Portrait d’un Humaniste besogneux.
Chers Lecteurs,
La fin de l’année civile approche mais je continue à maintenir le lien avec vous grâce à mes entretiens-portraits. J’espère que cela continue à vous intéresser. N’hésitez pas à me le signaler ! Je reste toujours à votre écoute !
Nous allons retourner sur les bancs des hémicycles nationaux et locaux, que cette nouvelle personnalité interrogée fréquente depuis 2004.
Conseil Général de l’Indre. Le territoire avant tout. Le Département de l’Indre permettra ainsi à notre interrogé de se forger une expérience professionnelle afin d’établir les bases au sein de sa futur terre d’élection.
Saint-Maur. C’est au sein de cette commune de l’Indre que notre interrogé ancrera son ancrage local afin de fonder les racines de son histoire politique et personnelle.
Monde HLM. Ne souhaitant pas vivre de la politique, dans la continuité de son engagement personnel, c’est au sein de ce monde-là que notre interrogé perfectionnera son expérience professionnelle.
Centre-Val-de-Loire. C’est sur les bancs de cet hémicycle régional que notre interrogé fera ses armes pendant plus de dix années.
1ère circonscription de l’Indre. Après avoir fait campagne en électron libre, notre personnalité aura l’investiture de LaREM et en sera élu député en juin 2017. Un ancrage local payant.
Cour de Justice de la République. C’est en tant que juge suppléant que notre nouvelle personnalité a prêté serment et pris sa place en janvier dernier. Une nouvelle responsabilité qui s’impose à lui.
Horizons. C’est sous les couleurs du néo-parti lancé en octobre dernier par Édouard Philippe, que notre nouvel interrogé s’inscrit dans la vie politique nationale.
Je vous laisse découvrir le portrait de Monsieur François Jolivet, député de la 1ère circonscription de l’Indre.
Dans le cadre pandémique que nous connaissons, la réalisation de ce portrait a été réalisé, dans les conditions sanitaires requises, au sein du bureau de M. le député, le 7 décembre 2021.
Bonne lecture !
@romainbgb – 13/12/21
***
Biographie Express de M. François Jolivet :
*1966 : naissance à Châteauroux (Indre).
*1987 : Licence de Droit à la Faculté de Droit de Poitiers.
*1988 : Maîtrise de Droit public mention droit public économique et aménagement du territoire à la Faculté de Droit de Poitiers.
*1989 : DESS de Gestion Financière Comptable et Fiscale à l’Institut d’Administration des Entreprises de Poitiers.
*1990 : MASTERE de Management Public au sein du groupe de l’École supérieur de Commerce de Bordeaux.
*1991-1993 : assistant parlementaire du sénateur François Gerbaud.
*1993-1995 : Chargé de mission auprès du directeur général des services du Département de l’Indre.
*1995-2017 : maire de Saint-Maur (Indre).
*1996-2010 : Directeur général de l’OPAC de l’Indre.
*2004-2016 : conseiller régional de la Région Centre-Val de Loire.
*2010-2016 : Directeur de la gestion locative du groupe ICF Habitat.
-président de l’agence immobilière Transactif du groupe SNCF.
*2016-2017 : Directeur général HLM ICF Habitat Atlantique.
*2017-2020 : conseiller communautaire de la Communauté d’Agglomération Castelroussine.
*depuis 2017 : conseiller municipal de Saint-Maur (Indre).
*juin 2017 : élu député de la 1ère circonscription de l’Indre.
*jan.2021 : prête serment à l’Assemblée nationale, devient juge suppléant auprès de la Cour de Justice de la République.
***
À quoi rêve le petit François lorsqu’il est enfant ?
« J’ai toujours été délégué de classe, de la 6ème à la Terminale. J’ai toujours eu une appétence à vouloir m’occuper des autres, à parler en leurs noms. J’aurai tendance à dire que lorsque j’étais enfant, ou jeune adolescent, je souhaitai m’occuper des autres ; surtout être leur porte-parole. Parce que j’ai très vite compris dans une école que tout le monde n’avait pas la faculté pour parler. Le but du jeu c’était pour moi de donner la parole à ceux qui ne parlaient jamais, afin de porter leurs intérêts. C’est ce à quoi je rêvais. Je pense que je pensais aux autres.
« Comme j’ai été élevé dans le monde agricole. Nous élevions des brebis. Sans doute ce qui m’hantais le plus, lorsque j’étais gamin, c’est que je pouvais me réveiller un matin en donnant le biberon à un agneau, que je trouvais en forme, puis qu’il était mort le soir. J’avais sans doute une très grande conscience de ce qu’était la vie et donc de la mort. Ce qui a beaucoup reculé aujourd’hui. J’avais conscience de la mort ; plus que d’autres. Ou comme tous les agriculteurs, ou fils d’agriculteurs. Ceux qui avaient été élevés à la campagne.
« Arrivé à 55 ans, puisque j’ai failli mourir parce que je me suis écrasé en hélicoptère, j’ai compris que ce n’était pas le temps qui passait mais que l’on n’était que les passagers d’un temps. C’est nous qui passions avec lui. Le temps n’étant qu’une création humaine. S’il on revient à l’École ou à la pensée révolutionnaire où les saisons avaient pris le dessus sur le calendrier chrétien. Puisque la forêt se régénère, même si elle peut avoir des difficultés avec le réchauffement climatique, mais la vie ne se régénère pas. Elle se transmet. »
Comment avez-vous vécu vos années étudiantes à Poitiers ?
« Mes années étudiantes à Poitiers pour moi cela a été le rêve.
« Jusqu’en Première, je n’ai pas été un grand travailleur. D’ailleurs au Baccalauréat, l’avis du Conseil était de dire : « Avis mitigé pour le Baccalauréat. Un élève littéraire en classe scientifique ; erreur d’orientation. »
« J’ai fait un dossier de Classes Prépa. Je n’avais jamais fait de Latin. J’avais 3 Langues. J’étais très bon en Français, en Philosophie et en Langues. Je n’ai pas trop compris les Mathématiques. Je les ai comprises qu’en Terminale lorsque j’ai eu la révélation que les formules mathématiques pouvaient s’appliquer en Physique-Chimie. J’ai été pris en Hypokhâgne.
« J’ai donc fait ma rentrée en Hypokhâgne mais il fallait que je fasse 12 heures de cours de Latin Grands Débutants. Je me suis dit : « Fin du jeu. » J’ai dit à mon père que peut-être il vaudrait mieux que j’ailles faire ma rentrée le 15 octobre et pas le 3 septembre. [Rires] Ceci après 15 jours en Hypokhâgne…Donc je suis allé en Faculté de Droit.
« J’y ai découvert ce que l’on appelle l’autonomie. Comme beaucoup d’étudiants universitaires, je n’ai pas compris qu’il fallait aller en cours. J’étais dans l’apparence de la liberté. J’ai loupé la session de juin. Je m’en suis sorti en septembre.
« En mai, de la même année de ma rentrée en Fac, je suis devenu pion – maître d’Internat. Ce qui m’a donné la possibilité de comprendre que travailler a du sens ; en dehors de l’Université. Toujours de m’occuper des autres : les élèves. Ces derniers ne rentraient pas chez eux donc auprès desquels il fallait avoir une présence plus importante. Puis lorsque l’on est le maître d’Internat on est parfois aussi le confident de l’élève. On est obligé de le prendre en charge toute une semaine, même lorsqu’il éprouve des difficultés personnelles. J’ai appris ce qu’était le monde du travail et le rapport aux autres de manières plus opérationnelles lorsque j’étais maître d’Internat. J’ai été un étudiant de Fac brillant après la session de septembre. Je me dis d’ailleurs que si je n’avais pas été pion, je n’aurais peut-être pas fait de si belles études. J’ai déroulé mes études tout en étant pion.
« Même si mes parents étaient fonctionnaires. Mon père était un cadre de l’Administration. Ma mère était professeur. Je suis emprunt et lié complètement au monde de la Terre par mon éducation. Quand je vous parle du monde agricole, j’ai une culture très classique. J’ai été élevé par des grands-parents paternels qui étaient agriculteurs-éleveurs et ceux maternels qui étaient maraîchers. Un weekend sur deux, j’alternais. Toutes les vacances je les passaient chez eux. »
Quelle expérience gardez-vous de votre passage au Sénat comme collaborateur parlementaire ?
« Ma première expérience que je garde : on est en juillet 1989. Je faisais un stage au Conseil Général de l’Indre sur les nouveaux instruments d’analyses financières. Après ma Maîtrise en Droit Public, j’ai effectué un DESS en Gestion Financière Comptable et Fiscale. On ne parlait pas beaucoup des modes de gestions modernes des Collectivités, notamment dans le domaine financier. J’avais toujours cette appétence à m’occuper des autres : le service public.
« Mon directeur de mémoire était le directeur général des Services. C’était un fonctionnaire du ministère des Finances qui était réincorporé dans son administration d’origine, puisqu’il avait été détaché. Je lui remettais mon rapport. Ce qui obéissait à un protocole. Non pas la remise du rapport mais son départ. Il y avait le déjeuner de départ du directeur général des Services qui était un homme important, avec un certain nombre d’élus autour de la table. Lui-même avait invité un certain nombre de collaborateurs directs, dont son stagiaire. Assis à côté de moi, il y avait un Monsieur, le 1er Vice-président du Conseil Général, qui m’avait fumé toutes mes cigarettes. Je fumais les mêmes que lui. Il me dit : « C’est une chance de me retrouver assis à côté de vous. »
« À l’issue de ce DESS, je continue en faisant un MASTERE avec l’École Supérieur de Commerce de Bordeaux dont les pilotes étaient des Magistrats des Chambres Régionales des Comptes qui venaient d’être créés. Ceci pour essayer de faire digérer aux Collectivités Territoriales, notamment aux fonctionnaires dirigeants, les règles nouvelles de la gestion publique. Je m’en vais faire cela.
« Je reçois un courrier en janvier 1990 d’un Monsieur me disant que je lui ferais un grand honneur en devenant son assistant parlementaire : François Gerbaud. Je lui réponds que je ne peux pas. Je fais des études. Il me renvoie mon contrat de travail signé en me disant : « Vous me ferez un grand honneur en le signant. Considérez que c’est ma participation à vos frais de formation professionnelle. » Là, j’ai la révélation.
« J’arrive avec lui en mai 1990. Je passais mes examens en même temps que je travaillais pour lui. Il fallait que je fasse mon Service National Militaire que je n’avais toujours pas fait à 25 ans. Il m’avait dit qu’il « n’y avait aucun problème, que je me débrouillerais ! » J’ai commencé chez les Fusillés Commandos de l’Air, ce qui n’est pas trop à Paris. Ensuite, j’ai pu démarcher ce que l’on appelle le SGDN, Secrétariat de Défense Nationale ; qui maintenant s’appelle Secrétariat de Défense et de Sécurité Nationale. C’est ce que préside le président de la République dans la guerre sanitaire. C’est la même structure.
« Je deviens ensuite assistant parlementaire. Je réalise que je vois les mêmes qu’à la télévision. Je vois tous ces gens-là. Charles Pasqua m’a beaucoup impressionné. C’était le président du groupe RPR au Sénat. Le sénateur pour lequel je travaillais appartenait au groupe RPR. J’ai fait d’ailleurs un petit séjour au groupe, en direct. Je vois Nicolas Sarkozy, ministre du Budget. Je vois Jean-Luc Mélenchon qui démarrait. Je fais une rencontre, aussi, extraordinaire avec Maurice Schumann, qui me fait lire son dernier livre qu’il avait écrit à la main, parce que j’étais un rat de bibliothèque. J’ai toujours été un besogneux. J’avais loupé ma session de juin à la Fac en 1985 mais ensuite je l’ai toujours été. Ce que je suis resté en tant que parlementaire. C’est ce que tout le monde me dit donc je le répète ! [Rires]
« François Gerbaud était le créateur des questions au Gouvernement diffusé parce que c’était un ancien journaliste de l’ORTF. D’ailleurs il était le journaliste phare de l’époque où il y présentait le JT entre 1966/1967. En 1967, il avait été élu député dans la majorité UNR, dissout, puis réélu en 1968. Il avait des origines très modeste. Son père était un enfant de la DASS. François Gerbaud m’a appris l’amour de l’autre et sans doute la tolérance.
« J’étais plus perméable à ces propos-là parce qu’en fait il m’expliquait que : « Toute personne vit pour un temps déterminé et il faut accepter sa vie du mieux possible parce qu’il y a une fin. » Il m’a appris cette chose-là et l’a bien formalisé. Cela me renvoyait à mes agneaux qui mourrait ou que l’on sauvait. Parce qu’il n’y a pas que le côté négatif.
« J’ai très vite compris lorsque j’étais assistant parlementaire qu’il fallait que je parte vite de tout cela. J’avais des assistants, qui étaient mes collègues, qui pouvait avoir 50 ans. J’en avais 25. Ils disaient qu’il y allait avoir des élections sénatoriales et se posaient la question de leurs avenirs si leurs patrons n’étaient pas réélus. J’ai été recruté au Conseil Général de l’Indre comme juriste. »
Comment avez-vous vécu votre expérience au sein du Département de l’Indre comme chargé de mission du directeur général des Services ?
« J’ai rencontré un Monsieur qui s’appelle Jean-Michel Drevet, qui est aujourd’hui le directeur général de la Métropole Nice-Côte d’Azur et avait été auparavant directeur de Cabinet du ministre Christian Estrosi. Il avait été secrétaire général de Préfecture dans l’Indre.
« Il m’a appris la rigueur administrative. Il m’a toujours dit : « faire son travail, ne suffisait pas mais qu’il fallait en fait se dépasser. » Il attendait de ses collaborateurs plus que leurs travails mais le plus de leurs travails. Il développait autour de lui l’envie de créer et la capacité créative. Il rappelait que beaucoup pouvait rédiger un commentaire d’arrêt du Conseil d’État ou une note mais peu arrive à parler du plan d’action et des moyens pour y parvenir. Les moyens pour y parvenir c’était la création. Le plan d’action c’était une vision.
« Pour moi c’était une rencontre déterminante parce qu’il a réussi à me montrer que devant toute situation il fallait avoir une vision. Prendre de la hauteur. Ce qui était insuffisant s’il n’y avait pas de plan d’action pour parvenir à la vivre. À rendre concret, ce que l’on voyait loin. »
En 1995, vous êtes élu maire de Saint-Maur. Comment avez-vous vécu ce moment ?
« Je ne crois pas à la destinée mais je crois que la vie est une addition de rencontres. Peut-être de hasard, que l’on force. Dans ma famille on n’a toujours parlé politique mais je n’avais jamais envisagé être maire. Surtout à l’âge qui était le mien.
« C’était grâce au président du Conseil Général. J’étais, et le suis toujours, habitant d’une commune qui s’appelle Saint-Maur, située dans la Banlieue Ouest de Châteauroux. Le Petit Neuilly de Paris, dans l’Indre. Il se trouve que la maire avait du mal à boucler sa liste. Elle était favorable au président du Conseil Général. C’était la plus grosse ville de son canton.
« Le président me fait savoir qu’avec mes connaissances juridiques et financières, je pourrai bien être sur la liste. J’ai réfléchi et accepté la proposition. Je suis allé sur la liste mais je n’étais pas du tout en tête. J’étais en dernier. À l’époque, c’était une ville où ça panachait, étant une commune de moins de 3500 habitants. Tout le monde pouvait rayer. Il s’avère que notre liste a gagné mais la maire et les adjoint(e)s sortants n’ont pas été élus. Spontanément, les gens de la liste un peu esseulés sont venus vers moi en me disant : « cela peut être ton métier. Il faut que tu prennes la place de maire. » J’ai été élu maire par une liste ayant gagné les élections municipales mais dont les chefs de files avaient disparu dans le combat électoral. C’est comme cela que l’aventure a commencé.
« Je n’ai pas eu peur. Je faisais confiance à mes capacités techniques. Je me suis dit je deviens maire d’une commune que je ne connais pas et dont je ne connais même pas les limites géographiques. Je les connaissais à peu près. Ensuite, je n’avais eu qu’une seule réunion avec l’équipe dans laquelle j’étais. Je ne connaissais personne. Cette équipe-là m’élisait.
« Je me suis dit qu’il va falloir que je fasse comme lorsque j’étais délégué de classe. Il va falloir faire en sorte de donner la parole à ceux qui parlent le moins. Ma capacité à être leader et avoir une vision, je me suis dit que cela pourrait être un argument. Mais concernant la vision d’un territoire que tu ne connais pas, il va falloir nécessairement que cela soit une co-construction. Je me suis appuyé sur mon équipe de conseillers. On a tenu la mairie pendant 5 mandats sans avoir aucun adversaire en face de nous. »
De 1995 à 2017 vous avez été maire de Saint- Maur. Que retenez-vous de cette expérience ?
« Je vais peut-être dire que j’étais macroniste avant l’heure parce que l’on n’avait pas de liste d’opposition mais j’organisais mon opposition au sein de ma liste. J’ai pris que des fortes personnalités qui étaient capable de me dire : « François tu déconnes à plein tube ! » ou de partager mon opinion. Comme par ailleurs j’étais aussi le directeur général d’un établissement public de logement social. Dans un comité de direction, on ne demande pas aux gens s’ils sont de gauche ou s’ils sont de droite. On leur demande d’avoir une vision, d’avoir une capacité créative, d’avoir un regard à long terme.
« J’ai fonctionné de la même manière dans mon équipe municipale. Je prenais, je pense, toujours les meilleurs. Parfois, ils avaient tenté d’être conseiller municipal mais qui n’avaient pas été élus. Je leurs faisais confiance. J’ai eu raison de le faire. On a co-construit cette commune. Je suis fier de cette réalisation.
« J’ai appris que la co-construction collective, en mettant de côté ses idées politiques pouvait faire avancer un territoire. La commune de Saint-Maur après notre élection est devenue une commune extrêmement connue. Elle est aujourd’hui la commune la plus chère de l’Indre. On a réussi à créer un cadre de vie et une manière d’être assez exceptionnelle. »
Vous avez été directeur général de l’OPAC de l’Indre. Quel regard portez-vous sur cette expérience ?
« Le monde HLM, c’est mon métier. Je n’ai jamais vécu de la politique. Je m’étais créé cela comme principe. Je suis un amoureux de la liberté. Lorsque l’on vit de la politique, on n’est plus libre. On est capable de mettre de côté ses convictions pour garder son job. Un maire, un conseiller régional, un vice-président d’Agglo … j’ai eu ses mandats-là. J’ai eu beaucoup d’indemnités. On est prêt à tout, par la suite, pour garder son travail, à mettre de côté ses convictions politiques, voire à y renoncer. C’est d’ailleurs une limite du mandat. Je pense que l’on ne devrait pas être élu sans avoir de métier.
« J’ai été le plus jeune de France. Comme je travaillais au Conseil Général et que l’on m’avait repéré comme quelqu’un connaissant bien les choses publiques et le mode de gestion privé, ou proche de l’entreprise. Un Office HLM c’est une économie mixte puisque l’on a une comptabilité proche de l’entreprise et l’on a des règles complétement propre à l’entreprise, en revanche, puisque l’on a des logements qui se libèrent. Il faut les louer. Il faut supprimer les délais intercalaires sur les phases de travaux, pour remettre en location plus rapidement possible. Surtout, encore une fois l’aspect service public, s’occuper des autres. Loger des gens qui ont moins de ressources parce que ce sont des gens qui sont sous le plafond de ressource.
« Je considère que le logement c’est un peu la grotte de l’époque préhistorique. C’est le premier endroit où l’on peut se sentir en sécurité et se mettre à l’abris. C’est la condition d’existence. Il faut que la porte ferme. Lorsqu’il y avait les grottes, sans porte, il fallait veiller pour que personne ne rentre.
« J’ai été élevé par des gens modestes. Vous me direz que mon père était fonctionnaire etc… Lui, aussi, était décrochée par ce milieu-là. Je considère qu’un beau logement, ou un logement où l’on se sent bien, c’est un logement qui libère celui qui l’occupe des chaînes que la société aurait pu lui mettre ou qu’il aurait pu se mettre lui-même dans son parcours de vie. Je l’ai compris assez vite, avant même de devenir directeur général de l’OPAC.
« Un organisme HLM, c’est encore d’actualité, cela loge des personnes bien entendu d’un revenu modeste, qui sont de nationalité française. Comme ce sont les logements les moins chers, cela loge aussi les personnes de nationalité étrangère. Parfois avec des chocs culturels.
« Le premier n’a pas lieu d’ailleurs entre les locataires mais entre les locataires et ceux qui travaillent pour l’Office HLM. Ils ont du mal, à près, à se situer. Je leur faisais savoir que c’était bien, ou que telle personne ne s’est pas bien comportée mais regardé les enfants qu’il a. Si cela se trouve, c’est parmi l’un deux que se trouve le prochain qui trouvera le remède contre le Cancer. Il faut lui permettre de rêver et donc de pouvoir travailler dans un endroit. Il faut permettre aux parents d’élever leurs enfants. Bien entendu s’ils sont défaillants dans ces missions-là, il faut le signaler à l’Aide sociale. Sachez que les gens qui viennent ici sont des gens qui ont besoin d’être accueilli, de payer leurs loyers, de bien se comporter. Ils doivent votre respect. Vous devez parfaitement les respecter. Le choc culturel, il commence là. En tous les cas, lorsque je suis arrivé comme directeur général de l’OPAC, il commençait là.
« J’ai découvert, avec l’OPAC, comment on loge des gens en difficulté sociale et financière ? Comment certaines femmes, déjà à cette époque-là, étaient victimes de violence ? Lorsque l’on faisait des travaux de réhabilitation, parfois, des entreprises intervenantes nous signalaient qu’il y avait une porte fermée et qu’il entendait quelqu’un derrière parce que le mari l’avait enfermé à clef pour pas qu’elle ne rencontre les salariés. »
« J’ai recruté des assistances sociales dans l’établissement. Comment j’ai pu faire des signalements à travers ces assistantes sociales ? Qui d’ailleurs n’étaient pas toujours suivis d’effets par les professionnels du département. Pourtant, j’y avais été un cadre. J’ai vraiment approché le malheur. Cela rend modeste ; encore plus modeste. Cela permet de comprendre le monde. Ce n’est pas ce qu’il y a dans les livres. Tout n’est pas aussi beau que l’on écrit.
« J’ai vu beaucoup de défaillance des acteurs. Peut-être moi les premières, parce que j’ai pu être défaillant avec mes équipes. Mais je me rends compte aujourd’hui, à l’aube des 25 ans passé dans le monde du logement social, que ces bailleurs institutionnels, qui sont tant critiqués, quand on parle de la disparition des services publics, il n’y a plus qu’eux qui restent dans les quartiers. »
Comment avez-vous vécu votre expérience de conseiller régional du Centre-Val de Loire ?
« C’est la révélation !
« C’est que le petit département de l’Indre, n’était qu’un département parmi d’autres, en Région Centre-Val de Loire. Le fait que tout était axé pour le Loiret, le Loir-et-Cher et l’Indre-et-Loire. La colonne vertébrale de la Région Centre-Val de Loire était la Loire et que tous ceux qui en étaient éloignés, l’Eure-et-Loir, l’Indre et le Cher, n’avaient qu’un soutien que l’on apporte aux mendiants et d’aumônes.
« J’ai compris que la campagne de Jacques Chirac, qui avait été initiée par Philippe Seguin, sur la fracture territoriale et la fracture sociale avait un vrai sens. La limite dans cette campagne, c’est qu’elle ne s’est pas traduite dans les actes. Lorsque l’on est loin du feu, la cheminé étant à Orléans, on est loin de tout. Porter l’Indre à la Région, a été un vrai exercice. Comme apporter la Région dans l’Indre, l’a été aussi. Un vrai combat, avec des réussites et des déceptions. Cette fracture territoriale, cela est politiquement dit. Cela veut donc dire que le principe d’égalité régionale n’existe pas. Sans doute comme le principe d’égalité en France.
« J’ai une appétence particulière pour le logement, la sécurité, comme vous avez pu le voir. J’adore par ailleurs la culture parce que je considère que c’est ce qui élève l’esprit des gens. Lorsque je vois notre ministre actuelle de la Culture, je lui dis qu’elle n’est que l’adjointe de la Ville de Paris à la Culture, puisque 94% de son budget concerne la Ville de Paris. Tout est quand même très centralisé chez nous. On a décentralisé les choses sans importance. »
Vous avez été ensuite conseiller communautaire de la Communauté d’Agglomération Castelroussine. Quelle expérience en gardez-vous ?
« Avant la Communauté d’Agglo, j’ai été le moteur avec un maire socialiste, alors que j’étais RPR, de la création d’un syndicat intercommunal de développement économique qui s’appelait le syndicat intercommunal CAPSUD – Centre d’Activité Porte Sud. Ceci réunissait pour la première fois une ville frontalière de Châteauroux et la ville de Châteauroux sur un enjeu de développement économique, qui était sur le territoire de la commune de Saint-Maur, dont j’étais le maire. On a donc créé une zone économique qui nous a permis d’avoir le premier magasin Décathlon de l’Indre. Les personnes devaient aller soit à Limoges, soit à Poitiers, ou à Tours, ou à Orléans. On avait des gens qui allaient dépenser de l’argent, obtenus dans l’Indre, hors département et qui donc allaient entretenir des emplois ailleurs. Ce que l’on appelle l’évasion commerciale.
« Puis il y a eu une alternance politique. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l’Intérieur, créé la loi dite d’administration territoriale de la République, qui donne lieu à la création des Agglomérations. Chez nous elle est créé ex nilo par le préfet qui rassemble les communes. Je deviens vice-président en charge des Finances et de l’évaluation des charges transférées. Je l’ai été pendant 20 ans, jusqu’à la fin de mon mandat de maire.
« Ce que j’ai compris, quand on a un regard collectif sur les territoires c’est que les clochers ont une importance. N’y voyez aucune formule religieuse. On ne peut avancer de manière collective que si l’on s’est approprié les territoires de manière individuelle. Il faut se réunir sur des projets collectifs. Ne pas se mêler des affaires territoriales.
« Je considère que l’intercommunalité est au service des territoires et des maires et qu’elle n’est pas là pour imposer son diktat. Parce que le maire, c’est le 1er maillon de la démocratie. C’est la seule personne que l’on peut réprimander quand on est un administré et que l’on peut connaître. Tout du moins dans les petites communes ou les petits villages. Même si c’est l’Agglomération qui ramasse les ordures ménagères… Si l’Agglomération a omis de les ramasser dans une rue. On n’appelle pas l’Agglomération. On appelle la mairie.
« Notre objectif, avec les présidents successifs, était de ne pas empiéter sur l’autorité du maire avec son rôle important comme 1er maillon de proximité. Quitte à même le renforcer. Le but du jeu c’était d’avoir des projets communs et d’essayer de trouver des marches de manœuvres à chacun. Par exemple avec le cas de la gestion des services techniques. Si on les gérait à plusieurs, on pourrait peut-être faire des économies d’échelles puisque l’on évalue les charges transférées. Le but du jeu c’était de bien les évaluer et de n’imposer aucun diktat, en s’appropriant les spécificités des territoires.
« L’intercommunalité doit se construire, selon moi, sur l’avenir. La vraie difficulté et le travers que l’on a pu rencontrer, pas dans l’Indre mais dans certaines Communautés de Communes, c’est que l’on a souvent transféré des compétences à l’Agglomération en oubliant d’évaluer les conséquences financières du transfert. Ce qui signifie que les intercommunalités sont souvent devenues des étages d’endettements supplémentaires. Ce n’est pas ce que l’on a fait chez nous, à Châteauroux. »
Vous êtes élu en juin 2017, député de la 1ère circonscription de l’Indre. Qu’avez-vous ressenti à ce moment-là ?
« À ce moment-là j’avais quitté l’OPAC de l’Indre et je travaillais à Paris dans un groupe qui s’appelait l’Immobilier des Chemins de Fer du groupe ICF Habitat, dans le monde HLM aussi. J’étais maire et conseiller régional.
« On m’avait dit en 2016 que je devais lâcher ma place à la Région parce que l’on m’investira aux Législatives. La Commission d’investitures LR se réunit. On m’annonce que je ne le suis pas. Je leur dis : « ce n’est pas grave, j’irai quand même ! » J’écris un ouvrage que j’envoie à tous les conseillers municipaux de ma circonscription. Je suis très organisé. J’étais parti candidat en freelance, bien avant que M. Macron ne soit candidat. Je savais que l’exercice était difficile, même si j’avais une vraie antériorité politique. Mais ce n’était pas forcément impossible parce que j’avais été candidat avant face à Jean-Paul Chanteguet et Michel Sapin. Ils avaient juré l’un et l’autre de ne me faire faire qu’un seul tour. Ils en ont fait deux, sans m’écrouler au 2ème tour.
« Je suis candidat. Le candidat Emmanuel Macron est en campagne. Je ne supporte pas la campagne de François Fillon ; le déshonneur. Au 1er tour je suis très modeste. J’appelle à voter Emmanuel Macron au 2ème tour. Tout le monde attendait le ou la candidate de LaREM, qui ne venait pas. Je continuais à faire ma campagne.
« Il faut savoir que si vous m’appelez, je ne réponds jamais. Je suis le mec qui ne réponds jamais. Tout le monde me le dit. SMS oui. Le jour de la nomination d’Édouard Philippe à Matignon, je suis dans la cour de la Préfecture de l’Indre. Figure imposée oblige, on a une dégustation de producteurs de vins de Reuilly et de Valençay. J’étais tout de même en campagne donc j’avais mon téléphone. Un numéro que je ne connaissais pas qui m’appelle. J’étais avec une conseillère régionale et une conseillère départementale. Il y avait du monde autour de moi. Le secrétaire général LR en face de moi. Je leur demande si je réponds.
« Là, j’entends : « Bonjour, François Jolivet ? Tu es investi la République en Marche ! » Je n’ai jamais été sur le site. Temps de silence. « Faut me répondre sinon je passe au suivant. » Je ne sais pas qui me parlait. Je dis : « Oui. » On m’annonce que dans les 5 minutes, mon nom sera sur le site. Je regarde. Je vois mon nom : « investi, 1ère circonscription de l’Indre, François Jolivet. » Je pense que c’est Stéphane Séjourné qui m’appelle. En Marche ! savait que j’étais en campagne. Le candidat Macron avait perdu dans l’Indre au 2ème Tour. Il a fait 18% au 1er. Au 1er, j’ai fait 40%. Au 2nd, j’ai fait 70%. J’étais sur mon pied LR. Certains m’ont dit que j’aurai pu gagner sans l’investiture de LaREM.
« Lorsque je suis arrivé à l’Assemblée Nationale, personne ne croyait que je fusse dans le Groupe. Nous étions plusieurs dans ce cas, dont Jacques Savatier, mon ami de la Vienne. On se regardait. Nous sommes pourtant bien élus LaREM mais on ne nous donne rien. On était attendu nul part. Personne n’avait nos coordonnés, rien. Il était arrivé la même chose pour lui. Nous avons été ratifiés par la Commission d’investiture, parce qu’on a été annoncé avant.
« Je n’ai pas de regret dans ce que j’ai fait. »
Comment appréhendez-vous votre mandat au sein de l’Assemblée nationale ?
« Je ne vais pas être politiquement correct là. Je ne sais qu’être vrai. Si je dois faire un bilan d’étonnement de l’exercice de mon mandat, je le diviserai en 3.
« Mon premier étonnement est que dans mon métier où j’ai progressé, du logement social, j’étais connu comme quelqu’un de sachant. En tous les cas comme une personne dont l’avis était plutôt écouté, notamment de l’administration. J’ai été le premier à m’opposer, ici, au projet de la réforme sociale, avec des arguments. J’ai eu raison de le faire parce que j’ai fait plier Édouard Philippe et le président de la République sur le sujet. J’étais le premier frondeur.
« Au-delà de cette anecdote, je me suis rendu compte que cette même Administration qui m’adorait lorsque j’étais un dirigeant HLM, elle a considéré que j’étais un imbécile, une fois que j’étais élu. Cela veut donc dire que l’Administration ne supporte pas d’avoir des députés sachants.
« Mon deuxième rapport d’étonnement c’est que j’ai compris que beaucoup de ministres avaient des dénominateurs communs. Qu’ils étaient les plus ou moins bons communicants d’administrations qu’ils ne contrôlaient pas. Cette verticalité de la Vème République, elle ne peut que fonctionner que si l’Administration a du talent. Quand l’Administration n’en n’a plus, on échoue.
« J’ai un ministère en grippe, cela va faire rire mon collaborateur. On vit une crise sans précédent aujourd’hui, dans le domaine sanitaire. On a comme leader, le ministère de la Santé, qui je le rappelle à 3 missions : s’assurer d’une répartition équilibrée des soignants, de préserver de ce fait l’accès aux soins et la répartition équilibrée des équipements hospitaliers. Ce qui entraine la mise en œuvre des plans en matière de santé publique sur tous les risques sanitaires identifiés.
« Rétrospectivement, ce ministère n’a pas été super pour compter le personnel hospitalier. Ce qui est tout de même l’essentiel de son travail. On ne peut pas dire que ce soit un ministère performant. Sur les équipements hospitaliers, s’il on a repris 80 milliards de dettes dans les hôpitaux, c’est sans doute que l’on a dépensé quelque chose que l’on n’avait pas. Peut-être était-il nécessaire de le faire mais en trouvant un autre moyen de financer. Parce que quand vous chargez un établissement public de dettes, vous débudgétisez le budget de l’État français. Ce n’est que de la manipulation. C’est du pilotage d’indicateur des politiques publiques pour échapper à la vérité.
« Sur les risques sanitaires, il ne savait pas où était leurs masques ? Chez moi, on en a tout de même retrouvé 25 millions à l’aéroport dans un hangar. Ce n’est pas un hasard si le président de la République a souhaité qu’il y ait un Conseil de Défense au-dessus du ministre de la Santé. Vous remarquerez qu’il annonce les nouvelles une fois que le Conseil de Défense s’est réuni. C’est un présupposé au nom des usages. Je trouve cela insupportable. Olivier Véran n’est que le plus ou moins bon communicant, selon le jour, d’une administration qu’il ne contrôle pas. Cela est insupportable ! Ceci est vraiment mon deuxième étonnement !
« Mon troisième étonnement c’est l’antithèse de ce que je viens de vous dire. C’est qu’un parlementaire engagé, investit, avec des convictions et qui ne lâche rien, peut arriver à faire bouger les choses.
« J’ai fait évoluer la réforme HLM en proposant un scénario de sortie de crise. Cela fonctionne et cela a fonctionné. Même si j’en ai bavé. J’ai fait avancer les dossiers sur les pupilles de la République en ayant des résolutions adoptées à l’unanimité par le Parlement. J’ai fait bouger les choses. C’est un combat permanent. Et je vais vous dire, peut-être encore pire lorsque l’on est dans la majorité. Parce que tout ce que l’on dit est analysé comme étant une opposition alors que l’on ne veut que bien faire.
« Je comprends qu’il y ait des collègues parlementaires qui ait décroché. En fait, pour ne pas plier mais pour convaincre, pour renouer une confiance, pour recréer la confiance avec l’appareil d’État, il faut y passer du temps. Cela ne sert à rien de convaincre l’Administration. Il faut aller convaincre les Cabinets et les ministres, le Premier ministre ou le président de la République. Il faut que cela redescende. Si vous y allez par en bas, c’est bloqué. Pourtant, j’ai l’habitude de l’appareil de l’État ! Ensuite, il faut accepter de courber l’échine, même de se faire piquer l’idée, mais pourvue qu’elle avance. L’Administration digère les choses et donne son avis en modifiant les choses. Lorsque l’on est parlementaire, on ne sait pas tout, bien évidemment. Par contre, on peut arriver à modifier les choses. On peut arriver à peser. Mais qu’est-ce que c’est un combat ! Notre première opposition, c’est l’Administration. »
En janvier 2021, vous avez prêté serment à l’Assemblée en devenant juge suppléant auprès de la Cour de Justice de la République. Comment percevez-vous votre rôle ?
« C’est un honneur que m’ont fait mes pairs. Je le prends très au sérieux parce que l’on est amené à juger quelqu’un. Enfin je peux être amener à juger parce que je ne suis que juge suppléant. J’assiste à tous et je peux prendre la parole dans les audiences. Pour l’affaire Karachi, j’y étais. On va avoir l’affaire contre Kader Arif qui arrive en janvier.
« Je suis juriste de formation. On sait lorsque l’on est juriste qu’il n’y a pas seulement des jugements mais des juges puisque nous passons notre temps à les commenter, les arrêts de jugements. Par contre se mettre dans la position de quelqu’un qui juge. Je n’avais jamais eu cet exercice-là. Au pire, en tant que directeur général, j’ai évalué. J’ai pu ne pas augmenter un salaire par exemple. J’ai pu parfois licencier. Juger, on va atteindre la liberté de quelqu’un. On peut être susceptible de lui mettre de la prison avec sursis ou ferme. Je pense que c’est un exercice qui mérite une grande attention. On est consulté par les juges titulaires qui nous demande notre avis en tant que suppléant. J’ai apporté une contribution écrite à la personne dont j’étais le suppléant.
« Si vous ouvrez mon ordinateur, vous verrez que j’ai l’affaire Karachi en icone, avec les 976 pages. Je les ai toutes lues. C’est pire que dans les scenarios de science-fiction ou les policiers. C’est énorme ! Mon collaborateur vient de me mettre les 375 pages de l’affaire Kader Arif. Je vais les lire. Je suis un besogneux. J’ai besoin de comprendre. Je prends cela très au sérieux.
« Beaucoup disent qu’il faudrait supprimer la Cour de Justice de la République, en disant que c’est une justice d’exception. Si j’en crois l’affaire à charge qui a été conduite sur Édouard Balladur pendant longtemps, où il n’y a rien qui est probant, je me dis que les magistrats ne sont pas toujours les meilleurs pour juger. Je pense qu’il faudrait plus l’utiliser. »
Comment appréhendez-vous la campagne présidentielle qui s’annonce ?
« Ce sera sous vos écrits. Je vais vous dire ce que je pense. Je parlerai du président de la République en dernier.
« Je ne sais pas ce qu’il va se faire avec Valérie Pécresse, cheffe de file LR.
« Par contre, ce que je sais, c’est que j’ai été assez impressionné par la technique du candidat Éric Zemmour qui s’est révélé présidentiable dans son meeting à Villepinte. J’ai toujours dit à mon collaborateur, et tous ceux qui voulaient l’entendre, qu’en fait il essaye non pas d’incarner le RPR, parce que ce serait faire ombrage au RPR qui pour moi était le seul parti politique au vrai sens du terme, auquel j’ai adhéré, mais en réalité d’essayer de réveiller cette Histoire nostalgique de la France et la grandeur de la France d’antan. En cela il apparait, personne ne le dit, comme un homme du passé. Quand on a peur de l’avenir parfois le passé a une bonne vertu pour pouvoir essayer de traverser l’avenir.
« Ce passé nostalgique de la grandeur de la France, Éric Zemmour essaye de l’incarner et puis je pense qu’il ira loin. Le meeting de dimanche me fait dire encore plus cela. C’est un adversaire redoutable. Surtout s’il arrive à réveiller les abstentionnistes, parce que l’on sonde que ceux qui vote pour l’instant. Ce qui me fait dire que j’ai peut-être raison c’est que c’est le meeting qui a été le plus suivi, à la télévision, par les Français. Mais pour moi il incarne le passé. Il incarne la IIIème République, la fin du Bonapartisme, Napoléon III. Il est sur cette grandeur-là, l’Empire. Il y a aussi le côté Appel du 18 juin, pour dire après moi, ça casse.
« En revanche la réaction salle, c’est le RPR. C’est ce que je disais à mon collaborateur. Vous êtes plus jeune que moi mais ça va tout de même vous dire quelque chose. J’ai vécu des Congrès du RPR où Charles Pasqua et Robert Pandraud montaient à la tribune sur la musique de Starsky et Hutch. C’était cela ! Là, c’était un Congrès du RPR. J’imaginai Jacques Chirac à la tribune. Je pense qu’il aurait pu dire les mêmes mots à la création du RPR.
« Je pense que cet adversaire est important. Il le sera d’autant plus si Marine Le Pen n’arrive pas à lever ses 20 millions d’Euros. Ce qu’elle n’a pas. Si cela s’additionne, il ne fait pas 14%. Il fait 28%. C’est du Donald Trump. Il a des financeurs. On ne parle pas de problème d’argent pour l’instant. Je ne suis pas sûr que Marine Le Pen, si elle doit mettre sa signature en bas de page, qu’elle n’arrive pas à rembourser, à son âge ait envie de rembourser toute sa vie une dette à l’État français. C’est personnel. Ce n’est pas son parti. Le LePenthon, pour faire écho au Sarkothon, je ne suis pas persuadé que cela marche.
« Dans les forces en présence, je ne vois personne qui a l’intelligence du président de la République, en dehors de lui. Édouard Philippe le dit bien : « je ne connais personne qui est constitué de ce métal. » C’est une belle formule que je m’approprie parce que je trouve qu’il le dit bien. Maintenant, rien n’est gagné d’avance.
« Le président de la République a eu un mandat extrêmement compliqué. Il a connu les Gilets Jaunes, dont il n’était responsable de rien mais il a peut-être été le catalyseur de quelque chose avec la hausse du prix du carburant et les 80 kilomètres/heure. Tout cela n’était l’aboutissement d’une vague qui avait pris fin il y a très longtemps, que personne ne voulait voir. Il a connu la crise sanitaire, qui n’est pas terminé. On est dedans. Quand vous arrivez et qu’au bout de 2 ans on vous dit que l’on ne sait pas où sont les masques ?! Faillite d’un État !
« Vous savez on dit qu’un fonctionnaire incarne la continuité du service public. Heureusement que l’on n’a pas eu une attaque militaire à caractère bactériologique. Parce que tous ceux qui sont payés pour éviter cela… Je ne vous explique pas si l’on avait une fuite nucléaire dans une centrale.
« Ce que l’on peut mettre au crédit du président de la République et dont j’espère que les salariés vont en avoir plus conscience dans la campagne électorale, parce que j’espère que le président de la République le dira : il a sauvé l’emploi en France. Dans mon département, le soutien à l’économie c’est 50’000 emplois sauvés. Ce sont tous mes actifs privés. Les fonctionnaires ont continué à être payés. Quelque part on a essayé de capitaliser sur l’expérience de 2008 où Nicolas Sarkozy avait essayé de bien faire les choses en investissant moins que les Allemands. Là, on vient de faire plus que les Allemands. Je pense que le président de la République incarne encore l’avenir.
« Ce sera une campagne difficile et dure ; qui ne sera pas gagné d’avance. Je ne vois pas l’avènement de Valérie Pécresse au 2ème Tour. Je n’y crois pas. Peut-être ai-je tort ?
« L’enjeux du président c’est qu’il se reconstitue son armée de combat pour la campagne. Ce que je vois de positif chez Emmanuel Macron, c’est l’organisation qui commence à se faire jour dans cette fameuse maison commune : Ensemble citoyens !
« Territoires de progrès, personne ne sait ce que c’est mais on va dire que c’est l’ancien PS. En Commun, c’est une partie de la génération écologie avec des libéraux. On a le MoDem. On a LaREM. On a Le Parti Radical. On a maintenant Horizons, parti dans lequel je suis entré. Cela parait assez uni.
« De l’autre côté c’est je soutiens Valérie Pécresse mais le lendemain je créé mon parti. Il y a 113 députés LR, je crois. Il y a entre 4 ou 5 collaborateurs en moyenne par député. Cela fait 600 personnes. Puis il y en a 200 autres payés au Parti. 800 personnes. Il n’y a toujours pas de campagne. Les votes qui se sont exprimés ici, beaucoup de députés LR ont voté favorablement dans le domaine économique notamment. Cela aurait fait rêver certains à une certaine époque où la droite était au pouvoir.
« Je pense que la campagne se fera à droite. D’ailleurs, on le voit bien. On le sent bien. J’avais dit à un collaborateur du président de la République, il y a deux ans, que la campagne de 2022 se serait sécurité, santé, agriculture. Personne ne voulait me croire. En tous les cas, dans mon département, ce sera cela. Sécurité, santé, agriculture. »
Comment vivez-vous cette période pandémique ?
« Je vais vous ramener au début de notre interview lorsque je vous parlais de mon expérience de petit-fils d’agriculteurs ayant fait téter les agneaux le matin et mort le soir. Je m’étais occupé d’une brebis qui ne pouvait plus se lever. Je la faisais boire, manger. Puis finalement elle mourrait malgré tout l’amour et l’aide que j’avais développé autour d’elle.
« La mort fait partie de la vie. Après ce que je vais vous dire ne fait pas parti du politiquement correct. Vous, c’est le Jolivet que vous voulez voir. Je vais vous dire que je fais partie des députés qui préfère donner de la vie au jour plutôt que de donner des jours à la vie. Je suis pétri de quelque chose. Je suis quelqu’un de très classique vous savez. Je suis encore sur la théorie du Titanic, où quand un bateau coule on sauve les femmes en âge de procréer et les enfants. Les femmes et les enfants d’abord ! Je ne sais pas ce que les historiens diront de cette époque mais j’espère qu’ils ne diront pas que les vieux se sont protégés de leurs jeunes. Parce que ce serait un contre-courant de tout ce qui a fait la construction humaine jusqu’à maintenant. Les enfants, les jeunes, l’avenir de l’Homme.
« Je vous dis cela mais je comprends que l’on ait souhaité préserver les vies. Je comprends que l’on n’ait pas voulu voir des gens en train de mourir sur les brancards. Je comprends que ces images-là auraient provoqué la révolution dans notre pays. Ce qui aurait été peut-être un mal plus grand. Mais, il n’empêche, que la mort fait partie de la vie.
« Même si j’ai encore vu Bruno Le Maire, dont j’ai été le délégué dans l’Indre quand il était candidat aux primaires LR, dire qu’il n’était pas favorable à la vaccination obligatoire. Sur la pandémie, je fais partie des rares députés qui sont pour. On n’a pas hésité à rendre obligatoire les vaccins contre le tétanos, la coqueluche… Je souhaite rendre obligatoire cela aussi parce que si cela doit revenir tous les ans.
« Je me suis occupé de la notion de l’hébergement dans mon rapport sur le Logement. Je suis très respectueux de la personne qui souhaite mourir par -5°C dehors ; qui refuse d’être emmené par le SAMU Social. Cela c’est ce que l’on dit quand on ne ramasse pas et qu’on considère qu’il est complétement conscient et lucide sur ce qu’il dit. L’intérêt général a prévu autre chose : c’est les hospitalisations d’office. Lorsque quelqu’un est dangereux pour lui-même ou pour les autres, on l’hospitalise d’office. Lorsque quelqu’un est malade et qu’il n’a pas conscience qu’il peut être un danger pour lui-même ou pour les autres. Peut-être faudrait-il lui rendre la vaccination obligatoire ?! Même chose. Maintenant, parce que je ne suis pas fermé au débat, je peux comprendre toutes les autres versions.
« Je me rappelle de mes dix années entre mes 15 et mes 25 ans. Si on m’avait dit : « Tu ne sors pas ! Tu ne joues pas au Foot. Tu ne joues pas au Tennis. Tu ne vas pas voir les filles ! Tu restes enfermé chez toi. » … Je pense que j’aurai eu du mal à comprendre. Je crois que les jeunes ont du mal à le comprendre aussi. À ceux qui disent que les jeunes, c’est ce qu’il y a de moins bien dans notre pays. Je pense que personnellement, je me serai révolté. Là, ils ne l’ont pas fait ! Je les ai trouvés très républicains. Selon moi, ceux qui ne sont pas républicains, ce sont ceux qui ne se vaccinent pas. »
Quels rapports avez-vous avec les réseaux sociaux ?
« Je les avaient découvert lors de ma première élection législative, ensuite j’étais resté dessus. Mon collaborateur, Julien, m’a appris Twitter. On a appris Twitter tous les deux. Il a beaucoup travaillé dessus. On s’est mis à TikTok, Instagram.
[« Sur TikTok, il fait quand même des vidéos avec entre 30 et 60’000 vues » me signale le collaborateur du député, Julien Hamy.]
« Je n’étais pas un aficionado drogué à cela. J’ai compris en 2017 qu’il fallait développer des canaux de communication parce que même si j’ai une circonscription de 110’000 habitants, je n’ai pas beaucoup de communes. J’en ai une grosse : c’est Châteauroux.
« Aller faire du porte-à-porte et rencontrer les gens dans Châteauroux, ce n’est pas facile. J’ai donné comme mandat à Julien de développer quelque chose qui permette de développer une stratégie, que l’on a construite ensemble, qui permette de toucher les électeurs de la circonscription. On est parti comme cela au démarrage sur Facebook et Instagram. On n’était pas encore sur TikTok. On a eu l’espace COVID-19. Ou comment parler à des gens que l’on ne voit plus du tout ? On s’est lancé à fond les manos sur Facebook, Instagram et TikTok.
« Je mets à part Twitter parce que, vous l’aurez compris, j’ai vraiment un squelette, je ne sais pas s’il est politique, mais au moins de pensée. Il y a des choses qui m’exacerbent. J’ai été celui qui a mis le bazar sur l’écriture inclusive, sur « -IELS » … C’est moi qui aie mis le bazar et qui l’ait porté à l’agenda public. Je me suis donc mit à cogner, avec la forme respectable, sur Twitter. Là, oh ! Grande surprise ! Les journalistes s’abonnent en nombre. Les plateaux de télévisions arrivent. Ce qui est aussi une manière d’entrer dans les foyers de mes électeurs. Je m’aperçois que l’on peut faire bouger des lignes, y compris que par la capacité à se rendre visible auprès de la Presse. Cela vaut mieux qu’une conférence de Presse où tout le monde a quelque chose à faire. Finalement on n’y va pas. Ou un communiqué de Presse. J’ai porté ce genre de choses.
« Les réseaux sociaux ont été un accélérateur pour porter mes idées pour les miens. Ceux que je baptiserai les sociétaux, les Jolivet. Je m’aperçois que c’est une véritable arme. Je ne vous raconte pas les menaces de mort, les têtes coupées… J’ai été anti-islamiste. C’est comme cela que je me suis battu sur les principes de laïcité etc…
« Je suis un peu perçu comme un laïcard mais en fait je ne le suis pas au sens de 1898. Je le suis au sens de ce que je suis aujourd’hui. C’est-à-dire que j’ai une culture catholique. Je suis Chrétien. Je ne suis pas pratiquant mais je n’ai rien contre les Chrétiens. Je considère qu’aujourd’hui tout le monde peut avoir n’importe quelle religion qu’il veut à partir du moment où sa religion n’empiète pas sur le destin collectif d’un peuple. Je suis un laïcard de ce type. Je ne supporte pas que la pensée intime puisse être un élément de la construction de l’organisation politique. »
***
Merci à M. Hamy pour son aide précieuse lors de la préparation de ce portrait.
Merci à M. Jolivet pour sa bienveillance et sa participation à ce portrait.