Portrait d’un idéaliste pragmatique.
Chers lecteurs,
Avant le discours du Premier ministre en fin de journée, quoi de mieux que de reprendre le chemin de l’échange en ces journées de #deconfinement. L’écriture et l’échange nous permettent de pouvoir regarder tous ensemble le monde d’après. Je vous propose ainsi de partir à la découverte d’une nouvelle personnalité que nous offre le monde politique.
Camarade de le promotion Léopold Sédar-Senghor à l’École national d’Administration du Président Emmanuel Macron, je vous laisse découvrir le portrait d’un député qui fait l’actualité en ce moment avec la création d’un dixième groupe au sein de l’Assemblée nationale, en prenant sa présidence. Situation inédite.
Énarque, cela ne l’empêche pas, comme vous pourrez le constater d’avoir un jugement de valeur nuancé, voire de réforme totale, à l’égard de cette institution.
Son attachement à son Alsace et à ses rêves de jeunesse ont porté cet idéaliste pragmatique a transformer ses rêves de jeunesse en réalité. « Il faut retrouver ses rêves d’enfant pour les transformer dans la réalité. On oublie de rêver ! » – me confie-t-il.
Une fois l’ENA en poche, son rêve de devenir juge administratif se concrétise. Le chemin des urnes aussi, il devient à l’âge de trente-et-un le plus jeune maire d’Alsace. Son expérience l’amènera au conseil départemental du Haut-Rhin où il sera un élu défanant son Alsace natale face à la fusion annoncée des régions.
Je vous laisse découvrir ce nouveau portrait avec le président du nouveau groupe, Agir Ensemble, à l’Assemblée nationale : Olivier Becht !
Compte-tenu des règles sanitaires que nous connaissons, l’entretien a été réalisé par courrier électronique avec Monsieur Olivier Becht.
Bonne lecture !
@romainbgb – 28/05/20
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Bio Express de M. Olivier Becht:
*1976 : Naissance à Strasbourg (Alsace).
*1995 : Diplômé du Baccalauréat mention économique et sociale.
*1995-1998 : Diplômé de l’Institut d’Études Politiques de Strasbourg (service public).
*1998-2000 : préparation au concours de l’École nationale d’Administration auprès de l’Institut d’Études Politiques de Paris.
*2000-2001 : -Service national militaire.
-DEA en finances publiques et fiscalité à l’Université Paris II-Assas.
*2001-2008 : conseiller municipal de Rixheim (Haut-Rhin).
*2002-2004 : diplômé de la promotion Léopold Sédar-Senghor de l’École Nationale d’Administration.
*2002-2003 : stagiaire auprès de l’Ambassadeur de France au Danemark, Régis de Bellenet (Présidence danoise de l’Union européenne).
*2004-2008 : conseiller, puis Premier conseiller au Tribunal Administratif de Nancy.
*2008-2017 : -maire de Rixheim (Haut-Rhin).
-Professeur de droit, de géopolitique et de finances publiques à l’Université de Haute-Alsace.
*2010-2017 : président-délégué en charge de l’attractivité et de la compétitivité de Mulhouse Alsace Agglomération.
*2015-2017 : conseiller départemental du Haut-Rhin (canton de Rixheim).
*2017 : devient président du Centre européen d’études japonaises en Alsace et de l’Agence Alsace Japon.
*juin 2017 : élu député de la 5ème circonscription du Haut-Rhin.
*juillet 2017 : élu vice-président de la délégation française de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.
*mai 2020 : président du groupe Agir Ensemble à l’Assemblée nationale.
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A quoi rêvait le petit Olivier lorsqu’il était enfant ?
« Je rêvais d’Europe et de Paix. J’ai deux grands-parents qui ont vécu deux guerres mondiales en Alsace et qui m’ont éduqué dans l’esprit de tout faire pour en éviter une troisième. A l’âge de 13 ans, j’ai vu tomber le mur de Berlin, ce fut un symbole fort d’un idéal de paix à l’échelle du Continent. »
A l’issue de votre Baccalauréat en sciences économiques, vous aviez déjà les études d’institutions politiques en tête ?
« Oui. Je souhaitais m’engager dans les carrières juridiques pour devenir magistrat administratif. J’hésitais entre Sciences-Po et la fac de droit et j’ai choisi Sciences-Po parce que cela permettait de continuer à faire de l’économie, de la philosophie. »
Quel souvenir gardez-vous de vos années sur les bancs de l’Institut d’Études Politiques de Strasbourg ?
« Honnêtement pas beaucoup de souvenirs car j’ai vite compris que pour devenir magistrat administratif il faudrait réussir le concours de l’ENA. Je me suis rapidement enfermé dans une logique de préparation des concours c’est-à-dire 14 heures de travail par jour pendant 3 ans. »
Comment se passe vos années sur les bancs de l’École nationale d’Administration ?
« Une année de stage extraordinaire en préfecture à Metz sur le terrain au milieu de tous les problèmes de reconversion économique et de crise sociale en Lorraine puis à l’Ambassade de France à Copenhague en pleine présidence danoise de l’Union européenne. Puis un an et demi sur les bancs de l’école à apprendre ce que l’on avait déjà appris pour réussir le concours, et là le sentiment d’un grand gâchis de temps et d’argent. Cela fait 30 ans qu’on dit qu’il faudrait réformer l’ENA. Il serait temps d’arrêter de le dire et de le faire vraiment. »
La promotion Léopold Sédar-Senghor de l’ENA. Nouvelle promotion de pépite des pouvoirs publics ?
« Il y a eu la Voltaire. Il y a aujourd’hui la Senghor. Nous sommes peut-être plus politique parce que l’on commence la scolarité en 2002 avec l’accession de Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle, ce fut un électrochoc pour beaucoup. On a voulu s’engager pour comprendre et agir… »
La rencontre avec Emmanuel Macron date des bancs de l’École nationale d’Administration ?
« Oui. Un camarade de promotion très agréable et brillant. »
Comment avez-vous vécu votre stage auprès de l’Ambassadeur de France au Danemark durant la présidence danoise de l’Union européenne ?
« Ce fut un stage magique où j’ai pu participer à tous les sommets notamment celui qui procède à l’élargissement de l’Europe, aux côtés du Président Jacques Chirac. Des moments inoubliables. L’accomplissement de mes rêves d’enfant. Mais aussi l’occasion de voir tout ce qui ne va pas dans les institutions européennes. Nous avons élargi trop vite trop loin sans avoir réformé l’Europe pour la rendre d’abord plus démocratique et plus efficace. Résultat : elle est souvent rejetée par les citoyens. Aujourd’hui il faut la refonder pour retrouver la confiance et garder la Paix. »
Comment définiriez-vous votre rôle de conseiller au Tribunal administratif de Nancy ?
« En 2004, je deviens juge administratif. L’objectif que je m’étais fixé après le bac. C’est un grand honneur et une grosse responsabilité de rendre la justice au nom du Peuple français. »
Vous êtes élu maire de Rixheim en 2008, devenant le plus jeune maire d’Alsace à trente-et-un an. Quelle expérience en tirez-vous ?
« Ce fut certainement l’une des plus belles expériences de ma vie. Le mandat de maire est passionnant. On commence la journée avec une grosse pelote d’épingles dans le pied et la tâche consiste à les retirer une à une sans que cela fasse trop mal. Mais on est dans le quotidien des Français, vous trouvez une place de cantine pour son enfant à une maman qui doit reprendre le travail, vous lui changez la vie. C’est du concret à chaque minute. Tous les soirs vous pouvez mesurer le résultat de votre travail. Ce fut aussi passionnant parce que je devais lancer un plan massif d’infrastructures pour adapter la ville à la taille de la population et cela sans augmenter les impôts et sans emprunt. Je pense avoir réussi. »
Vous êtes élu président-délégué en charge de l’attractivité et de la compétitivité de Mulhouse Alsace Agglomération en 2010. Comment avez-vous vécu ce mandat ?
« Ici aussi des défis passionnant durant 7 ans : sauver l’usine Peugeot de Mulhouse, sauver l’aéroport de Mulhouse-Bâle, aider les start-up à se lancer, bâtir la stratégie transfrontalière avec Bâle (Suisse) et Weil (Allemagne) pour fonder le deuxième port fluvial d’Europe, initier une stratégie d’innovation numérique, aider les entreprises à se projeter vers l’usine du futur… »
Vous êtes élu conseiller départemental suite à la création du canton de Rixheim aux départementales de 2015. Que retenez-vous de votre passage dans l’hémicycle alsacien ?
« Ce mandat intervient en pleine crise de l’identité alsacienne alors que la région disparait au profit du Grand Est. J’ai passé deux ans à imaginer des solutions pour retrouver l’Alsace sous forme de collectivité locale. J’y ai beaucoup travaillé. Et je l’ai fait en tant que Député en votant la loi sur la collectivité européenne d’Alsace. »
Comment avez-vous vécu la campagne présidentielle de 2017 ?
« De manière assez distante car je m’étais déjà lancé dans la campagne législative en qualité de candidat indépendant. Le scandale Fillon a totalement éclipsé le débat d’idées.
« L’élection d’Emmanuel Macron a été le révélateur d’une réalité que personne ne voyait mais qui existait depuis plusieurs années : le clivage droite / gauche autour du capital et du travail, qui avait marqué la société industrielle, ne faisait plus sens. Il a été remplacé par un clivage progressistes/populistes autour d’une conception d’ouverture sur le monde contre le repli nationaliste ainsi que de la croyance en un âge d’or à construire dans l’avenir contre la conviction que celui-ci ne peut se situer que dans le passé. Ce rapport à l’espace et au temps est devenu structurant. »
Vous êtes élu en 2017 député de la 5ème circonscription du Haut-Rhin. Comment avez-vous vécu ce nouveau mandat ?
« Un mandat passionnant qui change la vie puisque l’on ne dort presque jamais trois nuits de suite dans le même lit. Entre la circonscription à Mulhouse, l’Assemblée à Paris, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (où je représente la France) à Strasbourg, je passe une partie de ma vie dans les transports.
« Un mandat aussi incroyable entre les gilets jaunes, les grandes grèves, la crise du Covid, on est au cœur de la fin d’une époque et l’aube d’un nouveau cycle. Il faut bâtir un nouveau modèle économique, social et environnemental puis le faire adopter et faire la transition sans passer par la case guerre ou révolution qui est généralement la dynamique classique de l’Histoire lorsque l’on doit changer de modèle. Encore une fois les enjeux sont là : transformer pour préserver la Paix. »
Comment s’est produit votre rencontre avec Franck Riester ?
« Après mon élection en qualité d’indépendant, je voulais être constructif. Hors de question de passer 5 ans à hurler sur les bancs de l’opposition : il fallait œuvrer pour la réussite du pays. Mais pas question de donner un chèque en blanc non plus. J’ai appelé Bruno Le Maire. Il m’a dit « attends, Franck Riester va t’appeler ». Et c’est comme ça que j’ai rencontré Franck. Par hasard. Et depuis on chemine ensemble avec Agir. »
Vous avez participé aux bases de la fondation du mouvement Agir en 2017, prenant la présidence du groupe suite à l’entrée de Franck Riester au Gouvernement. Quel retour avez-vous sur cette période ?
« Encore une fois, c’est une période passionnante. Nous vivons la fin d’un cycle politique, la fin d’un modèle économique, social et environnemental. Il faut tout réinventer, avoir l’audace de proposer des idées nouvelles pour améliorer concrètement la vie des Français. C’est pour ça que nous fondons le parti puis le groupe. »
Avec la création du groupe Agir Ensemble, vous portez à dix les groupes de députés présent dans l’hémicycle national. Du jamais vu dans l’histoire politique française. Pourquoi avez-vous pris cette décision ?
« Il y a des moments où il faut être au rendez-vous de l’Histoire. La crise du Covid débouche sur une crise économique et sociale sans précédent depuis 1929. Dans cette période il faut rassembler autour du Président et du Gouvernement, être à la hauteur des enjeux. Inventer ce qui n’a jamais été imaginé. Le rôle du Parlement c’est aussi cela : débattre d’idées nouvelles. C’est ce qu’on va faire. »
Quel regard porte le député alsacien sur l’Europe d’aujourd’hui ?
« L’Europe reste le plus beau cadeau des 70 dernières années. Elle nous a apporté la Paix et la prospérité. C’était le rêve de mes grands-parents. Mais comme nous l’avons désormais, cela ne nous fait plus rêver. Nous devons donc réinventer les rêves qui parleront aux générations d’aujourd’hui. Construire une Europe qui puisse vaincre les grandes maladies pour permettre à chacun de vivre en santé, une Europe qui invente les énergies propres de demain pour sauver le climat, une Europe qui invente de nouveaux moyens de transports, plus sûrs, moins polluants. Aussi une Europe qui protège contre la misère, le terrorisme, les grandes migrations. C’est mon challenge pour la décennie qui s’ouvre. »
Comment avez-vous organisé votre confinement ?
« Comme la plupart des Français : chez moi avec ma femme et mon fils. J’ai énormément travaillé par visioconférence et par téléphone pour aider les soignants, les entreprises. Mais je ne suis sorti que deux ou trois fois pour aller encourager les soignants à l’hôpital et à l’hôpital militaire de campagne. »
Quel regard portez-vous sur la pandémie mondiale qui nous touche ?
« Un regard attristé mais philosophique. Certes les virus font partie de la nature et de la vie depuis la nuit des temps. Mais c’est dur de voir le monde se figer, les gens mourir autour de soi. Cela nous appelle aussi à relativiser beaucoup d’autres tracas et nous rappelle l’impermanence des choses, la nécessité de profiter de chaque instant comme si c’était le dernier, à voir la beauté du monde dans le sourire d’un enfant, l’éclosion d’une fleur, le chant d’un oiseau. »
Quel est votre rapport avec les réseaux sociaux ?
« Sincèrement c’est un bon outil de communication et de mise en relation directe entre l’élu et le citoyen. Un regret tout de même, le débat y est difficile car les gens sont très souvent dans les postures et les raccourcis. Dur, dur de faire de la pédagogie. »
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Un grand merci à Monsieur le député Olivier Becht pour sa réactivité et sa collaboration lors de la préparation de ce portrait.
Un avis sur « M. Olivier Becht »