M. Nicolas Forissier

Un député et la Presse.

Chers lecteurs,

Continuons les bonnes ondes à travers ce nouveau portrait que je me propose de partager avec vous. Après vous avoir fait découvrir le portrait d’un benjamin de l’Assemblée, permettez-moi de continuer ma rencontre avec des élus de la Nation avec cette nouvelle note sur mon blogue. La série de portrait peut ainsi perdurer !

Je vous laisse découvrir le portrait assez incroyable de cette nouvelle personnalité, qui nous vient de l’Indre. Après avoir été battu en 2012, il reprend les chemins des bancs de l’Assemblée nationale en 2017 en étant élu à nouveau député de la deuxième circonscription de l’Indre. Celui qui a été tour à tour aide de camps du Chef d’État-Major des Armées pendant son service militaire, assistant parlementaire, publiciste, gérant d’imprimerie, directeur d’un quotidien régional…

Je vous laisse découvrir avec moi le portrait de Monsieur Nicolas Forissier !

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Monsieur Nicolas FORISSIER – député de la 2ème circonscription de l’Indre – ©Droits Réservés

 

Compte-tenu du contexte pandémique que nous connaissons, la réalisation de ce portrait avec Monsieur Nicolas Forissier a été réalisé dans un café parisien, avec les règles de distanciations sociales en vigueur, le 10 juin 2020.

Bonne lecture !

@romainbgb – 13/07/20

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Bio Express de Monsieur Nicolas Forissier :

*1961 : Naissance à Paris.

*Licence d’histoire à l’Université de la Sorbonne – Paris IV.

*1983 : diplômé de l’Institut d’Études Politiques de Paris.

*1985-1986 : Service national militaire. EDR de Saumur puis aide de camp du Chef d’État-Major des armées au ministère de la Défense.

*1986-1988 : collaborateur d’un groupe de députés à l’Assemblée nationale.

*1988-1989 : commercial au sein de la société Général Médias. Directeur de la publicité au journal Profession politique.

*1989-1992 : responsable de budgets publicitaires au Figaro, ensuite directeur de la publicité de « Business in the USSR » au sein du groupe Hersant.

*1989-1995 : conseiller municipal de La Châtre (Indre).

*1992-2004 : gérant de l’imprimerie George Sand à La Châtre (Indre).

*1992-1997 : gérant de l’hebdomadaire L’Écho du Berry.

*1993-2012 : député de la deuxième circonscription de l’Indre. Membre de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

*1995 – 2017 : Maire de La Châtre (Indre).

*1997-2003 : rapporteur du budget du commerce extérieur.

*2001-2017 : président de la communauté de communes de La Châtre-Sainte-Sévère (Indre).

*2002-2005 : Secrétaire national de l’UMP.

*2003-2004 : président du conseil d’administration d’Ubifrance – à l’époque le Centre français du commerce extérieur.

*2004-2005 : Secrétaire d’État à l’Agriculture, à l’Alimentation, à la Pêche et à la Ruralité du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin.

*2006-2007 : délégué interministériel à l’Industrie Agroalimentaire et à l’agro-industrie.

*2007-2012 : rapporteur du budget de l’Agriculture à la Commission des Finances de l’Assemblée nationale.

*2008 : Secrétaire national de l’UMP, chargé du commerce extérieur.

*2008-2014 : gérant de l’imprimerie George Sand à La Châtre (Indre).

*2009-2011 : médiateur national des agriculteurs.

*déc. 2015 : élu conseiller régional de la Région Centre-Val-de-Loire.

*juin 2017 : élu député de la deuxième circonscription de l’Indre. Rapporteur spécial pour le Commerce extérieur.

*membre du Conseil d’orientation de BPI France.

*président du groupe d’études parlementaires sur les enjeux d’évolution et de conversion de l’industrie manufacturière.

*président du groupe d’amitiés France-Argentine à l’Assemblée nationale.

*membre du Bureau politique du parti Les Républicains.

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A quoi rêvait le petit Nicolas lorsqu’il était enfant ?

« A beaucoup de choses. J’ai toujours été fasciné par l’idée de voyager et de parcourir le monde ; ce que j’ai d’ailleurs fait beaucoup. Ce qui me trottait vraiment dans la tête, c’était de découvrir le monde. Avec l’idée que cette immensité de possibilités était source de bonheur.

« Cela va vous surprendre mais je pensais aussi un jour pouvoir m’investir dans la vie politique de mon pays. Le mot député voulait dire quelque chose pour moi puisque mon grand-père a été député de la Loire, au sortir de la Première Guerre Mondiale. Aux moments des histoires de famille, au coin du feu, on rappelait le souvenir d’autres grands-pères, arrière-grands-pères pour moi, qui avaient été eux aussi députés de la Loire et du Rhône. Il y a peut-être un atavisme. Mais je n’ai jamais été obsédé par ça.

« Je ne sais pas si c’est vrai mais ma mère me l’a toujours raconté. Un jour, je devais avoir six ans, elle m’emmène chez un pédiatre qui me demande : « Alors mon petit garçon, qu’est-ce que tu veux faire plus tard ? » Et je lui réponds, parait-il, du tac au tac : « Moi, je serai ambassadeur ! » Je ne sais pas où j’avais lu le mot ambassadeur. Peut-être tout simplement dans Tintin… mais ça me fascinait, et c’est ce que j’ai répondu. Finalement, tout se retrouve, la politique et les voyages…. Le fond de l’affaire c’est de savoir si l’on va être heureux. A mon avis, c’est à cela qu’on pense quand on est un petit garçon. »

Licencié d’Histoire ; diplômé de Sciences Po Paris. Que retenez-vous de vos années estudiantines ?

« J’ai été pensionnaire pendant sept ans chez les jésuites à Reims. J’ai fait mon Hypokhâgne à Reims mais mes deux Khâgnes à Janson de Sailly à Paris. Quand j’y suis arrivé, c’était un peu du Balzac. Le jeune Rastignac qui part de sa province, qui arrive à Paris et part à la conquête du monde. Cela dit, avec beaucoup d’illusions qui tombent mais aussi, comme je l’ai dit tout à l’heure, le rêve d’enfant qui commence à se réaliser.

« Cette période pour moi se traduit par beaucoup de rencontres ; une période très intéressante du point de vue intellectuel. En Khâgne et a fortiori à Sciences-Po rue Saint-Guillaume. Il y a aussi des aspects de la vie privée qui font que l’on murit. Pour répondre à votre question, c’est ce que j’en retiens.

« C’est cette période qui me permet de nouer les premiers contacts concrets avec la politique. J’entre dans les syndicats étudiants. Je rencontre des hommes politiques. C’est un passage, une mutation. J’ai eu l’impression d’élargir mon esprit, de franchir différentes étapes d’entrée dans la vie.

« C’est aussi la découverte de la vie intellectuelle parisienne. Une très belle période mais qui laisse un sentiment d’inachevé. Car je ne suis pas dans l’action. Et c’est l’action qui m’intéresse. A quoi rêve le tout jeune homme ? Il rêve d’être son propre patron et de créer son entreprise. Il rêve, peut-être un jour, de faire de la politique et d’être un élu. Il faut transformer ce rêve. Je suis loin d’être le seul pour qui la période estudiantine n’est pas une période d’achèvement mais d’inachèvement. C’est un passage. Il faut aller plus loin. »

Vient l’heure du service national militaire, qui dans la foulée vous emmènera, déjà, à l’Assemblée nationale comme assistant parlementaire d’un groupe de députés.

« J’avais un grand-père général, très attaché à la chose militaire. Malheureusement il est mort un peu avant. Il voulait que je sois officier ou médecin. Évidemment, on s’entendait moyennement. J’ai toujours regretté qu’il ne puisse pas voir que j’avais été élève officier à l’École de Cavalerie de Saumur.

« On en sort Aspirant puis Sous-lieutenant. On a une formation de quatre mois, plus la préparation militaire avant, ça fait cinq mois, c’est dur mais très stimulant ! J’en garde un excellent souvenir. C’est un moment à part, là aussi. On rencontre des gens qu’on ne connait pas avant ; issus de milieux très différents. C’est une école d’officiers donc il y a une certaine émulation, d’autant que j’étais dans la section des commandos. C’étaient des exercices tous les jours, des raids, du sport.

« A la fin, je me retrouve Aspirant au 2ème régiment de hussards à Provins, en charge de quarante appelés, dont beaucoup venaient de Nouvelle-Calédonie. Ca ne dure pas longtemps car je suis appelé au ministère de la Défense. Je ne l’avais pas imaginé. C’est vraiment un concours de circonstances. Ils m’ont sélectionné et j’arrive en finale pour être l’aide de camp du Chef d’État-Major des armées., à l’époque le Général Jeannou Lacaze, personnalité impressionnante à laquelle succédera le général Jean Saulnier, dont j’appréciais les grandes qualités humaines. Je suis resté à Provins quinze jours, pour me retrouver ensuite Boulevard Saint-Germain à Paris, en charge du quotidien, de l’agenda, de la sécurité du Chef des armées.

« Ce qui me permet d’entrer dans le monde du pouvoir de façon accélérée ; c’est une chance inouïe. En même temps, je découvre que derrière l’idée que l’on se fait du pouvoir, l’Élysée, Matignon… il y a toujours les vulnérabilités humaines, entre obsession du pouvoir et fragilité du pouvoir. C’est aussi l’engagement des idées, l’engagement pour son pays et la façon dont on va le traduire en actes. Comment fait-on pour faire progresser la France ? Je découvre cela comme une petite souris pendant les neuf mois que je passe là-bas.

« C’est l’époque malheureusement où il y a les premiers attentats d’Action Directe… Il y a des morts. Il y a des roquettes qui sont envoyées. La voiture officielle du Général, qui est une cible, est blindée. On ne prend jamais le même itinéraire. J’ai vingt-quatre ans et je me retrouve plongé là-dedans. C’est une école extraordinaire. On est tout de suite dans l’essentiel. Je n’en prenais pas conscience ; je m’en rendrais compte plus tard. Ça vous fait mûrir très vite. Cette période m’a beaucoup aidé.

« A la fin de mon service militaire, nous sommes en mars 1986. Je suis dans l’Indre pour participer aux élections législatives comme militant. Dans la foulée, j’entre à l’Assemblée nationale… Comme assistant pour coordonner le travail parlementaire de plusieurs députés. Je ferai ça, de mémoire, jusqu’à l’automne 1987 et le lancement du journal Profession Politique, dirigé par Gérard Carreyrou et Nicolas Crespelle, et dont je deviendrai Directeur de la publicité.

« Mais avant cela ; c’est le travail d’un assistant parlementaire qu’il faut assurer, sachant que je travaillais pour quatre députés, et je devais aussi coordonner les actions collectives que menaient un groupe de députés, ces quatre-là plus d’autres, membres du Parti Républicain, à l’époque, derrière François Léotard, Alain Madelin et Gérard Longuet. C’étaient des personnalités, comme Dominique Bussereau, Philippe Vasseur, Gilles de Robien etc…On coordonnait le travail ; les propositions de lois, les amendements et les interventions, les opérations à monter…

« Je vais faire ce travail passionnant pendant un an et demi, tout en me disant qu’il faut que j’aille assez vite dans le privé et que je réalise mon autre rêve qui n’est pas seulement la politique, mais l’entreprise. »

Que retenez-vous de vos années de publicitaire au Figaro et au sein du groupe Hersant ?

« Je veux vous dire que cette période, entrepreneuriale, au groupe Hersant, est aussi un moment très important pour moi. Je commence comme commercial au Figaro puis, deux ans après, je vais être nommé directeur de la publicité d’un journal russe, Business in the USSR. Une édition russe et une édition anglaise, cent quarante mille exemplaires par mois. C’était l’équivalent de Fortune mélangé à L’Expansion.

« C’est une parenthèse extraordinaire là encore. Comme dans d’autres moment de la vie où il faut conquérir pour avancer. Encore une fois, sans a priori ; j’en n’ai pas. Je pense qu’il faut être ouvert à tout et à tout le monde, ne jamais s’enfermer. Vous me parliez du « rêve d’enfant » : c’est peut-être une forme de réponse.

« Lorsque l’on arrive en Russie, là aussi j’apprends et ce sont des choses formidables. Je m’en rappellerai toute ma vie. J’étais encore un jeune commercial. On vient de m’envoyer dans les bureaux de ce nouveau journal que Robert Hersant va lancer en Russie. J’arrive à l’Hôtel Savoy à Moscou. Il y avait des Russes, nous étions quelques Français, cinq ou six je crois. Il faut savoir que c’était, à l’époque, le seul hôtel rénové à l’occidentale, qui venait de rouvrir à Moscou. Tous les autres étaient encore très « soviétiques ». On entre dans la suite de Robert Hersant qui se trouve assis sur un fauteuil, de dos. Je me dis : « C’est Citizen Kane qui veut conquérir la Russie ! »

« C’est exactement le discours qu’il tient ! Robert Hersant était un personnage incroyable, digne de roman. On lance le journal. Je m’occupe de la publicité. Je fais partie d’une équipe resserrée, c’est passionnant. Une semaine par mois j’allais à Moscou avec un de mes amis, le directeur international, qui s’appelait Jean-Charles Abeille. C’est alors la fin de la Russie soviétique … Je vis en direct le coup d’État de Boris Eltsine. C’est très formateur ; à nouveau, ça m’ouvre beaucoup au monde.

« Il faut savoir qu’auparavant j’avais été vice-président d’une association de jeunesse politique européenne qui fédérait les branches jeunes des partis politiques de la droite et du centre. Ceci pendant mes études, entre 1982 et 1984-1985. C’était le DEMYC (Democrat Youth Community of Europe). Nous étions avec les jeunes conservateurs anglais, les jeunes de la CDU allemands… La Russie, c’est le prolongement de l’ouverture au monde débutée dans ces années-là.

« Cela aura un impact ensuite sur ma conception de la politique. Je considère, très concrètement, que le débat politique français aujourd’hui est tellement « hexagonal » qu’il nous met en danger. On ne tient pas compte du fait que la France est dans un monde extrêmement ouvert et concurrentiel. On devrait privilégier les comparaisons internationales, on préfère les analyses autocentrées ! C’est un vrai sujet, cela. Il est plus que temps de bien regarder autour de nous ! »

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Monsieur Nicolas FORISSIER – député de la 2ème circonscription de l’Indre – ©Droits Réservés

La Presse et les Médias : une envie de communiquer ?

«Je suis quelqu’un qui communique, oui. C’est la ligne médiane, professionnellement parlant, de mes engagements. En effet, je reprendrai après un journal et une imprimerie.

«Déjà au collège, j’étais délégué de classe en 4ème ou en 3ème, je réalisais des journaux pour ma campagne et je les affichais. Mes copains trouvaient ça marrant. Je mettais les informations de la classe. Bien plus tard, dans toutes mes fonctions, je me suis toujours battu pour que le monde agricole et le monde rural communiquent plus – et surtout mieux – afin de conjurer le risque de l’enfermement. Idem pour mon territoire de l’Indre et du Berry. Le développement économique passe par un véritable effort d’image et de communication, dans la durée. »

En 1989 vous êtes élu conseiller municipal à La Châtre. Comment avez-vous vécu cette première élection ?

« Plusieurs amis me disent qu’il faut que j’y aille, notamment mon grand ami Pierre-Marie Audebert, le patron de l’hôtel-restaurant Le Lion d’Argent. On va voir le maire sortant, Maurice Tissandier ; un chirurgien, qui a longtemps été député. C’est un Monsieur merveilleux, que j’aime beaucoup. Il me dit qu’il a besoin de moi. C’est pas mal d’avoir un jeune homme qui a travaillé à l’Assemblée, qui connait un peu Paris, qui a quelques relations.

« J’entre au conseil municipal. Je n’ai ni arrières pensés, ni idées préconçues. Je veux juste m’impliquer pour cette ville. Je me dis « un jour peut-être je ferais de la politique ». On verra.

« En 1992, j’ai avancé ; je suis délégué départemental de l’UDF. Et je suis choisi pour être sur la liste des régionales. Maurice Dousset, le président de la Région Centre et député du parti Républicain me pousse et me soutient. D’ailleurs je ne suis pas resté dans mon coin, je suis allé le voir. Je me suis battu. Je n’étais pas parti avec l’idée d’une carrière politique, mais ça commence à se construire. Je serai candidat aux régionales sans chercher à m’imposer face aux notables. J’accepte de ne pas être en position éligible. Mais je préviens que je serai candidat aux élections législatives de 1993, l’année suivante. Tout le monde me dit oui, sans écouter la fin de la phrase…

« Je ne peux pas nier que je voulais faire de la politique mais je n’avais pas prévu de le faire comme cela, ni dans l’Indre. Mon origine familiale est pour partie dans le Berry mais aussi dans la Loire. La Loire était en apparence plus facile, parce que plus à droite ! Finalement les circonstances font que je serai élu député dans l’Indre.

« Je me dis qu’à mon âge c’est plus chevaleresque d’aller se battre contre André Laignel, un ministre socialiste, très bien implanté, qui fait peur à tout le monde, plutôt que d’essayer d’entrer en concurrence avec d’autres candidats de droite pour reprendre une circonscription de droite, comme la septième de la Loire. Je fais alors le choix définitif de l’Indre. »

Dans la foulée, vous devenez gérant d’une imprimerie. Un élu qui aime la Presse ?

« Il faut respecter les médias comme les médias doivent respecter les politiques. Ils sont dans des positions très différents. Les médias observent, commentent, analysent. Ils ne sont pas dans la décision, dans l’action contrairement aux politiques. Pour ma part, je préfère être dans l’action !

« C’est le rôle des politiques : ils sont dans l’action, la décision, dans la gestion d’une collectivité, d’un gouvernement, du pays. Ils doivent être transparents. Ils doivent aussi accepter le travail d’analyse des médias. Le recul et le respect sont nécessaire des deux côtés. Ni la politique ni le journalisme ne sont des fins en soi, les uns doivent comprendre les autres. Et il faut savoir accepter la critique, si elle est constructive !

« En 1992 je suis toujours au groupe Hersant comme directeur de la publicité de Business in the USSR. Le journal l’écho du Berry, dans la ville où j’ai été élu conseiller municipal en 1989, est en faillite. Il perd énormément d’argent. L’imprimerie qui allait avec est aussi en faillite. Pour moi, il n’est pas possible que ce journal disparaisse, c’est l’un des deux plus vieux journaux de France (1819), avec La Voix de la Corse. Je me dis qu’il faut que je reprenne ce journal, qu’il fait partie du patrimoine local.

« Je discute avec les salariés de l’imprimerie, avec l’un des contremaîtres, qui deviendra un copain, Guy Chabenat. Nous allons alors nous associer et déposer une offre. Pendant un an je me bats contre un grand groupe de presse (ndlr : La Nouvelle République) pour le reprendre. Ce groupe est présidé à l’époque par Jacques Saint-Cricq, que j’apprécie beaucoup mais qui a une vision différente. Dans l’univers concurrentiel de la Nouvelle République, l’Écho du Berry était sûrement un peu gênant. Je n’ai pas un centime. Je vais voir des banquiers. Je me fais aider par un ou deux amis. Je reprends à la barre du Tribunal de Commerce ces deux entreprises, je m’en rappellerai toute ma vie : c’était le 16 décembre 1992. Un journal, qu’il faut continuer de faire publier la semaine suivante. Une imprimerie, qu’il faut faire tourner. Je reprends sept salariés sur les quarante. Je suis fier et heureux qu’aujourd’hui ces deux entreprises soient en vie, avec de très bons dirigeants et près de quarante salariés…

« Tout s’accélère alors car je suis aussi candidat aux législatives de mars 1993. En novembre 1992, j’annonce ma candidature. Je n’ai pas encore l’investiture mais je placarde déjà mes affiches dans toute la circonscription : « Une force neuve pour l’Indre ». En même temps je finalise l’acquisition de l’imprimerie et surtout du journal. Ma femme Florence travaille à Paris. On fait l’aller-retour toutes les semaines. Elle me dit : « Si tu fais cela, c’est moi qui vais devoir m’occuper du journal. » Je lui réponds, en souriant : « Mais oui ! » Elle accepte. Avec un boulot énorme sur le plan éditorial, sur la rénovation du journal, elle a sauvé l’Echo du Berry et l’a développé de façon remarquable. Moi j’ai géré la SARL, ainsi que le redressement de l’imprimerie. Ayant été élu député, je ne pouvais évidemment pas interférer dans la ligne éditoriale du journal. Mais je me rappelle avoir fixé un principe directeur : « on parle du positif, des gens qui entreprennent, des associations qui se battent, des richesses de notre terroir… L’Echo du Berry doit être un moteur, de fierté et de dynamisme ». Sans Florence au journal et sans Guy à l’imprimerie, nous n’aurions pas réussi. Mais j’ai pris le risque, et il était grand, je me suis engagé en entrepreneur, dans la durée, pour redresser ces deux entreprises et assurer un avenir à nos salariés.

« Il y a un basculement incroyable, en l’espace de trois mois, dans ma vie.

« Je suis allé voir à la même époque, en novembre-décembre 1992, le vice-président du groupe Hersant, qui était mon patron. Je lui demande de me donner trois mois de semi-liberté pour essayer de gagner cette élection, où il n’y a aucune chance que je gagne, c’est contre André Laignel, ministre de Mitterrand. Mais il refuse.

« Je quitte le groupe Hersant. Je reprends les deux boites une semaine plus tard, alors que je n’ai pas un centime. Je suis candidat aux législatives. C’était un moment de conquête, vous voyez. J’étais sans doute complètement inconscient ! Mais la vie, il faut la conquérir. »

En 1993, vous êtes élu pour la première fois député de la deuxième circonscription de l’Indre. Vous le serez jusqu’en 2012. Comment avez-vous vécu ce mandat ?

« En 1993, je suis candidat. Je me rappelle que c’était assez dur. Il a fallu que je me batte pour l’investiture. Je l’ai prise sabre au clair. C’est un autre « passage ». Je reprends ma boite, je démissionne du groupe Hersant, je suis candidat aux législatives. Je prends un emprunt auprès de ma banque et je fais réaliser des grandes affiches, avec ma photo et je mets : « Nicolas Forissier, une force neuve pour l’Indre ». Il n’y a pas un panneau de disponible dans la circonscription qui n’ait pas été couvert dans les quinze derniers jours avant le délai légal interdisant de communiquer. Il fallait faire une campagne avant. Je la fais. Tout le monde se dit : « Il ne manque pas d’air, lui ! » Franchement, ce n’était peut-être pas faux…

« Je suis élu contre toute attente parce que personne ne pensait que ça se ferait, avec un score de 53,4% contre André Laignel. Je fais partie des quelques députés qui ont « tombé » un ministre socialiste. Et j’arrive à l’Assemblée.

« J’ai bossé comme un chien sur mon terrain. J’ai fait ce que j’adore faire, ce qui est la nature même de mon engagement en politique, dialoguer avec les gens ; c’est la relation humaine, la plus essentielle.

« Je fais des tournées de communes systématiques. Je vais dans les manifestations locales. Je prends mon temps, au grand dam de mes collaborateurs qui m’expliquent que je suis toujours en retard. Je suis en retard parce que je prends mon temps avec les gens. Quand vous êtes un élu, vous êtes là pour écouter, entendre et au besoin faire remonter les informations à qui de droit. Qu’il s’agisse de sujets qui peuvent se traduire dans l’action publique, la loi, etc…Ou qu’il s’agisse de sujets particuliers, pour une personne, une entreprise ou une commune, avec une solution à trouver. »

« Si vous n’êtes pas ce passeur, vous n’êtes pas un bon politique. Si vous n’êtes pas à l’écoute des gens, dans l’empathie, vous n’êtes pas un bon politique.  Si vous n’êtes pas dans l’amour, vous n’êtes pas un bon politique. Mon principal défaut en politique, c’est donc qu’il parait que je suis toujours en retard. J’ai beaucoup progressé, je fais vraiment attention. Comme je sais que c’est une forme d’impolitesse, j’ai lutté contre ce défaut. Mais il y a une raison à tout cela. Je suis sur le terrain, dans le département de l’Indre, avec une très grande circonscription. Du Sud au Nord de la circonscription, il faut une heure de route. Avec beaucoup de déplacements. Quand j’arrive à une fête locale, une inauguration, une remise de médaille, une réunion de commune, je prends le temps nécessaire.

« Dans le Berry on dit : « Nicolas il n’est pas fier, lui au moins, il est un peu tazon comme nous. » Ce qui veut dire qu’il tazoune, il boit le dernier verre et continue à discuter pour rien, mais c’est important. Je ne serais pas heureux si je n’étais pas comme cela. Je n’aime pas le côté artificiel des choses. Je déteste l’hypocrisie. Je ne sais pas mentir.

« Alors, j’ai comme tout le monde des tas de défauts, c’est évident. Mais en même temps les gens me disent : « Au moins, lui, il est là ! » J’ai été élu cinq fois sur six élections. Je ne suis pas tant que cela à côté de la plaque, non ?!

« J’ai été battu en 2012 parce qu’il y avait un peu d’usure. Michel Sapin est dans ma circonscription. Je l’aime bien. C’est le meilleur ami de François Hollande. Tout le monde s’est dit à ce moment « il faut que l’on aille à gauche, Sapin ça va nous aider, etc… » C’est inévitable, ça a beaucoup joué ! Il y a eu une démission de mon propre électorat avec lequel j’avais, peut-être, perdu un peu le fil. Mais aussi qui n’y croyait plus et qui pensait qu’à gauche Michel Sapin allait beaucoup peser, que ce serait profitable pour le département, et que cela ferait gagner la candidate socialiste. J’ai perdu. J’ai accusé le coup pendant deux mois, j’ai respiré, puis je me suis mis à fond dans la gestion de ma ville. J’ai créé une boite. J’ai revendu l’imprimerie pour passer le cap et assurer son avenir. »

En 1995 vous devenez le premier magistrat de La Châtre. Quelle vision avez-vous du mandat de maire ?

« J’étais conseiller municipal depuis 1989. J’entre à l’Assemblée en 1993. Je suis député avant de devenir maire. Dans la foulée, le maire de l’époque, Maurice Tissandier, me fait comprendre que je ne peux pas être « moins qu’adjoint ». Il créé un poste d’adjoint en 1994 pour moi. On discute avec le premier-adjoint de l’époque, Serge Descout, pour se mettre d’accord. Il est aujourd’hui un très bon Président de notre Conseil départemental, et on a toujours su travailler ensemble, en se répartissant les tâches. Ceci sous les auspices de Maurice Tissandier, qui prenait sa retraite aux élections municipales suivantes. On en parle : « Serge, tu iras au conseil général. Et toi, Nicolas, tu deviendras maire. » On s’est mis d’accord là-dessus ; on a fonctionné pendant vingt-cinq ans comme cela.

« Très vite j’ai compris que pour continuer utilement dans la vie politique, il faut de la fidélité et de l’organisation dans ses responsabilités. Je pense que la fidélité, avec une organisation très précise et transparente, c’est essentiel. Quand on a eu des problèmes avec cette organisation, c’est tout le reste qui vacillait. Si on sortait de cet état d’esprit on allait fragiliser tout l’édifice y compris, par exemple, l’état d’esprit du conseil municipal, les équipes locales etc… Il faut bâtir un équilibre intelligent et il faut s’y tenir dans la durée. Ce qui suppose d’avoir un peu d’abnégation et de ne pas penser qu’à soi.

« Quand je deviens ministre, le Président Chirac nous dit « Vous ne pouvez pas être maire et ministre. » Je fais ce qu’il me demande et je démissionne du poste de maire pour devenir premier-adjoint. C’est Serge Descout qui devient maire. Le jour où je quitte le gouvernement avec la nomination comme Premier ministre de Dominique de Villepin, Serge Descout dans la semaine, m’appelle et me dit : « je démissionne tel jour, tu reprends ton poste de maire, je redeviens premier-adjoint. » Beaucoup de gens disaient qu’il ne le ferait pas … Eh bien si ! Cela a toujours été transparent, hyper clair. Je lui en sais gré.

« La mission de maire m’a passionné. C’est sans doute-là que j’ai trouvé la mise en œuvre concrète, achevée, de l’action politique. Je me suis battu, passionné pour ma ville que j’adore. Je la connais par cœur dans les moindres détails, dans les moindres ruelles, dans les moindres recoins. J’ai des idées pour tout. Franchement je me suis beaucoup bougé. Notamment en essayant d’obtenir beaucoup de subventions. En transformant pas mal de choses. Ceci en construisant, c’est là où je veux en venir, une vision politique. Je pense que pour être maire ou président de conseil général ou de région, ou ministre, il faut avoir une vision. Président de la République a fortiori. On n’avance pas si l’on n’a pas une vision à long terme de la société, du territoire que l’on défend, une vision qu’il faut faire partager aux gens pour les entrainer vers l’avenir.

« Ma vision pour La Châtre et son territoire s’inscrit dans une vision plus globale pour le pays, celle d’une société plus harmonieuse et plus équilibrée, plus durable aussi, parce qu’on aura compris qu’il faut cesser d’entasser les gens dans les métropoles et au contraire mieux utiliser notre vaste territoire, retrouver nos provinces en permettant d’y entreprendre et d’y vivre. Mais cela suppose que nos territoires ruraux doivent s’y préparer activement, avec une vision positive et sans tout attendre de l’Etat !

« J’ai toujours pensé que La Châtre devait s’inscrire dans la durée en valorisant ses patrimoines, bâtis mais surtout humains ; la vie associative, le marché du samedi matin… Pas seulement les maisons à colombage et les jolies ruelles, l’histoire, l’immatériel, la culture de notre terroir. J’ai porté un très beau projet autour de Jacques Tati, qui a tourné à quinze kilomètres de là, son premier film, Jour de fête, après la guerre. On n’avait que des souvenirs, très peu d’objets. On a reconstruit un lieu magique avec une scénovision, où viennent beaucoup de gens. Construire à partir des patrimoines.

« Deuxième volet : s’inscrire résolument dans le XXIème siècle. Bâtir les outils de la modernité, de la qualité de vie, de l’attractivité, nécessaires au XXIème siècle. Aujourd’hui il ne manque pas grand-chose à La Châtre pour vivre heureux. C’est comme cela aussi que l’on est la première ville de l’Indre à avoir été entièrement fibrée. Je peux vous dire que pendant le confinement, les gens qui sont venus chez nous n’avaient pas de problème d’Internet à La Châtre, et ont découvert une toute autre vie…

« J’y ai plusieurs autres projets je fais tout cela bénévolement, je ne le fais plus comme maire. Notamment un projet d’école de cybersécurité ; il y a d’énormes besoins dans ce domaine. Je me suis dit, pourquoi on ne le ferait pas à La Châtre ?! C’est certes une ville qui a une belle histoire, c’est surtout une ville tournée vers l’avenir. Il n’y a aucune raison que ce genre d’école, dont on va avoir besoin, ne s’implante pas au milieu de l’Hexagone, dans un milieu rural, dans une petite ville connectée et agréable ! On étudie ce projet qu’on veut lancer assez rapidement.

« Surtout, être Maire, c’est le quotidien, la relation humaine. La grand-mère qui vient vous alerter parce qu’elle ne voit rien le soir quand elle sort dans la rue, car il n’y a pas de lampadaire qui l’éclaire, etc… Ce sont des choses très simple mais c’est la vie ! Pour moi c’était aussi important que le reste, c’est aussi avoir une vision ; construire sa ville et son territoire. J’ai adoré ça. Je l’ai fait pendant vingt-cinq ans.

« On commence enfin à se rendre compte aujourd’hui que la fin du cumul des mandats, imposée par François Hollande et le gouvernement socialiste, est une absurdité totale ! Cela donne des parlementaires hors sol, qui ont chacun une expérience mais ne sont pas ancrés dans le réel au quotidien. On le constate avec certains élus qui ne comprennent plus les réalités du quotidien, des lois trop éloignées des besoins des gens, trop complexes, trop bavardes. Je peux comprendre que l’on ne soit pas maire d’une très grande ville, ou président de région, de département, et parlementaire. Mais pourquoi ne pourrait-on pas être vice-président d’un département ou maire d’une ville de moins de dix mille habitants, comme la mienne de cinq milles habitants dans une agglomération de moins de dix mille habitants ? »

En 2001 vous êtes élu président de la communauté de communes de La Châtre-Sainte-Sévère, jusqu’en 2017. Quel impact pour ce mandat local ?

« Toutes ces années, ce sont celles du développement de l’intercommunalité. Ceci avec beaucoup d’incitations des conseils régionaux et surtout de l’État à créer des intercommunalités, y compris en disant qu’on donnera plus de subventions aux intercommunalités qu’aux communes. L’idée c’est de mieux travailler ensemble, d’arrêter de se disperser. Je pense que c’était nécessaire.

« Je suis celui qui a créé l’intercommunalité de la Châtre-Saint-Sévère, c’est-à-dire en gros trente communes et vingt mille habitants, à partir de différents syndicats qui existaient dans les années 1990, qui n’étaient pas coordonnés. Cette intercommunalité fonctionne bien, mais attention tout repose sur le management dans les communautés de communes.

« Si vous avez une commune trop dominante, un maire trop autoritaire … vous aurez au pire un très mauvais fonctionnement, au mieux un fonctionnement chaotique, donc des frustrations et une moindre efficacité. Si en revanche le président de la communauté de communes est un animateur, un entraîneur, avec une vision du développement du territoire et une écoute des autres acteurs locaux dans un souci d’équité territoriale, cela peut être formidable. Il ne s’agit pas de tout mettre dans la ville-centre. Il y a des communes rurales qui ont des projets, il faut les aider. Si vous êtes dans cette logique ouverte, si vous êtes dans la transparence, alors je peux vous dire que ça entraine les territoires. Je pense que l’on a réussi à avancer, ensemble, avec les gens qui habitent sur le territoire de La Châtre. Pour moi ça été très important, et c’est le pendant de mon action de maire. »

Vous devenez en 2002, lors de sa fondation, secrétaire national de l’UMP. Quel souvenir en gardez-vous ?

« La création de l’UMP, c’est un vrai tournant dans notre vie politique. Avec quelques amis députés de la « jeune génération », dont Dominique Dord, Henri Plagnol, Yves Nicolin, nous avions créé « Les refondateurs » en 98-99. Avec une idée simple : le RPR, les Libéraux, les Centristes, étaient d’accord sur presque tout. Il fallait arrêter les divisions artificielles qui nous empêcheraient de revenir au pouvoir et de servir le Pays. Nous militions alors pour une seule grande famille politique, respectueuse des sensibilités politiques historiques de chacun, mais armée pour arbitrer de façon démocratique, en interne, les choix de fond et de stratégie.

« Nous avons milité activement ! Et cela en énervait plus d’un. Mais plus on s’exprimait plus il devenait nécessaire de prendre en compte ce que nous disions. Cela dit, il y a eu une accélération en 2001. En février, je suis allé voir Édouard Balladur et Alain Juppé, qui avaient publié chacun séparément des textes sur la nécessité de faire l’union de la Droite et du Centre. Cela donnait encore une fois l’impression, en fait, d’une forme de division, alors que ce n’était sûrement pas leur objectif. Je leur ai proposé d’organiser un diner réunissant tous les chefs de nos familles politiques, pour essayer d’avancer. Et ils ont accepté.

« Avec l’aide de mon ami François-David Cravenne, ce diner a été organisé au restaurant « chez Françoise » près de l’Assemblée nationale. Ils étaient tous là ou presque. J’étais assis entre Édouard Balladur et Nicolas Sarkozy. En face, il y avait Alain Juppé et Michèle Alliot-Marie. Étaient là aussi Jean-Pierre Raffarin, Michel Barnier, François Fillon, Jean-Claude Gaudin et une quinzaine d’autres parlementaires. Seuls François Bayrou et Alain Madelin avaient refusé… Je savais aussi que Jérôme Monod, à l’Élysée, que j’ai beaucoup aimé, suivait tout cela de près… Édouard Balladur m’a demandé de conduire le débat, et je me suis un instant demandé ce que j’avais encore fait… !  Mais la discussion a été franche, ouverte, et surtout efficace puisque ce soir-là trois décisions ont été prises qui ont véritablement enclenché la mécanique : la rédaction d’une charte de l’Union, l’appel public d’un maximum de parlementaires et surtout l’organisation au printemps d’une grande convention de l’Union, qui donna effectivement naissance à l’UEM (L’Union en Mouvement). C’était parti !

« Et un an plus tard, l’UMP remplaçait l’UEM, structurant enfin l’Union de la Droite et du Centre et donnant un socle majeur à deux Présidents de la République de notre famille.

« Cette initiative, je l’ai prise aidé de François-David, tout en tenant informés mes amis « Refondateurs ». Et je l’ai fait sans arrière-pensées personnelles, simplement parce que j’étais en colère devant l’incapacité de nos familles à avancer, alors que l’opinion demandait ardemment cette union. Un diner et une initiative, assez inédite mais qui correspondait à ma conviction profonde, ont fait bouger les lignes. »

En 2004 vous êtes nommé secrétaire d’État à l’Agriculture, à l’Alimentation, à la Pêche et à la Ruralité du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin. Quel bilan en gardez-vous ?

« J’ai adoré. J’ai été passionné. Je retiens beaucoup de cette expérience au service de mon pays ; j’en retiens aussi que si on ne prend pas le pouvoir, quand on est ministre, face à  l’administration, on ne fait pas grand-chose. Il faut affirmer le pouvoir du politique. Ce n’est d’ailleurs pas forcément face à l’administration dont on a la responsabilité. C’est plus globalement face au système, avec une forme de « caste bureaucratique » qui a souvent le sentiment que les politiques ne sont que de passage. Quand vous arrivez comme jeune secrétaire d’État, si vous acceptez cela, vous ne faites pas grand-chose. Si ce n’est de la représentation. Vous aurez quelques souvenirs qui seront du domaine de la façade et de l’inessentiel.

« Je suis le seul secrétaire d’État à avoir ce large périmètre de l’Agriculture, l’Alimentation, la Pêche et la Ruralité. Avec finalement presque les mêmes compétences que le ministre. Mon ami Renaud Muselier disait en riant que « le ministre fait tout et moi le reste » ! Quand Hervé Gaymard puis Dominique Bussereau ne pouvaient pas aller à un conseil des ministres européens, c’est moi qui allais à Bruxelles. J’avais en même temps des sujets très précis qui entraient dans mon domaine d’action : enseignement agricole, recherche- enseignement supérieur, affaires rurales, protection des animaux de compagnie et l’industrie agroalimentaire, qui est quand même la première industrie nationale.

« Un exemple concret : Jean-Pierre Raffarin me demande de lancer et mettre en œuvre un plan pour le développement de l’industrie agroalimentaire, car trop peu a été fait depuis trente ans. Il faut doper tout le secteur, le soutenir et lui donner les moyens de son ambition. Je dis à mon directeur de Cabinet et à mon administration ce que l’on va faire. On va travailler à fond avec les professionnels, en réunissant des chefs d’entreprises et pas seulement des fonctionnaires. « Faîtes-moi une liste, vous avez une semaine et on lance ça très vite. » Pour réfléchir à de multiples questions, liées à la formation, au financement, etc… Ils reviennent avec une liste. Il y avait en gros, quatre-vingts pour cent de fonctionnaires et d’apparatchiks de syndicats professionnels, etc… Je leur dis que je veux minimum cinquante pour cent d’entrepreneurs, de chefs d’entreprises, de gens pour lesquels on travaille, de gens confrontés au quotidien aux difficultés de leur activité. Je crois avoir pris symboliquement le dossier et l’avoir lancé sur le bureau ! Il faut arrêter de vivre en vase clos. Ils ont mis trois semaines à me les trouver ; je n’ai pas lâché. Si vous ne faites pas cela, vous n’existez pas.

« L’administration a bien sûr essayé de m’imposer un directeur de Cabinet. Je ne le voulais pas. Je suis allé voir à l’époque le directeur de Cabinet du Premier ministre, Michel Boyon, un ami de très grande qualité, et Jean-Pierre Raffarin lui-même. Un ministre doit choisir son bras droit : j’ai pris un directeur de Cabinet totalement différent. Et j’’étais soutenu par le Premier ministre.

« Si je n’avais pas fait ça, je n’aurais pas pu agir comme je l’envisageais, en privilégiant les décisions à effets concrets, utiles. C’est ce que j’ai pu faire. C’est cela mon souvenir. Il y a eu bien sûr beaucoup de déplacements et de rencontres sur le terrain ; il y a eu beaucoup de décisions à prendre, de dossiers à trancher ou à faire aboutir. Il y a eu une formidable suite de contacts humains, dans ce ministère de la terre, donc de l’essentiel. Il y a toujours des dossiers que l’on doit faire bouger, des entreprises à soutenir, des batailles à mener au niveau européen aussi, … Durant ces presque deux ans, je me suis battu, j’ai agi sans cesse, sans relâche Je crois que ça a marqué. Un jour, Bruno Le Maire, qui a été ministre de l’Agriculture, m’a dit que j’avais laissé un souvenir fort dans cette administration. Je ne pense pas qu’il me l’ait dit pour me faire plaisir ! »

Quels ont été vos rapports avec Jean-Pierre Raffarin ?

« Lorsque j’étais dans son gouvernement, ils étaient excellents. Je le vois très peu aujourd’hui… J’étais un de ses proches. Il était extrêmement attaché à ce qui faisait qu’il était à Matignon. Il me disait toujours : « je procède du président de la République, cela a des conséquences, je serai toujours loyal et fidèle à ce que me demande le président de la République ! » Il n’a jamais voulu se projeter au-delà. Ce qui intellectuellement était très honnête de sa part. »

Le Président Chirac nous a quittés en septembre dernier. Quel souvenir gardez-vous de votre collaboration pendant sa présidence ? Un souvenir à nous faire partager ?

« Je ne suis pas un chiraquien à l’origine, je suis plutôt un giscardien. Je ne viens pas du RPR. J’ai même été élevé dans une famille où l’on n’aimait pas trop le gaullisme et le Jacques Chirac de l’époque. Ceci plutôt pour des raisons liées à la tradition politique de ma famille. Jacques Chirac, je ne le connaissais pas bien jusqu’à la présidentielle de 2002, où je suis intégré à la campagne. Je l’avais croisé avant celle de 1995.

« Je me rappelle d’un diner à l’Hôtel de Ville de Paris avec les jeunes députés pendant cette période-là. Il nous avait dit : « J’ai une chose à vous dire : Un, vous n’avez rien à faire à Paris. Allez dans votre circonscription. Deux, conseil pratique. Quand vous êtes en campagne et que vous passez devant des toilettes, vous y allez tout de suite. Après vous ne savez pas si vous allez vous retrouver à une tribune pendant trois heures sans pouvoir y aller. Trois, il ne faut pas hésiter à manger. La politique et la bouffe, c’est la même chose, c’est essentiel ! » C’était trivial mais drôlement chaleureux. Il prenait des jeunes députés comme moi, Renaud Muselier, Philippe Briand ou Frédéric de Saint-Sernin, et il nous poussait. Il essayait de bien nous faire comprendre que, l’illusion du pouvoir parisien, il ne faut pas y céder. En 1995, comme UDF, je suis dans le camp d’Edouard Balladur. Je fais la campagne du deuxième tour pour Jacques Chirac, je suis content.

« Il y a l’épisode de la dissolution de 1997 qui est une espèce de toboggan hallucinant. J’ai été réélu en 1997, avec480 voix d’avance. Je fais partie des deux ou trois députés qui, selon les spécialistes, n’auraient jamais dû être réélus. Je le suis parce que je pense que je me suis vraiment battu, j’ai beaucoup travaillé durant les années précédentes. J’ai André Laignel contre moi qui n’est pas aimé par beaucoup de gens, qui est jugé dur, faisant des erreurs, ça m’aide. Je suis réélu et après je passe dans l’opposition.

« Je vais alors voir plus souvent Jacques Chirac et en 2002 je fais partie des jeunes députés que l’on fait monter pour accompagner le président dans sa réélection. Je me rappelle que l’on faisait des émissions de télé pour la campagne officielle, des déplacements. Jacques Chirac était vraiment chaleureux. Je découvre un homme et un grand combattant. Quand je serai au gouvernement, j’aurai cette confirmation de l’homme qu’il était.

« Quand je quitte le gouvernement, Jacques Chirac m’appelle à trois reprises dans les quinze jours qui suivent. Il s’occupe de moi ; il veut que l’on trouve une solution. Il ne voulait pas que je sois candidat aux législatives, il restait dix-huit mois, chez moi c’était dangereux. « Je vais m’occuper de toi ! » Il l’a fait. Le poste de délégué interministériel est alors créé [ndlr : à l’Industrie agroalimentaire et à l’agro-industrie] et je vais pouvoir continuer le travail que je faisais au ministère de l’Agriculture. Pour la petite histoire, je faisais partie des trois ou quatre qu’il voulait remettre au gouvernement, dans des secrétariats d’État, quelques mois après. C’était nécessaire pour Jacques Chirac ; il avait ça en tête. Villepin n’a jamais voulu.

« On peut lui reprocher des tas de choses. On peut lui reprocher de ne pas avoir réformé suffisamment la France. Malgré tout je pense qu’il avait un sentiment, une connaissance du pays, de sa fragilité, un amour charnel pour ce pays, qui en a fait un de nos plus grands présidents. Ça se traduisait pour des gens comme moi, des politiques qui travaillaient avec lui, à la fois par une forme d’autorité naturelle mais aussi une grande empathie, une grande sympathie. Il était attentif aux gens.

« Je me rappelle lorsque je n’étais pas encore au gouvernement, un déjeuner à l’Élysée avec d’autres députés. Il arrête la conversation sur un sujet important, se tourne vers moi et me dit : « Nicolas, j’ai une assistante qui va aller habiter dans ton coin, il faut que tu l’aides. » Il suspend tout pour me le demander et après il me demandera des résultats. Cette dame n’était pas ministre ou députée mais simplement quelqu’un qui travaillait dans ses équipes et partait s’installer dans ma circonscription. C’est extraordinaire ! C’était quelqu’un qui avait une capacité d’attention personnelle très forte. Je l’ai vécu personnellement et je lui en serai toujours reconnaissant. »

Et Nicolas Sarkozy ?

« C’est marrant, vous ne m’avez pas encore parlé de Nicolas Sarkozy. J’ai beaucoup d’affection pour Nicolas Sarkozy, même s’il ne m’a pas pris au gouvernement. C’est quelqu’un que j’aime beaucoup, qui a été, lui aussi, extrêmement proche affectivement au moment du décès de ma fille Mathilde, si belle et intelligente, lors du tremblement de terre effroyable de Katmandou, le 2 avril 2015. Il m’a appelé et accompagné dans la durée, avec beaucoup de sensibilité et de simplicité, dans cette épreuve extrême.

« Jacques Chirac était quelqu’un qui avait de l’empathie mais n’était pas un affectif. Nicolas Sarkozy est quelqu’un qui peut paraitre dur mais qui est vraiment affectif. Je pense que c’était aussi un très grand président. Ça commence à se voir et à se dire. Il a une grande lucidité pour le pays et sur ce qu’il faut faire, qui est assez exceptionnelle. J’espère qu’il continuera à nous apporter ses lumières. Pour moi c’est important. Je le vois encore. C’est une fidélité que je voulais rappeler. »

En juin 2017 vous êtes à nouveau élu député de la deuxième circonscription de l’Indre. Estimez-vous qu’une nouvelle période politique se soit créée ?

« Après 2017, il y a une sorte de bouleversement. Il faut rappeler que je ne suis pas à l’Assemblée pendant le mandat 2012-2017. Je suis dans une parenthèse qui me permet de me ressourcer complétement. Je me concentre sur La Châtre ; j’entre en décembre 2015au Conseil Régional. Je continue à développer mon entreprise. Et je veux revenir à l’Assemblée.

« Mon entrée au Conseil Régional est une étape importante, et passionnante, dans ma vie politique. Il s’agit de transformer à l’échelle d’un vaste territoire, qui regroupe six départements et près de trois millions d’habitants, l’expérience acquise comme maire et président d’intercommunalité. Je vais me donner à fond dans cette nouvelle fonction. J’aime ma Région, non seulement parce que j’y défends les dossiers du Berry mais aussi parce qu’elle est riche d’une diversité de territoires, parfaitement exceptionnelle, au cœur de la France. Toute une symbolique pour l’engagement politique qui est le mien.

« Je suis réélu député en 2017, sans doute pour deux raisons. Parce que je suis resté fidèle à mon territoire, aux gens. J’ai continué à faire le travail sur le terrain même si je n’étais plus député. Et j’ai gardé une ligne politique positive. J’ai même mis sur mes affiches : « Constructif avec la majorité présidentielle ». Fort de ses convictions et constructif. Mon slogan, c’était « mon pays passe avant mon parti ». C’est quelque chose qui est ancré en moi.

« Je pense que la situation de la France nécessite plus que jamais qu’on sorte des méandres de la politique politicienne ou trop liée à la conquête du pouvoir, à la jalousie envers ceux qui ont pris le pouvoir … Je me méfie cependant du terme d’union nationale. Qu’on essaye déjà d’être beaucoup plus aptes à travailler ensemble, au moins sur des bases communes ! Comment fait-on pour restaurer la compétitivité du pays ? Comment fait-on pour avoir une meilleure dépense publique, plus efficace ? Pour arrêter la fuite en avant de la dette ? Comment fait-on pour retrouver une réelle concorde nationale ?

« C’est là pour moi la vraie ligne de 2017. Ça suppose que les gens dans l’opposition comme moi, fidèles à leurs convictions mais libres, fassent ce travail d’ouverture constructif, ne soient pas dans une opposition systématique, déposent des amendements, votent des textes du Gouvernement parce qu’ils vont dans le bon sens, comme je l’ai fait ces derniers temps… Mais cela suppose aussi que la majorité soit dans ce même état d’esprit. Ce qui n’est pas toujours le cas, malheureusement. C’est mon grand regret. En clair, la majorité nous demande d’être constructifs mais ne prend jamais nos amendements, Est-ce la meilleure façon d’agir ?

« Je l’ai dit à Édouard Philippe, que j’aime beaucoup par ailleurs. Je trouve que ça mériterait d’évoluer. Est-ce que ça sera le cas dans le deuxième acte du quinquennat ? Je n’en sais rien mais pour l’instant c’est un peu déséquilibré. Il y a beaucoup de députés En Marche qui sont d’accord avec moi là-dessus ; qui trouvent que la ligne politique est beaucoup trop bloquante par rapport à l’opposition constructive. »

Comment avez-vous organisé votre confinement ?

« J’ai eu l’immense chance d’être dans le Berry, qui est certainement l’un des plus beaux territoires du monde, avec une magnifique campagne, un très beau printemps. Ma maison, mon jardin, mais surtout, mes trois enfants ! Ils étaient tous là alors qu’ils ont 28 ans – Jeanne, 21 ans – Victor, et 12 ans – Alexandre. A mon petit dernier qui est en 5ème, j’ai fait l’école. Ce qui me permets de rendre hommage plus que jamais aux enseignants ; ce n’est pas facile comme métier. Un moment assez exceptionnel puisque l’on était tous ensemble. Mais j’ai conscience d’avoir eu beaucoup de chance par rapport à nombre de nos compatriotes.

« C’était un très beau moment, qui fut tout de même très actif, puisqu’on a été évidemment sur le pont par Internet, en visioconférence etc… Ceci pour essayer de défendre encore plus les urgences du territoire. Un entrepreneur qui vous appelle en vous disant qu’il ne sait pas comment il va faire ! Des problèmes dans la distribution des masques, les EPHAD etc…C’est le rôle du député, il essaie de faire avancer les dossiers, de lever les blocages, appeler le préfet, trouver une solution, alerter. Mais il est aussi là pour faire remonter la réalité des problèmes et obtenir leur résolution.

« Les Républicains se sont beaucoup inscrits dans cette optique constructive, il faut le noter. Par exemple en disant au gouvernement, attention vous avez dit 70% de perte de chiffre d’affaires pour pouvoir accéder au fonds de solidarité, ça ne peut pas fonctionner. C’est au minimum 50%, puis il faudra faire cela proportionnellement. Le Gouvernement a entendu, bougé, fait évoluer, et nous y avons concouru. Je pourrais prendre d’autres exemples. L’idée, c’était de montrer la réalité du terrain pour adapter profession par profession, sujet par sujet, les mesures à la réalité. »

Quel regard portez-vous sur la pandémie mondiale qui nous touche ?

« Je pense qu’elle est inévitable dans un monde, qu’on le veuille ou non, qui est global. Tous ceux qui disent que c’est la faute de la mondialisation, sous-entendu qu’il faut se refermer à l’intérieur de nos frontières pour se protéger, ont bien tort de le dire. De toutes les façons, le monde restera ouvert ; pas simplement via Internet. Les peuples ont envie de voyager, de s’ouvrir, de découvrir les autres. On ne peut pas dire à la fois qu’il faut défendre l’industrie touristique française – qui reçoit près de quatre-vingt-dix millions de visiteurs l’année dernière, qui fait de la France la première destination touristique au monde- et dire non à la globalisation, ou que la mondialisation c’est scandaleux… Un peu de cohérence !

« Un mot sur la gestion de la crise sanitaire que nous venons de vivre : il y a eu beaucoup d’erreurs, mais aussi une mobilisation massive. Toutefois, je reste consterné par certains politiques qui n’ont cessé de critiquer ou de donner des leçons. Auraient-ils fait mieux ? La réalité, c’est que l’Etat était dans une totale impréparation et le quinquennat de François Hollande en porte une large responsabilité. Il faut en tirer les leçons urgentes pour l’avenir.

« Mon regard sur la pandémie, c’est qu’il ne faut pas nier les faits – le monde est ouvert, sachons en tirer les enseignements. Agissons de concert entre les nations, en particulier au sein de l’Union européenne, pour prévenir ce genre de problème ; pour corriger, pour soigner. A l’avenir pour que l’on ne soit plus dans des situations telles qu’on les a connues. C’est vrai très concrètement en termes médicaux avec les productions de masques et le système de santé mais c’est vrai aussi en matière de coopération avec les autres pays sur la recherche scientifique, sur la détection des risques, sur l’évolution des mentalités.

« La consommation non contrôlée de viande animale, y compris celle de contrebande, est aussi un vrai sujet. Le pangolin, si c’est bien cet animal qui a été vecteur car rien n’est moins sûr, ce n’est pas un hasard. Je suis très attaché à ces questions-là. Lorsque vous voyez les espèces qui sont en train de disparaitre parce que l’on continue à faire croire que c’est aphrodisiaque ou je ne sais quoi, on ne peut que vouloir se battre contre ça… Tout entre en ligne de compte, tout est corrélé.

« C’est aussi une attention particulière aux problèmes du développement. Pour l’instant l’Afrique est passée à peu près au travers mais on ne sait pas ce qui va arriver ensuite. A mon avis, d’ici un ou deux mois, on aura vraiment les chiffres. Je pense que c’est beaucoup plus grave à terme qu’on ne le dit.

« La France doit faire un effort considérable pour maîtriser sa dépense publique. Maîtriser son laisser-aller, son endettement facile, qui n’est plus possible, pour retrouver des finances publiques saines. Travailler plus, parce que l’on ne travaille pas assez, globalement, par rapport aux autres pays. On peut annoncer tous les chiffres que l’on veut, c’est la réalité !

« On ne sortira des conséquences de cette crise que si on travaille davantage en volume. Ce qui veut dire, aussi, que les gens qui travaillent plus soient mieux payés ! On est d’accord. Je ne suis pas pour travailler plus sans gagner plus. Les deux sont liés sinon vous n’entrainez pas le pays. La mesure préconisée par Nicolas Sarkozy sur les heures sup’ défiscalisées et désocialisées sans plafond, était une vraie solution qui aurait été adaptée à la réalité.

« Pour l’instant on n’entend pas ces discours-là. On vous dit simplement qu’on va ajouter des allocations et des milliards de dettes supplémentaires sur chaque secteur, sur chaque sujet, etc… Mais comment et combien de temps ? On dit que l’on va augmenter les enseignants ou les soignants, mais on ne sait pas comment on va financer. Il n’y a aucun effort sur la réorganisation de l’État. Il faudrait faire un énorme travail de décentralisation, et de déconcentration, dans les territoires, de l’administration. On pourrait en parler des heures…

« Je pense qu’il faut qu’il y ait des efforts considérables dans notre pays qui soient faits sur de nombreux sujets, sans tabou et dans le dialogue. Cela suppose aussi de s’ouvrir davantage au monde, mais pas n’importe comment, pas dans une concurrence biaisée et inégale. Quand j’entends certains discours protectionnistes proposant de s’enfermer à l’intérieur de nos frontière (comme si c’était possible !), quand je vois qu’ils jouent sur la peur du monde singulièrement en cet après Covid, disant c’est la faute de l’Europe, ça me met en colère. En réalité, il n’y a pas eu assez d’Europe ! Elle n’est même pas chargée de la Santé ; elle n’a pas de budget. La plupart des pays n’en veulent pas…Les premiers qui critiquent l’Europe sont les premiers à dire qu’il ne faut pas de budget européen.

« Je pense qu’il faut qu’on affirme ces valeurs-là qui sont européennes, libérales au sens noble du terme. Je revendique d’être un des libéraux du parti Les Républicains. Il n’y en a pas beaucoup. Pour moi, le libéralisme c’est le respect d’un certain nombre de valeurs qui sont celles de l’entreprenariat, de la responsabilité personnelle, de la liberté dans un cadre protecteur des plus faibles, de l’honnêteté intellectuelle sur les chiffres, les faits, et absolument pas du laisser-aller qui n’a aucun sens.

« Le vrai libéral c’est celui qui défend un État fort recentré sur ses missions régaliennes, police, justice, diplomatie, tronc commun de l’éducation nationale, tout en étant très fort aussi sur la régulation. Ne laisser personne au bord du chemin pour que la concurrence soit honnête, pour que les entreprises ou les allocataires ne fraudent pas. Tout le reste, c’est un État bedonnant. C’est ce travail qu’il faut effectuer. Et il faut le faire en étant ouvert au monde.

« Le commerce extérieur c’est vingt-cinq pour cent du PIB de la France. Il faut arrêter les discours politiques qui jouent sur les cordes protectionnistes, nationalistes, sur la peur du monde et sur une mondialisation caricaturée, Il faut expliquer le monde et le conquérir ! Il faut soutenir nos entreprises qui vont arracher des parts de marchés. Il faut envoyer nos étudiants à l’étranger. Il faut développer le volontariat international en entreprise ou le volontariat en mission humanitaire. Il faut le financer parce que des générations entières y gagneront. Il faut former, éduquer, protéger aussi tous ceux qui en ont besoin, il faut soutenir ceux qui innovent. Et défendre ceux qui souffrent. En France, on vit dans le monde ; mais tous les politiques l’ont-ils bien compris ? »

Quel est votre rapport avec les réseaux sociaux ?

« Je les ai découverts. Je ne les connaissais pas bien. Je suis d’une génération politique où il n’y avait pas de réseaux sociaux dans les années 90/2000, Internet c’était le début, dans la pratique de tous les jours. Honnêtement je m’y suis vraiment mis après 2012. Une période de retraite personnelle où je me suis refondé, reconstruit.

« Ma fille Mathilde, le soir-même de ma défaite, m’appelle et me dit : « Papa, c’est formidable, tu es enfin libre ! Tu vas pouvoir faire plein de choses. » Je vais vous l’avouer, cette phrase m’a guidé pendant toutes ces années. Ça m’a beaucoup marqué. Je me suis mis aux réseaux sociaux, peu à peu. Cela a changé ma façon de communiquer.

« Les réseaux sociaux, pour un homme politique, s’ils sont utilisés non pas de façon narcissique mais de façon utile, en passant des messages, en expliquant ses actions, ça modifie la communication politique. Ca la rend plus directe. Il faut y être très attentif. Maintenant, je pense que cela ne suffit pas. Ça ne remplace pas la relation humaine, la présence physique, l’écoute réelle. Ce sont des messages, des formes d’écoute et de dialogue, mais ça ne suffit pas. Pour moi, rien ne remplace les regards, la chaleur humaine, le contact direct et franc.

« Deuxième limite : je suis désespéré parfois, par les bêtises que l’on peut voir circuler sur les réseaux sociaux… De fausses informations, données naïvement ou par manipulation, avec le risque d’induire en erreur des gens qui y croient. Il y a aussi des attaques, déplacées ou injustifiables. Les politiques y sont de plus en plus exposés, ce qui pose aussi un problème démocratique. Chacun doit pouvoir s’exprimer dans le respect de l’autre. Les plateformes doivent veiller à l’équilibre nécessaire entre le droit qui protège et la nécessaire liberté d’opinion. »

***

Un grand merci à Monsieur Nicolas Forissier pour sa franchise et sa bienveillance durant cet échange.

Un grand merci à Madame Pauline Goirand pour sa bienveillance et son aide à la réalisation de ce portrait.

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