M. Laurent Marcangeli

Horizon ajaccien.

Chers Lecteurs,

Après avoir évoqué avec vous le portrait de la jeunesse et de la ruralité, restons dans le terroir en partant à la découverte de l’Île de Beauté. Je souhaite partager avec vous le portrait d’un président d’un des groupes que compose la nouvelle législature en poursuivant ainsi ma mission auprès de vous sur #LaLettreR.

Pasquale Paoli. C’est sur les bancs de l’Université de Corte, que notre interrogé effectuera ses études qui l’amèneront à l’obtention d’une Maîtrise en Histoire et en Droit.

Marseille. Afin de compléter son cursus universitaire, notre interrogé complétera son parcours avec l’obtention d’un CRPFA dans la Cité Phocéenne.

Barreau d’Ajaccio. C’est prêtant serment d’avocat que notre nouvelle personnalité démarre sa carrière professionnelle dans l’Île de Beauté.

Conseiller municipal. L’expérience électorale commence à 28 ans pour notre interrogé qui rejoint, dans l’opposition, le conseil municipal de la mairie d’Ajaccio.

Dans cette continuité, le premier mandat local se concrétise en 2011 lorsque notre interrogé devient conseiller général en étant élu au Conseil Général de la Corse-du-Sud.

D’une certaine mesure, l’expérience au Palais Bourbon commence ensuite lorsque notre interrogé devient député de la 1ère circonscription de la Corse-du-Sud.

Ajaccio. Le rêve finit par aboutir pour notre personnalité qui atteint son but : celui de devenir le premier édile de sa Ville. C’est chose faite en 2014, et confirmé en 2015, lorsque les clefs de la Ville ajaccienne lui seront confiée par les urnes.

Dans la continuité de son parcours électoral, notre interrogé prend le chemin des urnes en se (re)portant candidat aux élections législatives de juin dernier pour la 1ère circonscription de la Corse-du-Sud. Sa victoire lui permet donc de revenir sur les bancs de l’Assemblée en devant le président du groupe Horizons & apparentés.

Je vous laisse découvrir le portrait de M. Laurent Marcangeli, député de la 1ère circonscription de la Corse-du-Sud, président du groupe Horizons & apparentés.

M. Laurent Marcangeli, député de la 1ère circonscription de la Corse-du-Sud – ©droits réservés AN

 

Ce portrait a été réalisé lors d’un entretien dans un café parisien, le 28 septembre 2022.

 

Bonne lecture !

@romainbgb –25/10/22

 

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Biographie Express de M. Laurent Marcangeli :

 

*1980 : naissance à Ajaccio (Corse).

*1997 : adhésion au RPR.

*1998-2002 : Maîtrise d’Histoire à l’Université de Corse Pasquale Paoli.

*2002-2004 : Maîtrise de Droit Public à l’Université de Corse Pasquale Paoli.

*2005-2007 : Formation au CRPFA de Marseille (Bouches-du-Rhône).

*2008 : prestation du serment d’avocat au Barreau d’Ajaccio (Corse).

*2008-2012 : avocat au Barreau d’Ajaccio (Corse).

*2008-2014 : conseiller municipal d’opposition à Ajaccio (Corse).

*2011-2014 : conseiller général de la Corse-du-Sud.

*2012-2017 : député de la 1ère circonscription de la Corse-du-Sud.

*avril-oct.2014 : -Maire d’Ajaccio (Corse).

– Président de la Communauté d’Agglomération du Pays ajaccien.

*2015-2022 : Maire d’Ajaccio (Corse).

*2017-2022 : Président de la Communauté d’Agglomération du Pays ajaccien.

*juil.2020-juil.2021 : conseiller à l’Assemblée Territoriale de Corse.

*depuis juin 2022 : -député de la 1ère circonscription de la Corse-du-Sud.

-Président du groupe Horizons & apparentés à l’Assemblée Nationale.

 

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À quoi rêvait le petit Laurent lorsqu’il était enfant ?

« J’ai brièvement rêvé d’être footballer, ayant vite compris que je ne le serai jamais.

« Ensuite, à la sortie de l’enfance et l’entrée dans l’adolescence, j’ai commencé à m’intéresser à la chose publique. Au bout du compte, je fais ce que j’ai rêvé de faire étant plus petit. Puis, il est vrai que les rêves n’étaient pas tournés vers ce que j’allais devenir. Les rêves d’enfants c’est plein de choses qui n’ont pas forcément un lien avec ce que l’on voudrait être plus tard.

« Ma mère a eu une belle activité dans le syndicalisme. Elle était élue. On ne parlait pas trop de politique à la maison. Pour ne rien vous cacher, je pense que mon père s’en moquait totalement. C’est moi qui par la suite l’ai un peu entrainé dans mon parcours. »

 

Comment est née votre rencontre avec la politique ?

« Très clairement, cela s’est fait en 1995 pendant l’élection présidentielle. J’ai eu un déclic en voyant Jacques Chirac. Je suis devenu chiraquien de manière instantanée, j’ai méticuleusement suivi cette campagne. J’ai aussi commencé à lire, à regarder des émissions politiques. Ce qui n’est pas forcément très fréquent lorsque l’on a 15 ans.

« J’ai fini par franchir le pas en prenant la carte au RPR en 1997. Je venais d’avoir 16 ans et je voulais voir comment cela fonctionnait. J’y suis allé, sans connaitre personne. Quand vous avez 16 ans, que poussez la porte, un samedi après-midi, de la Fédération RPR de Corse-du-Sud et que vous faites face à des Messieurs, qui sont plus vieux que votre père, dans la salle… Il y en a peut-être certains qui auraient tourné les talons. J’y suis allé. J’ai pris ma carte. »

Que retenez-vous de vos années d’étudiant en Histoire et en Droit ?

« J’en retiens beaucoup de choses. D’abord, j’aimais bien l’Université. Cela correspondait à mon tempérament libéral. Il fallait avant tout organiser son temps et être prêt au bon moment.

« Puis j’ai eu des bons professeurs qui m’ont permis de d’accéder à de nouveaux savoirs, qui a priori n’étaient pas parmi mes matières favorites. Par exemple, l’Histoire de la Grèce Antique. Pour la petite histoire, mon professeur, Olivier Battistini, a été le candidat pour Éric Zemmour dans la 2ème circonscription de Corse-du-Sud en juin dernier. Je connaissais ses convictions mais cela m’a un peu surpris. C’était un professeur brillant qui m’a appris beaucoup de choses.

« La Faculté de Corte étant composée de peu d’étudiants, on avait la possibilité d’avoir un accès direct aux professeurs. C’était très humain, il n’y avait pas cette distance qu’il peut y avoir dans les grandes Universités.

« Après tout est fonction du caractère. Vous avez des enseignants qui se mettent à porter de leurs élèves. Avec Olivier Battistini, c’était cela. On parlait même des livres qu’il lisait ou des films qu’il regardait. C’était particulièrement stimulant.

« Je retiens d’abord de l’Université un sentiment de liberté. C’est une période heureuse même s’il y a des moments où l’on est contrarié, qu’on a l’impression que le monde va s’écrouler. On prend cela avec beaucoup de placidité, des années plus tard, lorsque l’on a le sens des responsabilités et plus de bouteille. Une déception amoureuse quand on a 20 ans, c’est un drame. 20 ans après, on se dit : « Oui, c’était un moment difficile ! Mais ce n’est pas la chose la plus difficile qu’il me soit arrivé dans la vie. »

« Globalement, c’est quoi ? C’est un groupe de copains, de la rigolade, des soirées, du sport, des études et des rencontres. C’est de l’apprentissage, tant au niveau universitaire que personnel. En ce qui me concerne, c’était aussi de la politique parce qu’en fait je continuais de progresser dans cet univers. »

Que retenez-vous de votre formation au CRFPA de Marseille ?

« Je suis arrivé à Marseille dans un contexte particulier : nous avons été les premiers élèves qui passaient après une réforme que le Ministère de la Justice avait décidée, avec pour conséquence de regrouper les CRFPA de Nice, Aix-en-Provence et Marseille. Les méthodes d’enseignement ont changé, nous étions très nombreux.

« Quand vous aviez un CRFPA à Nice, un à Aix et un à Marseille, les effectifs étaient à taille humaine. Là, on arrivait, on était des centaines de toute la France, avec une majorité du Sud-Est. On avait des enseignements de tronc commun, de type amphithéâtre. On n’y allait pas tous…

« Il y a 2 temps. Le temps d’enseignement, franchement ce n’était pas le plus dur, mais on continuait de progresser sur certaines choses. Il y avait des fortunes diverses sur les enseignements et les enseignants.

« Puis il y a eu la deuxième partie, qui elle est fondamentale, c’est celle des stages et de l’appréhension de la profession de manière pratique, qui tord le cou à beaucoup d’idées reçues lorsque l’on évoque ce métier du droit. Il y a des lieux communs sur toutes les professions, mais sur celle d’avocat, il y en a beaucoup qui circulent.

« Quand vous entrez dans un Cabinet d’avocat et que vous pouvez toucher du doigt la réalité du métier, cela ouvre les yeux et permet de voir les choses d’une autre manière. Ce sont des heures de travail qui ont été décisives. L’accompagnement, parce que vous n’avez pas encore le droit de plaider, de votre maître de stage dans tous les évènements qui font la vie d’un avocat, ou d’une avocate, est essentiel. Je peux vous dire qu’il s’y passe plein de choses. Lorsqu’on assiste à un rendez-vous, on peut apprendre l’empathie par exemple, parce que vous avez des gens qui rentrent dans votre bureau avec des problèmes. Quand on va voir un avocat c’est généralement que l’on a un souci. Ce sont des choses que vous n’êtes pas nombreux à savoir et qui vous confèrent même un rôle de référent social très important. Le secret professionnel s’impose d’autant plus. »

Que retenez-vous de votre expérience d’avocat au Barreau d’Ajaccio ?

« C’est un beau métier, qui est fondamental dans une démocratie parce que c’est l’incarnation des droits de la défense.

« C’est un aussi un métier dur et exigeant. Vous apprenez sur vous-même et sur les autres en l’exerçant. Et puis parce que gagner sa vie aujourd’hui en tant qu’avocat, cela n’est pas si évident que ça – il y en a désormais beaucoup.

« Par contre, je m’étais fixé des règles. Il y avait des choses que je ne pouvais pas défendre. Je disais à ces personnes qui rentraient dans mon bureau d’aller voir quelqu’un d’autre, comme cette fois en particulier où quelqu’un m’avait avoué les faits qui lui étaient reprochés. Je lui ai signifié mon refus. Il serait venu me dire que c’était un complot et me démontrer qu’il était impossible qu’il l’ait fait, je l’aurai volontiers défendu. Par exemple, tout ce qui concernait les crimes sexuels… Je n’ai jamais voulu.

« C’est d’ailleurs ce qui montre la différence entre le métier d’avocat et celui de médecin. La profession de médecin oblige celui qui la pratique à soigner n’importe qui, même un criminel de guerre, du fait du serment d’Hippocrate. Alors que nous, on peut dire non. D’ailleurs, Me Vergès disait dans un reportage : « « Vous pouvez dire NON, mais quand vous dites OUI, il faut aller jusqu’au bout ! » C’est cela, le métier d’avocat. »

Comment s’est passé votre première expérience d’élu local en tant que conseiller municipal d’opposition à la Mairie d’Ajaccio ?

« C’était un bel apprentissage. J’ai beaucoup d’affection pour cette période parce que c’est la première fois que j’ai été élu par le peuple, ce qui pour moi n’est pas un vain mot. Les gens ne le savent pas forcément, mais le mandat de conseiller municipal est un mandat bénévole, on ne touche pas un centime d’euro. C’est du temps pris sur son métier, sur sa vie, pour parler de sa ville. Ayant un lien particulièrement affectif avec la Ville d’Ajaccio, ça a été pour moi une très grande fierté. Je venais d’avoir 27 ans.

« J’ai pris cette fonction très au sérieux, comme d’habitude. D’autant plus que ceux qui autour de moi conduisaient les listes, qui étaient d’une génération plus âgée, me déléguaient bien volontiers le travail d’opposition, qui est très ingrat dans un conseil municipal. Il faut dire que le maire avait été élu au 2nd Tour avec 66% des voix. Globalement, on était dans une situation particulièrement complexe : la famille politique à laquelle j’appartenais était percutée par des divisions, perdant élection sur élection.

« Franchement, ça me faisait sourire parce qu’on ne me prenait pas au sérieux, au début. On a d’ailleurs mis beaucoup de temps avant de me prendre au sérieux. J’étais jeune et indubitablement plus gauche qu’aujourd’hui. J’avais ma langue dans ma poche. J’en veux quand même pour preuve que pendant les 6 premiers mois de mon mandat municipal, je n’ai pas ouvert la bouche. J’observais tout.

« Je peux le dire maintenant, parce qu’il y a prescription, mais quand je suis rentré dans ce conseil municipal, je n’avais qu’une seule envie : celle de devenir le maire 6 ans après ! J’ai alors posé le problème devant la Fédération UMP ; pour moi il était évident que le fait de ne pas réussir à gagner les élections de la Ville d’Ajaccio posait un souci sur toute la région. Ce n’était pas normal d’être populaire dans l’opinion des habitants de la commune et de perdre les élections parce que l’on avait fait des mauvais choix stratégiques, de personnes. Les divisions du passé venaient à chaque fois nous rendre la tâche impossible.

« J’ai donc créé une section ajaccienne, au sein de la Fédération UMP, purement consacrée aux faits municipaux. Je l’ai mise en avant médiatiquement, avec mes actions de conseiller municipal. Ensuite, j’ai essayé de rassembler car il y avait eu 3 listes de droite au 1er Tour, puis 2 listes au 2nd Tour aux municipales. Petit à petit, j’ai œuvré pour fédérer et gommer les différences entre chacun.

« Ça s’est notamment fait avec des gens de la nouvelle génération, dont celui qui m’a succédé à la mairie d’Ajaccio, Stéphane Sbraggia. Il était 3ème de la liste de l’ancien ministre José Rossi, qui avait fait seulement 8%, et qui avait donc fusionné avec la liste officielle de l’UMP, sur laquelle je figurais également en 3ème position.

« Pour ne rien vous cacher, on a pu faire preuve d’une plus ou moins bonne mauvaise foi sur certains dossiers, comme d’une très grande conviction sur d’autres. Comme on avait peu de responsabilités, on avait une certaine liberté. J’ai surtout appris, à travers ce mandat de conseiller municipal, les grandes lignes de la vie politique municipale et du fonctionnement de l’institution communale, que vous ne pouvez pas savoir quand vous n’êtes pas élu. Je me suis fait un peu connaître aussi, bien sûr. »

Que retenez-vous de votre passage au Conseil Général de la Corse-du-Sud ?

« J’ai sorti le candidat sortant. Je me suis présenté dans le 1er Canton d’Ajaccio, qui est celui où je suis né et j’ai grandi – la famille de ma mère en est originaire. Ce n’est pas le plus moche, cela dit en passant. Vous avez les Iles Sanguinaires, les plages, puis on revient jusqu’au Centre-Ville. J’y suis allé à la hussarde, alors que personne ne me donnait aucune chance de gagner. Là aussi, on ne m’a pas pris au sérieux.

« Aujourd’hui, bien sûr, le regard sur les jeunes en politique a changé. Mais à l’époque, un jeune de 30 ans, se présentant à une élection cantonale, chez moi cela paraissait particulièrement osé. J’ai tout donné ! C’est l’une des campagnes les plus accomplie que j’ai mené parce que j’ai tout fait de A à Z. Jusqu’au choix final de ma suppléante, qui était très symbolique : c’était mon institutrice de CM2. J’ai gagné assez largement, et elle m’a succédé après.

« C’est vrai que le jour où j’ai été élu conseiller général du 1er Canton d’Ajaccio, et donc que je suis rentré au Département de la Corse-du-Sud, ma dimension politique a totalement changé. J’ai pris des responsabilités doubles, notamment en matière de politique sociale, avec une délégation complète donnée par le président. C’est le premier poste de dépense du Département. J’ai beaucoup travaillé, j’ai découvert une autre Institution, qui ne fonctionnait pas du tout de la même façon que la commune, et là, pour le coup, j’étais dans la majorité. J’en étais même le benjamin.

« J’ai vu de près des problématiques liées au monde rural, il y a une part importante de ruralité en Corse. J’ai aussi vu comment fonctionnait cet hémicycle, c’était différent. Le Conseil Général me faisait un peu penser au Sénat, c’est plus feutré que le Conseil municipal, surtout parce que les oppositions sont moins virulentes.

« Être en situation de responsabilité, ça vous apprend beaucoup. Vous gérez des budgets. Vous êtes l’élu d’un territoire donné mais vous gérez surtout le Département de la Corse-du-Sud et des sujets qui sont primordiaux : l’aide sociale à l’enfance, les problématiques liées aux EHPAD, parce que le Conseil Général les finance. En fait, c’est l’aide tout au long de la vie. Il y a aussi des politiques structurantes de travaux, on parlait de la route des Sanguinaires, tout à l’heure, il s’avère que c’est une voie qui était départementale. C’est moi qui ai lancé les travaux magnifiques qui sont encore en train de se terminer, en tant que conseiller général.

« Au-delà du côté accompagnement, c’était donc aussi un mandat de réalisations concrètes. Je me suis aperçu que par le travail, on se trouve toujours une place dans la vie. Là, aussi, je me suis fait encore plus connaître, les gens m’ont vu dans l’exercice de responsabilités. J’ai beaucoup donné sur ce mandat de conseiller général. »

 

Comment avez-vous vécu votre premier passage à l’Assemblée comme député de la 1ère circonscription de la Corse-du-Sud ?

« D’abord, il faut rappeler le contexte. La droite perd élection après élection, par trahison, par choix de personnalité, par division… Contre toujours le même candidat : Simon Renucci, député, maire, président de l’Agglomération ajaccienne, qui était par ailleurs mon pédiatre – c’était le pédiatre de tout le monde ! Ça lui a servi.

« Personne ne se bat pour aller à l’élection, encore moins à partir du printemps, lorsque Nicolas Sarkozy perd la présidentielle et que François Hollande est élu. En début d’année 2012, je vois la fenêtre de tir. Je me dis que de toute façon, je n’ai rien à perdre. Je vais avoir 31 ans, c’est une élection ingagnable. On va se fixer un objectif : celui d’être en tête sur la Ville d’Ajaccio, ne serait-ce que d’une voix, pour préparer les municipales de 2014. Je pars avec une équipe de copains et n’arrive pas à trouver de suppléant au départ. Je finis par y arriver, c’est un chirurgien, élu nulle part, qui n’est pas rural non plus. Tout le monde nous voyait perdre. Finalement, on a gagné. De 286 voix mais on a gagné. La Une de Corse Matin, le lendemain, c’était une photo de moi, avec écrit dessus : « Coup de tonnerre à Ajaccio ! »

« C’est sûr que là, la vie change. J’ai cessé d’être avocat et je suis devenu député. L’un des plus jeunes de l’Assemblée mais surtout l’un des seul à avoir fait basculer un siège de gauche à droite, en 2012. J’étais une forme d’anomalie pour beaucoup d’observateurs, de commentateurs, d’acteurs de la vie politique. On venait me demander ce qu’il s’était passé pour que je gagne !

« La découverte de cette institution est un vrai choc pour moi. La première fois que je suis rentré dans l’Hémicycle, c’était en tant que député. J’étais vraiment le type même du militant local, colleur d’affiches, distributeur de tracts, qui accède à une responsabilité nationale. En seulement 4 ans, de 2008 à 2012, je passe du statut de petit conseiller municipal, que personne ne prend au sérieux, à celui de député. Il fallait avoir la tête froide.

« C’était évidemment une fierté et un honneur. On change de dimension, et une certaine maturité nous gagne beaucoup plus vite parce qu’on est confronté à des situations, à des sujets, à des personnalités qui vous font grandir. L’essentiel c’est que je crois ne pas avoir pris le melon, d’aucuns l’auraient peut-être pris.

« Être député, cela ouvre des portes. J’ai fait la connaissance de personnes, que je connais encore aujourd’hui, qui ont été députées avec moi, notamment Édouard Philippe, élu la même année. Ma rencontre la plus importante reste celle-ci, je ne serais pas là aujourd’hui sinon. Mais j’ai aussi découvert un Homme d’État, Alain Juppé, pour lequel j’ai fait campagne en 2016. J’ai en plus eu l’occasion de fréquenter un ancien président de la République de manière régulière parce que chacun sait l’attachement de Nicolas Sarkozy pour la Corse. Mon parcourt l’intriguait, lui aussi connaissait très bien Simon Renucci. Il se demandait comment j’avais fait pour le battre… En amateur de politique, c’était quelque chose qui l’intéressait.

« Surtout, ce qui s’est passé c’est que pendant les 2 premières années, j’ai fait du terrain dans ma circonscription. Le moment venu, les gens me connaissent assez bien pour faire de moi, le maire d’Ajaccio. Il faut dire que j’avais un prédécesseur qui était plus que discret à l’Assemblée Nationale. J’ai décidé de moins l’être, notamment par des prises de positions ou lors des Questions d’actualité au Gouvernement. Je voulais montrer qu’il y avait quelque chose de différent maintenant. Qu’il y avait quelqu’un qui n’avait pas peur, un peu plus cogneur, un peu moins convenu, prêt à défendre les intérêts des gens. C’est resté, même si je me suis beaucoup plus adouci et posé, l’âge aidant. Je n’étais pas un esthète au départ.

« C’est vrai qu’à 31 ans, j’étais beaucoup plus âpre et rude que maintenant. J’étais vraiment dans une version 1.0, je n’étais pas encore père de famille, ni marié. Je n’ai pas encore cet autre regard sur la vie, surtout sur la vie politique où j’étais en phase d’apprentissage. »

M. Laurent Marcangeli [photographié en tant que maire d’Ajaccio] – ©droits réservés –

Vous avez été maire d’Ajaccio. Comment avez-vous vécu cette expérience ?

« Le soir où j’ai appris mon élection à la mairie d’Ajaccio, j’ai pleuré. D’émotion mais aussi de fatigue parce que nous venions de vivre une campagne très éprouvante, la victoire dépendait de 281 voix. J’ai également pleuré quand j’ai été élu député en juin, parce que je savais que je ne serai plus maire. Ce sont les deux seules fois où j’ai pleuré pour une élection dans ma vie. C’était une émotion très particulière que de devenir le maire de ma Ville. C’est véritablement ce mandat qui m’importait le plus.

« Après, il y a des évènements beaucoup plus personnels qui se sont entrechoqués avec la politique. Je suis devenu maire lors du 2nd Tour de l’élection municipale d’Ajaccio, date qui coïncidait avec le 9ème anniversaire du décès de ma grand-mère paternelle.

« L’élection a été contestée par Simon Renucci devant le Tribunal administratif de Bastia, qui lui a donné raison, en invalidant l’élection. J’ai alors fait quelque chose que personne ne fait jamais : je n’ai pas fait appel. J’ai demandé à mon Conseil municipal de démissionner, sans attendre que la décision de justice soit définitive, pour retourner devant les électeurs. Ceci contre l’avis de beaucoup qui pensaient que c’était de la folie.

« Le jour où je suis allé à la Préfecture remettre ma démission et celle de mon Conseil municipal, en rentrant chez moi ma femme a perdu les eaux et je suis devenu père pour la première fois de ma vie.

« La suite m’a donné raison, parce qu’en janvier 2015, il y a eu une élection municipale partielle à laquelle j’ai obtenu près de 60% des voix. On est passé de 281 à 4 000 voix d’avance. Là, j’ai vraiment pu commencer à être maire de manière assise parce que l’élection précédente était couverte par le soupçon, ce que je n’aimais pas. Le soupçon et le doute, en politique, ne font pas très bon ménage. Il fallait que la légitimité prime sur tout cela. C’est d’ailleurs une leçon apprise en novembre 2012, alors que j’étais jeune député, lorsqu’il y a eu l’opposition Jean-François Copé et François Fillon, lors de la campagne pour la présidence de l’UMP.

« Devenir maire, c’était encore une nouvelle étape. J’étais jeune député, conseiller général. Je suis né et j’ai grandi à Ajaccio. Il y a quelque chose de magique avec le maire, parce que tout le monde le connaît. D’ailleurs, et ça va s’estomper avec le temps, on m’appelle encore « Monsieur le maire » à Ajaccio. Peut-être que certains le feront toujours. C’est une attache et un lien avec la population qui est très important. J’ai profondément aimé être maire. »

 

Comment avez-vous vécu votre passage à la Communauté d’Agglomération du Pays ajaccien ?

« C’est un mandat qui est essentiel dans la vie de nos collectivités et de nos habitants. Vous traitez entre autres des transports, des déchets, de l’eau et de l’assainissement, du développement économique, de l’environnement.

« C’est une belle institution, composée de 10 Communes, dont j’ai été le président. J’ai appris à faire de la politique autrement, par exemple en ayant un Vice-président issu du Parti Communiste et en travaillant avec lui. Ça apprend à créer du consensus et du compromis sur des sujets d’orientations stratégiques pour le territoire et à planifier son aménagement.

« J’ai aussi aimé cette fonction, même si ce n’est pas pareil, ce n’est pas aussi charnel, que celle de maire. Les gens n’en n’ont pas encore véritablement saisi l’objet parce que c’est toujours neuf, ça a 20 ans. Je pense que les élus qui composent la Communauté d’Agglomération ont un lien très fort avec moi parce que j’ai été un président qui a eu sa manière de faire. Je l’ai fait un peu dans le même ton que celui d’aujourd’hui, en tant que président de groupe à l’Assemblée.

« Je faisais confiance à ceux qui étaient autour de moi. Je ne suis pas quelqu’un de castrateur. Je peux être dur, comme n’importe quel homme qui a des responsabilités. Mais tant qu’à faire, autant que cela se passe bien, que les gens soient détendus, que les affaires soient traitées de manière humaine. Dans l’Agglomération, c’était important parce qu’un maire ou une maire a toujours une personnalité bien affirmée. Là, il y a un maire qui de facto est choisi parmi les maires pour présider. C’est tout de même quelque chose. »

Autre expérience d’élu local : comment c’est passé votre expérience à l’Assemblée Territoriale de Corse ?

« Le fonctionnement de l’institution ne me correspond pas. Là, pour le coup, être dans l’opposition, j’ai beaucoup moins aimé parce qu’entre-temps j’étais devenu un exécutif, un maire, un président d’Agglomération. Je voyais ici les choses ne pas avancer sur certains sujets et les élus palabrer beaucoup. J’étais très frustré.

« En plus, ça coïncide avec quelque chose de très particulier, c’est le seul échec électoral de ma vie. Je n’en n’ai pas trop souffert, mais c’était quand même une première. C’est la seule fois où j’ai été battu à une élection, à titre personnel. Honorablement, mais j’ai tout de même perdu. Je n’ai pas eu de rancœur par rapport à cette défaite, je savais que j’y allais pour perdre.

« Si je suis moins épris par l’Assemblée territoriale de Corse, la Corse, elle, me tient à cœur ! Ce n’était pas pour mon tempérament, et encore moins dans l’opposition. »

 

Quel regard portez-vous sur la campagne présidentielle de 2022 ?

« Je la trouve triste. Franchement, je n’en garde pas un souvenir impérissable.

« Heureusement qu’au final elle se termine avec le résultat que l’on connaît. Il y a beaucoup de passions tristes qui l’ont animée. En plus, on sortait d’une période très difficile, avec la crise sanitaire, puis en février on est entré dans ce conflit russo-ukrainien.

« Pour moi, la plus belle campagne présidentielle, c’est la première à laquelle j’ai participé : la victoire de Jacques Chirac en 1995, qui remonte au dernier moment Édouard Balladur et Lionel Jospin. Et il gagne. C’est l’entité de mon parcours initiatique.

« Le président de la République n’a pas pu faire campagne comme il l’aurait peut-être voulu le faire parce qu’il était dans une crise systémique. Les extrêmes ont fait des scores énormes. Elle laisse un goût amer à beaucoup de Français. Il faut en tenir compte aujourd’hui. La participation était faible. D’aucuns disent que les votes ont été faits par défaut, plus que par choix. Même au 1er Tour, il y a des analystes qui me disaient qu’il n’y avait que l’offre d’Emmanuel Macron qui pouvait gagner.

« Valérie Pécresse et Anne Hidalgo étaient éliminé de facto, n’arrivant pas à percer. Elles n’ont pas mené une bonne campagne. Yannick Jadot n’a pas fait mieux. Je parle là pour les partis qui sont sensiblement appelés à être républicains. Après, vous avez la montée, que j’avais vu venir, de Jean-Luc Mélenchon, qui est une bête de campagne électorale. Il avait déjà fait le coup en 2012 et en 2017. Il y a eu enfin l’entrée d’Éric Zemmour dans le paysage, tout cela au prix d’une radicalisation terrible du pays. »

M. Laurent Marcangeli, député de la 1ère circonscription de la Corse-du-Sud – ©droits réservés AN

Vous êtes élu, à nouveau, député de la 1ème circonscription de la Corse-du-Sud en juin. Comment avez-vous vécu ce moment ?

« C’était particulier parce que vous revenez 5 ans après. C’est les mêmes lieux, c’est la même institution mais ça a aussi beaucoup changé en 5 ans. Après, il y a mon statut qui n’est pas le même, dans un momentum politique qui est particulier, lui aussi : pas de majorité absolue, situation économique et sociale tendue, internationale compliquée.

« Sans vouloir paraphraser qui que ce soit, en 2012, c’était un peu le temps de l’insouciance. Là, c’est plutôt le temps de la gravité. Après, franchement, j’aime ce que je fais. Je suis particulièrement heureux d’être là où je suis, encore une fois.

« Il y a une grande émotion à revenir parce que j’aime l’Assemblée Nationale, elle s’est doublée par le fait que mes collègues me fassent l’honneur de me porter à la tête du groupe Horizons et apparentés. Derrière ça, il y a un lien que chacun connaît, de confiance très forte, d’amitié, de compagnonnage, avec Édouard Philippe. Parce que vous imaginez bien que si Édouard Philippe n’avait aucune confiance en moi, je n’aurais pas été élu président de ce groupe. Tout cela parce que j’ai vite compris qu’Édouard Philippe était quelqu’un qui valait la peine d’être connu. Il est devenu Premier ministre en 2017 et nos relations n’ont jamais cessé pour autant. Il y a un lien solide entre nous, au-delà de la politique. »

M. Laurent Marcangeli, président, autour de M. Edouard Philippe et du groupe Horizons & apparentés devant l’Assemblée Nationale en juin 2022 – ©droits réservés

Quel regard portez-vous sur votre expérience et votre rôle de député en tant que président de groupe ?

« C’est un rôle très exigeant. Il y a toujours eu de l’antiparlementarisme dans le pays, mais je crois aujourd’hui que les passions tristes étant particulièrement fortes dans l’opinion, le parlementaire est un peu l’objet politique qui risque de faire les frais de la situation dans laquelle nous sommes. De fait, la composition de l’Assemblée ne favorise pas la qualité des débats et justement, le parti politique auquel j’appartiens veut absolument remettre le débat à un certain niveau de qualité.

« J’ai vraiment envie que le groupe que je préside soit à la hauteur des enjeux qui sont devant nous. Ça ne va pas être simple, parce que l’actualité quotidienne nous démontre que l’on ne s’intéresse pas forcément aux sujets de fond. On ne parle pas de la France de demain et d’après-demain. Une actualité quotidienne en chasse une autre. On va plus s’intéresser à la couleur d’une cravate ou d’un col-roulé qu’à l’avenir de notre système des retraites ou à l’état de nos forêts…

« Malgré tout, il y a des sujets fondamentaux qui doivent être traités. Ils peuvent être traités dans un esprit de contestation, parce que la vie politique, c’est aussi l’échange avec les oppositions. Ça peut se faire de façon beaucoup plus respectueuse qu’aujourd’hui. La nécessité de prendre des décisions difficiles, d’assumer des choix difficiles, j’y suis prêt et je pense que les députés du groupe le sont aussi. Mais nous veillerons toujours à l’exigence intellectuelle d’être à la hauteur d’un débat politique et d’un débat public qui soient beaucoup plus dignes. Ça n’a rien de simple ! »

Quel rapport avez-vous avec les réseaux sociaux ?

« Au début, je me suis amusé sur Facebook, comme tout le monde. Je l’avais avant d’être élu. On faisait des blagues avec les copains, on s’envoyait des bêtises, bref, ce que tout le monde a fait. Puis je suis devenu une personnalité publique. J’ai alors pris beaucoup de recul. Le seul réseau social sur lequel je vais quotidiennement c’est Twitter, pour m’informer. Je ne lis pas les commentaires. Je veux me protéger, je ne vois pas l’intérêt de voir les gens qui me détestent.

« Par contre, je crois que les réseaux sociaux sont trop accessibles, notamment aux jeunes. Il faut tout de même une certaine dose de maturité pour faire un usage correct de certains réseaux sociaux, qui n’est malheureusement pas la qualité première de bon nombre d’utilisateurs. C’est un vrai sujet que l’on compte mener et porter au niveau national, à un moment donné.

« Je pense que c’est une belle invention, quoi que l’on puisse en dire, parce qu’il ne faut pas non plus jeter le bébé avec l’eau du bain. Mais je crois aussi que l’utilisation qui en est faite n’est pas toujours très vertueuse. Il y a des débats sur la fin de l’anonymat, cela m’intéresse. Il y en a d’autres sur l’âge de ceux qui y accèdent. C’est un sujet qui, pour moi, est particulièrement important. Quand je vois des gamins qui sont sur Instagram ou TikTok et s’exposent comme ils le font… Excusez-moi ! … Pour ma part, je n’ai pas TikTok. Au moins comme ça, c’est réglé ! Et je n’ai pas l’intention de me créer un compte, ce n’est pas trop la politique de la maison.

« J’ai une communication assez mesurée. Je me retiens parfois, je délègue aussi. Mon collaborateur a accès à tous mes comptes. Il me fait des propositions que je valide. Ma ligne depuis plusieurs années, c’est quelque chose d’épuré, de qualitatif au niveau de ce que l’on va mettre, d’informatif, de pensé, de positionné. C’est une certaine manière de communiquer. Pas de prises à partie, ou très peu – ce serait quelque chose tourné de manière très élégante. Puis, pas forcément un tweet par jour parce que je n’en vois pas forcément l’utilité. Dans ce que je retweet ou je like, je fais très attention aussi. Même si parfois on peut envoyer un message politique très fort avec un like ou un retweet ! Ça m’est arrivé de le faire. Sans commentaire. »

***

Merci à M. Marcangeli de m’avoir accordé du temps en participant à ce portrait.

Merci à M. Chemla pour sa bienveillance et son aide précieuse.

Publié par RomainBGB

Franco-sicilien né en Helvetie. Co-auteur de l'ouvrage "Dans l'ombre des Présidents" paru en mars 2016 aux éditions Fayard.

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