Un éternel savoir.
Chers Lecteurs,
En ces temps confinés, rien de mieux qu’une évasion littéraire. Je vous propose de découvrir une nouvelle personnalité publique. Ne souhaitant jamais rester dans une case, j’essaie comme je peux de vous apporter toujours de nouveaux portraits sur mon blogue. Rares sont les femmes dans la sphère politique ; encore plus celles issues de la diversité. Quant à celles qui souhaitent ouvertement parler… C’est pourquoi je vous invite à découvrir le portrait d’une femme entreprenante qui a su tout entreprendre pour arriver à siéger au Conseil de Paris.
La Martinique. Native de Fort-de-France, elle arrive en métropole pour faire un DEUG d’Espagnol à l’Institut Catholique de Paris. Des études à La Courneuve et à Créteil suivront jusqu’à la validation d’une Maitrise en Communication politique et publique à l’UPEC. C’est à ce moment-là que le virus et la passion pour la politique se confirmera.
UMP. C’est à travers des personnalités comme Jean-Jacques Giannesini et Jean-François Copé que notre interviewée réussira à se frayer un chemin dans le parti présidentiel.
Municipales 2014. Après la dureté sur le terrain, notre personnalité verra son élection au sein de la mairie du 20ème arrondissement de Paris et siègera au Conseil de Paris. Ceci permettra ainsi son élection à la Métropole du Grand Paris en décembre 2015.
La vie est un éternel savoir : « À un moment donné, quand on travaille autant un sujet, on décide de le creuser. Le meilleur moyen c’est de retourner sur les bancs de l’école. » C’est ce que l’on apprendra très vite, à la lecture du parcours de notre nouvelle personnalité. Un Executive Master à Sciences-Po Paris est d’ailleurs en cours de validation par cette dernière.
Je vous laisse partir à la découverte d’une femme en éternelle quête de savoir : Madame Nathalie Fanfant, passionnée par la vie.
Dans le contexte pandémique que nous connaissons, la réalisation de ce portrait a été réalisé en visioconférence avec Mme Fanfant le 13 avril 2021.
Bonne lecture !
@romainbgb – 20/04/21
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Biographie Express de Mme Nathalie FANFANT :
*1971 : naissance à Fort-de-France (Martinique).
*1992 : DEUG Espagnol à l’Institut Catholique de Paris.
*1995 : BTS Communication publicitaire au Lycée Jacques Brel à La Courneuve.
*1999-2000 : Maitrise en Communication politique et publique à l’UPEC.
*2008 : candidate aux municipales sur la liste de M. Giannesini, dans le 19ème arrondissement de Paris.
*2009 : créé le premier festival de jazz caribéen à l’Olympia.
-crée la première journée Outre-mer développement (JOMD) au sein des Universités d’été du MEDEF.
*2009-2011 : présidente de la section parisienne de l’association Tous Créoles.
*2010 : candidate aux régionales sur la liste conduite par Mme Jouanno à Paris.
*2011 : nommée Secrétaire Nationale de l’UMP en charge de la lutte contre les discriminations ; puis de l’Outre-mer.
*2012 : candidate aux législatives dans la 15ème circonscription de Paris.
*mars 2014 – juin 2020 : Conseillère de Paris ; conseillère du 20ème arrondissement.
-vice-présidente du groupe Les Républicains au Conseil de Paris.
*2014-2015 : Master Spécialisé en Entreprenariat/Études entrepreneuriales en double cursus à l’École Centrale Paris et l’ESSEC Business School de Paris.
*depuis mai 2015 : présidente du think tank, Un Outre-mer d’avance, spécialisé dans l’Outre-mer, réunissant des personnalités de la société civile.
*2016 : certificat dispensé par le ministère des Finances en développement économique au CHEDE.
*jan.2016-juin 2020 : conseillère métropolitaine de la Métropole du Grand Paris.
*2019-2021 : Executive Master en Gouvernance territoriale et en Développement urbain à l’Institut d’Études Politiques de Paris.
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A quoi rêve la petite Nathalie quand elle est enfant ?
« Bonne question ! C’était au siècle dernier, c’est un peu loin ! [Rires] Je ne sais pas trop. Je ne suis pas sûre que j’eusse des rêves en particulier. Il est vrai que j’habitais en Martinique, un endroit assez paradisiaque.
« Très honnêtement je ne me projetais pas, avant l’âge de treize ou quatorze ans, dans quoi que ce soit. Je crois que j’avais pour envie de travailler dans quelque chose de grand mais je ne savais pas encore quoi. Comme quoi les cordonniers sont toujours mal chaussés puisque mes deux parents sont enseignants. [Rires] Je n’avais pas d’éléments me permettant de dire que je pouvais me projeter dans ceci ou cela. Dans la génération de mes parents, la projection était de suivre éventuellement la voie de ses parents. Pour eux, c’était tellement évidant que j’allais être professeur, comme eux. Il n’y avait même pas de questionnement, de « qu’est-ce que tu veux faire plus tard ? » C’était comme une évidence.
« Il n’y avait pas du tout par exemple le prisme entrepreneurial et/ou le prisme des femmes qui dirigent une entreprise. Comme ce n’est pas du tout cette génération, je n’avais pas de projection politique par exemple, et je ne m’intéressais pas. Je ne savais même pas ce que c’était, pendant très longtemps. Jusqu’à mes vingt-cinq, c’était quelque chose qui m’était totalement étranger. Pourtant mon père était un militant. Je voyais mes parents, qui votaient à gauche, discuter de François Mitterrand et Aimé Césaire. Je n’y comprenais pas grand-chose. Je savais bien qu’il y avait un maire mais ça n’allait pas plus loin. Il n’y avait pas d’explication. »
Que retenez-vous de vos années étudiantes à l’Institut Catholique et de votre BTS à La Courneuve ?
« À La Catho, je retiens quelques fou-rires parce que j’arrivais de la Martinique et me souviens que j’avais des camarades de classe qui étaient assez étonnés de la texture de mes cheveux. « Ah bon ; mais tu n’as pas les cheveux crépus, comme tous les noirs ?! » – « Bah, non en fait ! » … Je venais d’un milieu que l’on peut considérer aujourd’hui comme « classe moyenne » puisque mes parents étaient professeurs. Je n’ai pas grandi dans des quartiers défavorisés, j’ai découvert cela ici. À La Courneuve, c’était différent. Je garde des bons souvenirs de La Catho. Je viens d’une famille hyper pratiquante, ce que je suis moins. Cela ne me changeait pas de mon univers. J’étais en DEUG d’Espagnol. L’Institut Catholique de Paris c’est plutôt un endroit plutôt agréable avec effectivement des étudiants issus de tous les milieux. Cela coûtait assez cher à l’époque, c’était 8000 Francs. Je ne connais pas du tout les prix aujourd’hui.
« Le Lycée Jacques Brel de La Courneuve, pourquoi je suis allé là-bas ?! Parce que, pour le BTS que j’ai fait, je crois que c’était le meilleur, à l’époque. Il y avait vraiment de bons professeurs. C’est pour cela que je suis allée là-bas. À La Courneuve nous étions une classe vraiment homogène. On venait là parce que l’on choisissait le lycée qui proposait le meilleur BTS. Il y avait de très bons professeurs de très haut niveau. J’ai un camarade qui écrit maintenant des scenarios pour Canal Plus. Ils ont tous fait des beaux parcours. C’était très sympathique. J’ai gardé le contact avec plusieurs d’entre eux. J’ai bien aimé cette époque. »
Quelle expérience retenez-vous de votre Maitrise à l’UPEC ?
« Excellente expérience. C’est là que j’ai commencé à m’intéresser à la politique. J’avais déjà mon premier enfant. Je travaillais déjà. J’aime bien partir régulièrement en formation. Cela aère l’esprit. Je cherchais ce qui aurait pu me correspondre, m’intéresser. Je voulais de la communication mais la publicité ne m’intéressait pas. J’ai découvert la maitrise de l’UPEC. J’ai postulé. J’ai été prise. J’ai été ravie.
« L’UPEC est réputée pour cette formation de communication politique et publique en France. De très bons professeurs, d’ailleurs certains sont restés des amis proches. Il y en a un que j’ai marié. Pareil avec les camarades de classe : nous sommes restés en contact. C’était bien parce que là, j’ai vraiment découvert la politique par le bon bout. J’ai appris ce que c’était. Ce à quoi cela servait. Pourquoi il fallait s’engager. C’était vraiment l’occasion de découvrir la politique comme il le fallait. J’ai fait cela en 1999-2000. Ce n’est qu’en 2007, que je me suis engagée en politique. C’est à partir de là, en m’y intéressant, que je me suis demandé de quel côté j’allais m’engager.
« Il se trouve que mon parrain était le premier secrétaire de la fédération socialiste de la Martinique. Il a été député européen. C’est un grand économiste. C’est vraiment un homme brillant. Je lui ai demandé de me raconter l’engagement en politique.
« Il m’a dit quelque chose qui m’a marqué : « Tu sais, si tu veux t’engager en politique, c’est bien. Mais si c’est au Parti Socialiste, tu dois savoir que d’abord tu vas passer beaucoup de temps à aller dans les réunions et à ne rien dire. Ne pas parler, écouter. Tu devras lire les livres que les poids lourds ont écrit. Au bout d’un certain temps, tu prendras le risque de lever la main pour poser une question. Il faudra que ce soit des questions intelligentes. » Il m’avait tout de suite décrit la situation. Même s’il ne le disait pas comme cela mais en tant que femme noire, je devrais me montrer au-dessus du lot. Ce qui n’est pas faux.
« J’ai fait ce qu’il a dit. Je ne l’ai fait qu’une fois. Je me suis rendue à une réunion. J’ai eu la confirmation que cela ne correspondait en rien à mes valeurs. En partant, je me suis juré que je ne mettrais plus jamais les pieds à une réunion de socialistes. Ce n’était pas fait pour moi. Ce n’était pas possible. Ce que je vous raconte c’est produit juste après mon année de Master à l’UPEC. »
En mars 2008, vous êtes candidate sur la liste de M. Giannesini dans le 19ème arrondissement. Comment s’est produit la rencontre ?
« J’ai rencontré Jean-Jacques Giannesini en janvier 2007, par l’entremise de son neveu, Laurent Giannesini. J’avais rendez-vous à l’Assemblée nationale avec un député de la Martinique dont il en était l’assistant parlementaire. On discute avec Laurent ; évidemment l’on parle politique. On découvre que l’on habite dans le même arrondissement. Il me dit : « tu devrais t’engager en politique ! Je vais te présenter mon oncle, c’est le responsable UMP du 19ème arrondissement. » Il monte donc un dîner avec Jean-Jacques. Je m’en rappelle c’était le 31 janvier 2007. C’était un mercredi. Le contact s’est super bien passé. Le samedi je distribuais mes premiers tracts.
« C’était vraiment bien parce que cette équipe-là c’était une famille, un clan. On était vraiment soudé et c’était tout le temps. Tous les samedis, tous les dimanches, tous les mardis soir … C’était vraiment enthousiasment ! J’ai adoré mes années de militantisme. C’était une expérience très formatrice, très intéressante. J’ai créé des liens assez forts. Jean-Jacques m’a vraiment mis le pied à l’étrier. Il m’a mise sur sa liste en 2008. Ensuite j’ai été aussi mise sur la liste des régionales de 2010 avec Valérie Pécresse et Chantal Jouanno. »
En mars 2010, vous êtes candidate aux régionales sur la liste de Mme Jouanno à Paris. Comment s’est produit la rencontre ? Comment avez-vous vécu la campagne ?
« Là encore c’était vraiment une superbe expérience. Nous étions dans une époque de compagnonnage. Chantal Jouanno est quelqu’un de très agréable. Elle venait sur le terrain. Franchement tout se passait bien. J’en garde un très bon souvenir. C’était Valérie Pécresse, en personne, qui m’avait appelée. J’en suis même sûre que c’était Jean-Jacques Giannesini qui avait proposé mon nom, pour la liste des régionales en 2010. »
En 2011, vous êtes nommée Secrétaire Nationale de l’UMP par M. Copé. Comment s’est produit la rencontre ? Quelle expérience en gardez-vous ?
« Une super expérience. Je ne connaissais absolument pas Jean-François Copé. C’est par l’intermédiaire d’un copain qui était dans son réseau. J’avais déjà créé Tous Créoles. Il y avait le festival de Jazz etc… J’avais déjà un certain réseau, une modeste notoriété. Surtout j’avais déjà été candidate aux municipales et aux régionales. Ce copain a proposé mon nom, en ne me disant rien. Il m’appelle début février et me dit : « Oh on se voit on se prend un café. Cela fait longtemps que l’on ne s’est pas vus ! » À quoi je réponds : « Oui, avec plaisir ! » Il m’annonce que Jean-François Copé, qui est le Secrétaire Général de l’UMP cherche des secrétaires nationaux. Il me dit qu’il a proposé mon nom pour la culture. Il ne sait pas si cela va fonctionner mais il préfère me prévenir.
« Effectivement, quinze jours après, Jean-Baptiste Lemoyne m’a appelée pour m’annoncer que j’étais nommée secrétaire nationale de l’UMP en charge de la lutte contre les discriminations. C’était une grande joie, une grande fierté. Quelques jours après, nous avons eu une réunion. On préparait un meeting avec Génération France, qui était le think tank de Jean-François Copé. C’est là qu’il m’annonce que je suis membre du comité parisien. La semaine suivante il y a un grand rassemblement salle Wagram avec huit cents personnes et je dois y prendre la parole. [Rires] J’ai cru que j’allais m’évanouir sur place. C’était super.
« Jean-François Copé m’a toujours poussée, accompagnée, encouragée, mise en avant. Deux personnes qui m’ont vraiment poussée en politique, qui m’ont accompagnée, c’est vraiment Jean-Jacques Giannesini et Jean-François Copé. Cela ne veut pas dire que je n’ai pas été aidée par d’autres personnes. Ces deux personnes sont vraiment les deux piliers centraux. Ils ont misé sur moi. Ils ont cru en moi. C’est pour cela que je garde de très bons souvenirs de toute cette époque. On a fait des choses vraiment sympas. Je ne suis pas certaine qu’aujourd’hui l’on pourrait vivre une époque comme celle-là. C’est quelque part la fin du compagnonnage politique, à mon grand regret. »
En 2012, vous êtes candidate à la législative dans la 15ème circonscription de Paris. Vous vous retrouvez face à Mme Pau Langevin au second tour. Un symbole fort de voir deux femmes, issues des Outre-mer, au second tour d’une législative parisienne. Comment avez-vous vécu ce moment ?
« J’ai vécu de beaux moments. C’est une circonscription qui est très à gauche. Il y avait Didier Le Reste, le patron de la CGT des cheminots, qui y était candidat. Je me souviens que Le Parisien avait titré : « Le second tour sera à gauche dans le 20ème arrondissement. » Et en fait, non ! J’ai devancé Didier Le Reste de cinq mille voix d’écart. J’étais très fière. Je me suis retrouvée face à Georges Pau-Langevin, ce qui était assez drôle. C’était une belle aventure.
« C’était une campagne dure parce que nos adversaires n’étaient pas toujours courtois. Après, Georges Pau-Langevin cela doit faire vingt ans que je la connais. Entre elle et moi, directement, il n’y avait pas d’animosité, même s’il y avait de la dureté dans la campagne. Il n’y a jamais eu d’animosité personnelle et il n’y a pas de raison qu’il y en ait. »
En 2014, vous êtes élue conseillère de Paris, conseillère du 20ème arrondissement, sur les listes de Mme Kosciusko-Morizet. Comment s’est produit la rencontre avec cette dernière ?
« C’était une campagne qui était vraiment difficile. Je ne me souviens plus comment j’ai rencontré Nathalie Kosciusko-Morizet. Je pense que cela a dû se passer après la primaire. Les équipes se sont rencontrées. Nathalie Kosciusko-Morizet c’est quelqu’un de sympathique. Elle peut être très dure ; cela est vrai. Je connaissais déjà plein de personnes de son équipe, avec qui je m’entendais très bien.
« La campagne sur le terrain était beaucoup plus compliquée. J’ai vécu des choses très dures comme les appels anonymes la nuit, ma voiture cassée à la batte de baseball trois fois en dix jours… Cette campagne était très dure. Je n’ai pas lâché. J’ai été élue. »
Comment avez-vous vécu votre mandat de Conseillère de Paris, conseillère du 20ème arrondissement ?
« J’ai beaucoup aimé travailler sur tous les sujets qui m’ont été proposés. Le mandat local est un mandat qui est passionnant. J’étais en commission culture à la Ville de Paris. Face à cela il y avait le quotidien du 20ème arrondissement. C’était un bras de fer tout le temps avec la majorité du 20ème. Sur les quarante-trois élus, nous étions six de droite. [Rires] Face à trente-sept de gauche, c’était parfois compliqué. Nous arrivions à faire entendre notre voix quand même. Les personnes qui nous sollicitaient pour les aider ; tous les jurys auxquels je participais pour les constructions de crèches, d’écoles, de stades, les conseils d’administrations des collèges et lycées et des établissements publics. Il y avait vraiment beaucoup de choses à faire, ce qui rendait le mandat passionnant.
« J’ai beaucoup aimé le Conseil de Paris. C’est quelque chose de passionant. L’on peut trouver cela fatiguant parce que l’on siège de neuf heures à vingt et une heures. Cela pouvait durer jusqu’à deux heures du matin lorsqu’il y avait les budgets de la Ville à étudier. Ce qui demande du travail. Évidemment qu’il y a plein de sujets sur lesquels l’on n’est pas expert. Il faut s’y intéresser aux sujets. En cela, nous sommes quand même aidés par des collaborateurs qui experts. Ce qui facilite un peu les choses. Ce qui n’empêche pas de devoir soi-même s’intéresser aux sujets et travailler. Ensuite il y a toutes les passes d’armes avec la majorité de la Ville de Paris. C’est drôle ! Je garde un très bon souvenir de ces années passées au Conseil de Paris. »
Vous êtes élue en 2016 conseillère métropolitaine. Comment avez-vous appréhendé votre rôle d’élue de la Métropole du Grand Paris ?
« La Métropole du Grand Paris a été créé au 1er janvier 2016. Exceptionnellement, ses membres ont été élus au sein des conseils municipaux, non pas par la voie qui a été appliquée en 2020, où sur les listes étaient indiqués les conseillers métropolitains. J’ai été élue en décembre 2015 pour une prise de poste en janvier 2016. J’étais à la commission du développement économique et de l’attractivité du territoire. C’était une superbe aventure ; beaucoup plus confortable puisque nous étions en majorité. [Rires]
« J’ai eu beaucoup de plaisir à intégrer plusieurs groupes de travail comme l’économie circulaire, la RSE, la revitalisation des centres villes, le comité de pilotage du schéma d’aménagement numérique. Ce qui m’a fait découvrir plein de sujets passionnants. Je me suis vraiment impliquée dans ce mandat.
« Les Commissions Départementales d’Aménagements Commerciales (CDAC). La première fois que j’y suis allée, je ne savais pas ce que c’était. Je m’y suis intéressée. Il est vrai qu’une CDAC c’est « compliqué » parce que les dossiers sont complexes. Le plus petit que j’ai vu devait faire 268 pages et cela peut monter jusqu’à 450 pages. Il faut lire le dossier avant d’aller en commission. Cette spécialisation m’a donné une vision à 360 degrés de l’aménagement commercial sur le territoire de la Métropole du Grand Paris puisque je siégeais au nom de la Métropole. Les CDAC se passent en préfecture, en l’occurrence celle du 92, 93, 94 et 95. La Métropole ne siège pas à la CDAC de Paris. Je ne sais pas pourquoi. »
Quelle expérience tirez-vous de votre rôle de présidente du think tank Un Outre-mer d’avance lancé en 2015 ? De 2009 à 2011, vous étiez également la présidente de la section parisienne de l’association martiniquaise Tous Créoles.
« Le think tank existe toujours mais est en sommeil. Présider un think tank ou une association c’est toujours un peu la même chose. Il faut mobiliser des gens que l’on connait, sur un sujet. Il faut que des gens acceptent de prendre un sujet, de produire des notes etc… 2015, c’est l’époque où mes mandats ont commencé à être très prenants. Je n’ai plus eu le temps de m’en occuper car j’ai conservé mon emploi dans le privé.
« Concernant Tous Créoles, c’est une association qui a été créée en Martinique par Roger de Jaham, aujourd’hui décédé. Cette association a pour but globalement de lutter contre toutes les discriminations. Le point d’orgue était de réconcilier les descendants de colons et les descendants d’esclaves. Ils avaient organisé au ministère des Outre-mer, je me souviens, une réunion avec comme thématique : « Les Békés, mythe ou réalité ? » Il devait y avoir deux cents ou trois cents personnes. L’ambiance était un peu bizarre parce qu’il y avait des descendants de colons et d’esclaves qui n’avaient pas l’habitude de se retrouver aussi nombreux au même endroit. Au départ tout le monde se regardait un peu en chien de faïence.
« Il y a un homme qui se lève (lui, c’est mon héros !) et dis : « Je m’appelle Claude Beuzelin. Je viens de la Martinique. Je suis un Béké. Je suis un peu un ovni au milieu de tout cela parce que moi je ne suis pas quelqu’un de riche mais je suis ingénieur. Figurez-vous que je suis syndiqué ! » Tous le monde rigole ! C’était tellement opposé à l’image que l’on a des Békés, issues de familles aisées. Claude Beuzelin a décoincé l’atmosphère. « Il faut que les gens se parlent. » Je le regardais avec de grands yeux en me disant que cet homme était mon héros car était courageux. Je suis allé le voir en lui disant qu’il était mon héros, que j’avais adoré sa prise de parole. Nous avons ri.
« J’en ai ensuite discuté avec Dominique de la Guigneraye en le félicitant pour l’organisation de la réunion. Je lui dis que cette association, Tous Créoles, « il faut absolument que tu crées une section parisienne, je veux bien y adhérer. » Effectivement, il faut que les gens se parlent ; l’heure de la réconciliation est venue. Il me dit : « Fais le toi-même ! Voilà le numéro de Roger, appelle-le, débrouille-toi ! » [Rires] Ce que j’ai fait. J’ai appelé Roger de Jaham qui était encore à Paris. Je l’ai vu le lendemain. C’est comme cela que cela s’est passé.
« Nous avons lancé la section parisienne en mai 2009. J’ai quitté la présidence en 2011. L’association existe encore. Elle a connu un temps de silence puisque Roger était une très forte personnalité qui portait vraiment l’association sur ses épaules. Il y a beaucoup de monde dans l’association. Il est décédé au mois de juin 2018. L’association s’est retrouvée clairement orpheline. Il a fallu un peu de temps pour se retrouver. Cette année, ils ont un peu réactivé les choses. J’ai vu que cela avait repris en Martinique. »
Comment avez-vous vécu la campagne présidentielle de 2017 ? La fin d’une carrière politique pour entreprendre autre chose ?
« C’est cela, sans être cela. C’est-à-dire que j’ai fait de la politique H 24 pendant treize ans. De 2007 à 2020, j’en ai fait tout le temps. Je me levais en pensant politique. Je me couchais en pensant politique. Là, je ne suis plus élue. J’apprécie d’être au calme mais comme la politique c’est quand même un virus… Je n’ai pas quitté la politique, en fait. Je vais en faire en back stage. J’ai été élue, je n’en ai aucun regret. J’ai été heureuse. J’ai rencontré plein de personnes, plus incroyables les unes que les autres. Que ce soit des élus, des parisiens, des franciliens ou aussi ailleurs en France. J’ai gagné en expérience, en rapports humains. Cela m’a appris beaucoup de chose. J’ai plus envie d’en faire maintenant en back stage, d’accompagner des gens.
« D’autant plus que pour moi, la campagne présidentielle de 2017 reste un vrai traumatisme. Ceci parce que la droite avait l’occasion de gagner. La vie réserve tellement de surprises. Finalement, tout s’est écroulé. J’avais ce sentiment, qui était sans doute partagé par beaucoup de personne, de fin d’une époque. Tout ce que nous avions connu jusque-là disparait d’un coup ! L’expérience de 2017 m’est resté en travers de la gorge.
« Aujourd’hui, je continue à faire de la politique mais en back stage. De toutes les façons, il y a une élection présidentielle qui arrive donc clairement je m’y impliquerai. »
Vous continuez aujourd’hui vos études, avec un Master à Sciences Po Paris en cours de validation. La vie est un éternel savoir ?
« Exactement. Je suis quelqu’un de très curieux.
« J’ai décidé de faire ce Master parce que c’est vrai que pendant mes mandats j’ai participé à beaucoup de projets immobiliers et urbains. J’ai fait beaucoup de CDAC, je ne les compte même plus. En quatre ans, j’ai dû en faire une centaine. À un moment donné, quand on travaille autant un sujet, on décide de le creuser. Le meilleur moyen c’est de retourner sur les bancs de l’école. Je suis vraiment pro-formation, tout au long de la vie professionnelle. Cela a plusieurs vertus. Cela aère l’esprit ; surtout s’il on fait une formation qui n’a rien à voir avec le métier que l’on exerce. On rencontre de nouvelles personnes. On sort de sa zone de confort intérieur, de rapports humains. Je trouve que c’est toujours enrichissant comme cela si l’on envie de réorienter sa carrière professionnelle, c’est possible. Je recommande à tout un chacun de le faire régulièrement. Je le fais tout le temps depuis vingt ans. Je vais en faire encore après Sciences Po. J’en ai repéré. »
La nomination de Mme Moreno apporte-t-elle un nouveau visage au combat des femmes issues, comme vous, de la diversité ?
« Je trouve que la nomination d’Élisabeth Moreno avait été un bon signal même si, eu égard à son parcours, elle aurait pu avoir un portefeuille beaucoup plus « important ». Bien que la lutte contre les inégalités entre les femmes et les hommes soit un sujet important. On aurait pu lui donner plus. Elle fait le job. C’est une personne qui est très agréable. J’ai eu le plaisir de la rencontrer à plusieurs reprises lorsqu’elle était la présidente de Lenovo. Je sais que c’est quelqu’un de très engagé. Les gens qui s’engagent, cela me plait toujours.
« Il ne faudrait pas que la nomination d’Élisabeth Moreno soit juste un signal. Il faut que derrière il y ait des choses qui suivent. Il faut qu’au-delà du travail qu’elle-même fait, il faut que dans la vraie vie il y ait des choses qui se passent.
« Par pur hasard, je vois qu’un de mes contacts LinkedIn est devenu président d’un fonds d’investissement. Je vais sur son profil et le félicite. Par curiosité, je jette un œil au site de ce fonds d’investissement. Je clique sur « notre équipe ». Je fais défiler : que des hommes, blancs… Tout en bas, il y a deux femmes. Une noire et une blanche. La blanche est assistante et la noire est contrôleuse de conformité. Les deux sont vraiment au bas de l’échelle dans l’organigramme. Tout le staff du fonds d’investissement sont des hommes blancs. Encore, il y a déjà du progrès : ce ne sont pas que des vieux ! Il y a beaucoup de jeunes. C’est hallucinant !
« Le chemin est encore très long. Je ne vous parle même pas de la politique ! Cela, encore, c’est un autre sujet, de se faire une place en politique pour les femmes. Pour ma part, je suis consciente d’avoir eu beaucoup chance. J’ai été portée par Jean-Jacques Giannesini et Jean-François Copé donc je n’ai pas eu de difficultés. Même si, une fois arrivée aux municipales de 2014, cela a un peu changé. »
Quels rapports avez-vous avec les réseaux sociaux ?
« [Rires] Je dois avouer que j’ai un rapport très étroit. Je suis assez friande des réseaux sociaux mais j’en fais un usage assez apaisé.
« Je publie beaucoup sur le sport parce que je suis très sportive. Je me suis mise à la course à pied en 2015. Je cours beaucoup maintenant. Sur Facebook je publie beaucoup autour du sport, de la musique, de la culture, quelques articles de Presse. Ce n’est pas forcément politique.
« Sur Instagram, ce n’est pas du tout politique. Je publie des photographies de sports ou de la cuisine. C’est vraiment personnel.
« Twitter en revanche c’est beaucoup plus politique. C’est un compte que j’avais créé en 2009. J’avais environ une trentaine de followers. Je ne m’en suis pas servie pendant un moment. Puis justement pour les législatives de 2012, je l’ai réactivé. Mon compte Twitter est très actif. C’est là que je m’exprime d’un point de vue politique et que je peux dénoncer les inactions de l’exécutif parisien.
« Ce qui me plait beaucoup, surtout en ce moment avec l’hashtag #saccageParis. L’enseignement que je tire de ce phénomène #saccageParis, c’est que finalement ce sont les citoyens qui arrivent à faire bouger les choses. L’équipe municipale en place est sourde. Ce sont des gens qui sont imbus d’eux-mêmes, sûr de leur pouvoir puisqu’ils ont gagné les élections. Leurs idéologies les amènent à penser qu’ils ont droit d’ingérence jusque dans les choix intimes des Parisiens.
« Par ailleurs, ils sont allés tellement loin dans la dégradation de la Ville. Ils ont fait des choix esthétiques qui sont clairement atroces, ils sont persuadés de leur autorité. Là, les Parisiens, à bon droit, se rebellent. Je suis heureuse de cela. Je suis heureuse qu’enfin ils ouvrent les yeux. Le pire dans tout cela, c’est qu’Anne Hidalgo botte en touche en disant que c’est la droite et l’extrême-droite. Il n’en n’est rien. Je regarde sur les réseaux sociaux. Ce sont des gens qui ont voté aussi pour elle qui se manifestent et qui font savoir qu’ils regrettent.
« Le problème de l’équipe en place, c’est qu’ils ne sont que « dans la vision ». Ils ne sont pas dans le quotidien et le pragmatisme. Là, ils sont allés tellement loin dans l’incurie de la gestion de la Ville. Ils ont cette manie de s’appuyer sur des experts de pacotille qui leur font faire n’importe quoi.
« Le concept de « la Ville du quart d’heure », est le concept le plus fumeux que j’ai jamais vu. La problématique à Paris ce n’est pas de savoir si l’on met un quart d’heure pour accéder à un service. On a tout à portée de main. La problématique c’est surtout d’accès au service. Ce n’est pas si je vais avoir un ophtalmologue près de chez moi parce qu’il y en a. C’est la liste d’attente qui est le vrai problème. »
« Puis il y a eu les photographies avec Nicolas Sarkozy. Avec lui, c’est magique !
« L’anecdote de ce meeting, lors des municipales de 2014 au Gymnase Japy, elle est incroyable ! On nous annonce que dans le carré des VIP, il va y avoir les têtes de listes avec deux ou trois de leurs colistiers aux premiers rangs. Les autres seront derrières. Très bien. Je me dis, il va y avoir Nicolas Sarkozy, donc il va y avoir du monde. Comme d’habitude, je m’organise pour arriver très tôt.
« J’arrive aux alentours de seize heures. Je vois Déborah. Je la salue et lui demande le placement dans la salle afin de pouvoir me prendre une chaise et m’assoir. Elle me dit : « Non, non. Tu es dans les premiers rangs. Les chaises sont marquées avec les noms, vas-y ! » Je cherche. Je ne vois toujours pas mon nom. « Mais Déborah, il n’y a pas mon nom ! » – « Mais si ! Cherche ! » Elle ne me dit rien ; elle est trop maline ! J’arrive au premier rang. HA ! Je suis au premier rang. Je regarde, je vois marqué « NKM » sur la chaise à côté de la mienne. Je dis à Déborah : « Je suis assise à côté de Nathalie, c’est trop gentil, merci. » Là, elle me regarde en rigolant et me dit : « Tu n’es pas assise à côté de Nathalie. » – « Mais si, Déborah, tu vois bien que sur la chaise, il y a marqué NKM. »
« C’est là qu’elle me fait réaliser que c’est le meeting de Nathalie Kosciusko-Morizet, qui sera donc sur la scène. Déborah me dit alors : « NKM sera sur scène, Nathalie. Tu vas être à côté de Nicolas Sarkozy ! Et c’est lui qui t’a choisi ! » Il y avait eu un tas de négociation autour des personnalités présentes à ses côtés. J’étais au bord de l’évanouissement. [Rires]
« J’avoue que ce jour-là, c’était incroyable. Déjà lorsqu’il est arrivé, j’avais l’impression d’être dans une machine à broyer parce que tous les journalistes se sont précipités. Cela bousculait dans tous les sens. J’espérais ne pas être piétinée. Nicolas Sarkozy essayait d’arriver jusqu’à sa place. Quand il a fini par s’assoir il me dit : « Quelle agitation ! » [Rires] Mon téléphone n’arrêtait pas de vibrer. C’est vrai que cela a été un grand moment. Je l’ai honnêtement savouré. Parce qu’être assise à côté de Nicolas Sarkozy et en plus pouvoir discuter avec lui, c’était le rêve. C’est exceptionnel ! »
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Merci à Mme Fanfant pour son écoute et sa bienveillance.