon, Emmanuel Capus, Daniel Chasseing, Jean-Pierre Decool, Alain Fouché, Joël Guerriau, Jean-Louis Lagourgue, Alain Marc, Colette Mélot et Dany Wattebled, qui ont toujours eu beaucoup de bienveillance à mon égard. »
Comment s’est passé votre poste auprès de Mme Bergé à l’Assemblée nationale ?
« C’était une expérience assez différente. Je suis arrivé à l’Assemblée nationale en juin 2017, après avoir passé quasiment 9 mois au Sénat. Je dis une expérience différente parce que d’abord l’Assemblée nationale est une Chambre de l’immédiateté, là où le Sénat est une Chambre de la réflexion dans le temps long. Il faut pouvoir réagir très vite. En tous les cas, de ma brève expérience à l’Assemblée nationale, le sentiment que j’ai eu, c’était d’être tout le temps sur la brèche.
« Ce sentiment était peut-être renforcé par le fait que je travaillais pour une députée, Aurore Bergé, élue dans les Yvelines, qui était à l’époque porte-parole du groupe majoritaire. Ce qui m’a initié à une autre dimension de la politique : celle de la communication. Comment communique-t-on sur les réseaux sociaux ? Comment organise-t-on des passages dans les médias ? Comment contacte-t-on et travaille-t-on avec des journalistes ? C’était une bonne formation.
« Quelque mois plus tard, à l’automne, on m’a proposé de revenir au Sénat. La maison d’où je venais, à l’origine. Cette fois, pour prendre des fonctions au sein d’un groupe parlementaire. C’est une progression naturelle, comme il peut y en avoir dans beaucoup de parcours parlementaires. On est d’abord collaborateur d’un parlementaire et puis collaborateur d’un groupe. Puis ensuite, pour certains, collaborateur de cabinet. »
Que retenez-vous de votre expérience au sein des cabinets de Mme Wargon ?
« J’ai commencé, en 2018, comme plume et conseiller parlementaire d’Emmanuelle Wargon, qui était à l’époque secrétaire d’État à la Transition écologique, que j’ai accompagnée pendant 2 ans dans cette fonction.
« Emmanuelle Wargon a notamment porté la réforme de la chasse au Parlement. J’ai pu suivre ce projet de loi de l’élaboration au passage au Parlement, jusqu’aux textes d’application. Tous les conseillers parlementaires n’ont pas cette chance. C’était une aventure très stimulante intellectuellement, dans laquelle j’ai pu compter sur des collègues de grande qualité, comme Jack Azoulay, qui était le directeur de cabinet, et Guillem Canneva, qui s’occupait du volet technique du projet de loi.
« Puis au sein du cabinet d’Emmanuelle Wargon, j’ai été chargé de suivre les sujets dits de la transition écologique territoriale. Nous avons notamment contribué à créer le dispositif de Contrat de Transition écologique (CTE). Il s’agissait, au niveau d’une ou plusieurs intercommunalités, d’accompagner un territoire pendant plusieurs mois dans l’élaboration d’un projet écologique : préservation de ses sols, de la qualité de son eau, développement des énergies renouvelables, de l’agriculture de proximité, de l’économie circulaire, etc. Ce dispositif a connu un véritable succès. En quelques mois, plus de 100 CTE ont été signés, permettant la mobilisation de 2 milliards d’euros au service de la transition écologique. C’était un franc succès.
« Lorsque Jean Castex a remplacé Édouard Philippe à Matignon, il a proposé que ces CTE soient généralisés à tout le pays. Il y en a aujourd’hui un peu plus de 800. Ils ont maintenant le nom de Contrats de Relance et de Transition écologique (CRTE). Ils sont l’outil principal de la territorialisation de la transition écologique. C’est une fierté que d’avoir modestement contribué à la création de cet outil. Ceci avec toute une équipe, bien sûr, et sous la houlette de la ministre.
« À l’été 2020, Emmanuelle Wargon a pris ses fonctions de ministre du Logement et m’a proposé de la suivre, cette fois-ci comme conseiller politique. J’étais chargé d’un pôle où l’on traitait à la fois des questions parlementaires mais aussi des relations avec les élus locaux. Cela voulait dire travailler sur la construction, la rénovation, la réhabilitation des friches, etc. La ministre a notamment mis en place le fonds friche pour accompagner la réhabilitation de ces terrains abandonnés et redynamiser nos territoires. C’est un dispositif plébiscité par les territoires !
« Pendant ces 4 années passées ensemble, j’ai eu plaisir à accompagner, aider, conseiller, épauler et bien sûr apprendre d’Emmanuelle Wargon, que je ne connaissais pas avant de commencer à travailler avec elle en 2018. On a appris à se faire confiance mutuellement et à se connaître, tout en travaillant au service de deux beaux ministères, celui de l’Écologie et celui du Logement. »
Qu’est-ce qui vous a poussé à rédiger votre ouvrage sur le gaullisme social ?
« Il y a une double raison à ce projet historique et littéraire.
« Première raison : en dix ans d’études sur l’Histoire du gaullisme, j’ai acquis l’idée que contre l’image d’un gaullisme monolithique, uniforme derrière le général de Gaulle, il y avait plutôt des gaullismes, des courants, tous réunis par la fidélité au Général, mais avec des points de vue différents sur l’économie ou la société.
« Or comme le général de Gaulle n’a jamais voulu définir le gaullisme, ces courants ont coexisté et se sont développés parallèlement. Parmi ceux-ci, il y a le courant du gaullisme social, qui plonge ses racines dans le catholicisme social du Général, qui a été nourri par la participation des hommes de gauche à l’aventure gaulliste puis qui s’est structuré autour de la théorie de la participation, pensée et mise en œuvre par le Général. Ce sont les fondements de la droite sociale, telle qu’on la connaît aujourd’hui.
« Je trouvais donc intéressant d’écrire une histoire de cette droite sociale. Une sorte de généalogie dans laquelle on trouve René Capitant, Louis Vallon, Jean Charbonnel, Philippe Dechartre mais aussi Philippe Séguin, ancien député-maire d’Epinal, qui reste une figure importante du paysage politique français malgré sa disparition. Gérald Darmanin vient d’ailleurs de lui rendre un vibrant hommage dans la revue Commentaire. Le petit Vosgien que je suis ne pouvait qu’être sensible à cela !
« Deuxième raison : ce livre a été écrit et publié dans un contexte de « course au gaullisme ». Presque tous les candidats de la dernière élection présidentielle se sont en effet revendiqués du gaullisme, de la gauche à l’extrême-droite, parce que le Général a dépassé les clivages. Il est devenu une figure du rassemblement, voire du dépassement des rivalités entre la gauche et la droite. Idem pour le gaullisme social, qu’invoquent aussi bien Jean Castex, lorsqu’il réalise sa première interview en tant que Premier ministre au 20h de TF1, Xavier Bertrand ou Valérie Pécresse pendant la primaire de la droite en 2021, ou Gérald Darmanin et Arnaud Montebourg quand ils évoquent le besoin de relancer le travail sur la participation, grand chantier social du général de Gaulle.
« Ce livre est donc à la fois l’aboutissement de 10 ans de travail historique sur le gaullisme ; et en même temps, une réflexion sur cette captation mémorielle du gaullisme par tous les acteurs du spectre politique. C’était une manière de reposer la définition du gaullisme pour que chacun s’en saisisse et juge en conséquence qui est honnête dans sa démarche et qui ne l’est pas. »
Vous êtes depuis l’été dernier directeur de cabinet adjoint de Mme Faure. Comment s’est produit la rencontre ?
« J’ai eu de la chance d’intégrer le cabinet de Dominique Faure, secrétaire d’État à la Ruralité en juillet 2022, en tant que directeur de cabinet adjoint. Nous avons travaillé ensemble sur la question de la pérennisation de l’Agenda rural, c’est-à-dire des politiques et moyens mis en œuvre pour les ruralités. C’est une aventure nouvelle qui m’a amené à travailler avec un garçon formidable, Antoine Grézaud, un ancien chef de cabinet de Christian Jacob puis directeur de cabinet de Dominique Baudis, avec qui nous avons formé un beau duo dans cette aventure de quelques mois.
« En novembre 2022, Dominique Faure a été promue ministre des Collectivités territoriales et de la Ruralité. Elle m’a fait l’honneur de me proposer de poursuivre ma tâche à ses côtés, toujours comme directeur de cabinet adjoint, parce que nous avions eu plaisir à travailler ensemble depuis quelques mois et avions construit une relation de confiance.
« J’en ressens beaucoup de fierté. L’enfant des Vosges que je suis saisit évidemment l’importance de ce ministère aux enjeux multiples. Cette fierté va donc de pair avec une exigence car les problématiques sont nombreuses et nécessitent des actions rapides : violences faites aux élus, fragilités des territoires ruraux, etc. »
Quel regard portez-vous sur votre expérience et votre rôle au sein d’un cabinet ministériel ?
« J’ai eu la chance de pouvoir contribuer à plusieurs cabinets ministériels, à l’Écologie, au Logement, aux Collectivités territoriales, à la Ruralité, et d’y exercer des rôles multiples comme plume, conseiller parlementaire, conseiller technique, directeur de cabinet adjoint aujourd’hui. Tous ces postes ont été passionnants, mais ils sont tous différents.
« Lorsque l’on est conseiller dans un cabinet ministériel, on appartient à un collectif au service d’un ministre et on contribue à la force du collectif en apportant le conseiller parlementaire ses réseaux parlementaires, le conseiller technique sa maîtrise des dossiers techniques et son appréciation personnelle sur un certain nombre de sujets et/ou sa connaissance des acteurs et du secteur, etc.
« La fonction de direction dans un cabinet est là pour rapprocher des personnalités qui chacune vont contribuer à un pot commun, avec leur champ de compétences. Au fond, si vous me permettez la métaphore, le directeur de cabinet, c’est un peu comme le cuisinier qui va prendre un peu de légumes, un peu de viande, en n’omettant pas les épices, sans quoi le plat ne serait pas assaisonné et pourrait manquer de goût, et qui va essayer de trouver la bonne recette permettant d’associer tout le monde pour faire un plat réussi.
« C’est aussi une fonction d’encadrement, y compris dans l’humain. Les métiers de la politique, ce sont des métiers pénibles dans lesquels les gens s’engagent à 100%, avec des sacrifices personnels, souvent au détriment de la vie de famille. Un directeur de cabinet est aussi là pour veiller sur son équipe. »
Vous venez de publier une biographie de M. Chalandon. Pourquoi avoir choisi de lui rendre hommage ? Un souvenir à nous évoquer ?
« C’est une sorte de rencontre fortuite avec lui. Pourquoi ? Parce qu’en dix ans de recherches et de travaux sur le gaullisme, j’ai croisé son nom à différents endroits. Il a en effet été secrétaire général du parti gaulliste, député, ministre à 3 reprises, du général de Gaulle, de Georges Pompidou, puis de Jacques Chirac. Tout cela fait que son nom ne m’était pas inconnu. Pourtant, je regrettais de n’avoir jamais apprécié le personnage dans sa globalité.
« Le déclic a lieu alors que je rédigeais mon livre sur le gaullisme social. Je découvre en effet qu’Albin Chalandon, que je classais plutôt parmi les tenants de la droite libérale, a commencé sa carrière politique et professionnelle comme collaborateur du socialiste Léon Blum, à Matignon.
« Au moment du Rassemblement du peuple français, le parti du général de Gaulle sous la IVème République, il est même membre d’un collectif qui s’appelait l’Action ouvrière et qui visait à promouvoir le gaullisme dans les milieux ouvriers. Il y a eu une forme de choc pour moi : « Tiens, c’est une dimension du personnage que l’on ne connaît pas et qu’il serait intéressant d’étudier ! »
« C’est en effet un personnage fascinant. Il a été résistant à 24 ans, a commandé un maquis de 500 combattants, a été banquier de Marcel Dassault, conseiller en cabinet ministériel, député, ministre, grand patron d’entreprise, etc. Sa vie est marquée par une succession d’alternances entre le public et le privé que son épouse, la journaliste Catherine Nay, et ses trois fils m’ont aidé à saisir. C’est un homme époustouflant.
« Je crois que l’on peut vraiment l’apprécier à travers une anecdote que me racontait l’un de ses petits-neveux. Au terme de cette vie incroyable, à l’occasion d’un déjeuner avec son grand-oncle, il l’interroge : « Oncle Albin, vous avez 85 ans, n’est-il pas temps d’écrire vos mémoires ? » – Ce à quoi Albin Chalandon lui rétorque : « Des mémoires ? Mais c’est pour un vieux, cela ! Moi, si j’écris un livre, c’est pour dire comment il faut réformer la France ! »
« Je trouve que cette anecdote dit énormément du personnage qui débordait de vie, d’idées, d’envie de faire et qui, toute sa vie durant, a été un grand réformateur du pays. C’est le père des autoroutes. C’est le père de la maison individuelle. C’est le père du parquet anti-terroriste. Il a porté des réformes importantes pour le pays et, en même temps, c’est un personnage qui est aussi connu pour des affaires et des scandales (affaire Aranda, affaire des Chalandonettes, affaires des avions renifleurs, affaire Chaumet). Il sent parfois le soufre ! Cela méritait donc d’en dresser le portrait et de mener l’enquête. »
Quel rapport avez-vous avec les réseaux sociaux ?
« Je suis un utilisateur averti de Twitter, sur lequel j’anime en effet un compte dédié à l’histoire du gaullisme et du général de Gaulle. J’essaye d’y partager des anecdotes, que ce soit sur le Général, ses ministres, ou parfois des personnalités plus méconnues, d’anciens résistants, conseillers ministériels, députés, etc…
« Je le fais, cela vient peut-être de mon milieu familial et de ma formation, parce que j’ai toujours eu le goût de partager. Les deux livres que j’ai écrits, et le troisième qui est en cours de préparation, ont aussi vocation à partager. Je n’ai pas envie d’écrire des livres pour moi. J’ai envie d’écrire des livres pour les autres, pour entendre leurs critiques, débattre et, en tout cas, transmettre. Je crois que lorsque l’on fait de l’Histoire, il faut avoir ce goût de la transmission. »
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Merci à M. Manenti pour son écoute et sa participation à ce portrait.