Mme Marie-Claire Carrère-Gée

La touche sociale.

Chers Lecteurs,

Continuons nos échanges avec la parution d’un nouveau portrait d’une personnalité politique. Les élections municipales ont pris, à Paris comme ailleurs, le 28 juin dernier. Laissez-moi vous introduire une élue du 14ème arrondissement de Paris, qui a eu plusieurs cordes à son arc avant de se lancer dans la bataille électorale parisienne.

Une personnalité qui est sortie major de sa promotion d’Affaires Publiques à l’Institut de Sciences Politiques de Bordeaux. Elle a connu ses premières missions au Sénat en devenant administrateur de la Haute Assemblée. Le cœur du social et de la santé publique forgeront sa personnalité. Elle sera appelée à la Présidence de la République où elle sera nommée conseillère sociale du Président Jacques Chirac.

Elle deviendra la troisième femme nommée secrétaire générale adjointe de la Présidence de la République. Il faudra attendre à nouveau la Présidence d’Emmanuel Macron pour qu’une femme soit à nouveau nommée à ce poste, en la personne d’Anne de Bayser. Ce qui rappellera certains souvenirs aux lecteurs de « Dans l’ombre des Présidents ».

Je vous laisse découvrir le portrait de Madame Marie-Claire Carrère-Gée !

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Madame Marie-Claire Carrère-Gée, Conseillère de Paris – ©droits résevés

Compte-tenu du contexte pandémique que nous connaissons, la réalisation de ce portrait avec Madame Carrère-Gée a été réalisé au Paon Café, à Paris 7eme, avec les règles de distanciations sociales en vigueur, le 10 juin 2020.

Bonne lecture !

@romainbgb – 17/07/20

***

Bio Express de Madame Marie-Claire CARRERE-GEE :

*1963 : Naissance à Pau (Béarn).

*1982 : Obtention du Baccalauréat.

*1982-1983 : année d’études à Peoria (Illinois, États-Unis d’Amérique).

*1986 : major de la promotion Affaires publiques à l’Institut d’Études Politiques de Bordeaux.

*1989 – 2001 : administratrice au Sénat, notamment à la Direction du budget et à la Commission des affaires sociales.

*1993 – 2001 : Maître de conférences à l’Institut d’Études Politiques de Paris.

*mai 2002 – 2006 : Conseillère sociale du président de la République, Jacques Chirac.

*mars 2004 – mars 2010 : conseillère régionale d’Ile-de-France.

*2006 – mai 2007 : Secrétaire générale adjointe de la Présidence de la République.

*avril 2007 : nommée Conseiller-maître à la Cour des Comptes.

*septembre 2007–fin 2018 : présidente du Conseil d’Orientation pour l’Emploi.

*mars 2008 : élue conseillère du 14ème arrondissement de Paris.

*2009 – 2012 : membre du Conseil scientifique de la Fondation pour l’innovation politique.

*2009 : nommée chevalier dans l’Ordre national de la Légion d’Honneur.

* 2011 – 2018 : représentante de la France au sein de la Task Force du G20 sur l’emploi.

*depuis 2012 : membre du Haut conseil de financement de la protection sociale.

*mars 2014 : élue conseillère du 14e arrondissement de Paris.

*2018 : conseillère de Paris, suite à la démission de Nathalie Kosciusko-Morizet.

*2019 : élue présidente du groupe Les Républicains au Conseil de Paris.

*juin 2020 : élue conseillère de Paris, conseillère métropolitaine du Grand Paris et conseillère du 14ème arrondissement de Paris.

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A quoi rêvait la petite Marie-Claire lorsqu’elle était enfant ?

« De pleins de choses. Et d’ailleurs je n’ai jamais cessé de rêver. Mais, très tôt et avant tout, de liberté, dans toutes ses dimensions. Je viens du Sud-Ouest, des Pyrénées. Je suis née à Pau, j’habitais à Oloron-Sainte-Marie. J’adore les montagnes, mais je ne suis pas alpiniste. Ce qui fascine, dans la montagne, c’est la hauteur, l’aspiration à s’élever avec elle. Mais moi, ce qui me marquait avant tout, c’était la vallée : je rêvais d’un horizon moins encastré que la vallée. C’était moins une affaire d’ambition que de liberté : je voulais voir l’horizon ouvert. »

Major de votre promotion Affaires Publiques à l’Institut d’Études Politiques de Bordeaux. Que retenez-vous de vos années estudiantines ?

« Avant d’être étudiante, juste après mon bac, je suis partie un an aux États-Unis. Ce qui fait le lien avec le premier sujet, la liberté. A une époque où cela ne se faisait pas du tout, j’ai ainsi participé à un programme d’échange et refait une terminale, dans un lycée américain. Je suis partie à des milliers de kilomètres de chez moi sans objectif scolaire. Une année d’autre chose, ailleurs, dans des univers inconnus.

« Je n’ai pas choisi la ville où j’allais séjourner. Je me suis retrouvé dans l’Illinois, dans une ville qui s’appelle Peoria. Ce n’est pas péjoratif de dire cela car j’ai beaucoup d’affection pour cet endroit mais pour faire court, c’est vraiment au-milieu de nulle part. Si les Américains connaissent tous Peoria, c’est à cause d’un diction célèbre : «Will it play in Peoria ?» ; sous-entendu, si un produit, un spectacle, marche à Peoria, il marchera partout, tellement la population de cette ville est représentative de l’Amérique moyenne,. Je me suis retrouvé là, dans une ville plantée au milieu de grandes plaines céréalières, une ville où tout tournait autour de Caterpillar, qui y avait établi son siège social mondial. J’ai beaucoup de souvenirs de cette année-là qui fût un peu une année hors-norme à tous égards, et notamment par rapport à ce que vivaient mes amis qui avaient passés le bac avec moi qui partaient soit en Prépa, soit en Fac… Moi, je suis allé à Peoria.

« Au retour des États-Unis, je suis allée faire mes études à Bordeaux, à Sciences Po. Oui, c’est vrai, j’ai fini major de ma promotion, mais enfin ce n’est pas non plus un Prix Nobel. Je retiens plutôt le fait que c’étaient de merveilleuses années d’études, avec beaucoup de profs magnifiques. J’ai adoré. Sciences-Po Bordeaux, c’était ma maison. J’y étais du matin sept heures jusqu’au soir vingt heures. Quand je n’étais pas en cours, j’étais à la bibliothèque. Quand je n’étais pas à la bibliothèque, j’étais devant la machine à café et on refaisait le monde jusqu’à la fermeture des portes. »

Vous êtes admise au concours d’administrateur du Sénat en 1989. Comment avez-vous vécu cette période ?

« On m’a affecté à la direction de l’informatique et des technologies nouvelles pendant près de trois ans. C’était totalement inattendu : pour moi, le Sénat, ça faisait la loi, pas de l’informatique. Inutile de dire que je n’en étais pas ravie. Mais en fait, cette période a été fantastique : j’ai beaucoup appris puisque l’on a construit toutes les bases de données et les systèmes d’information du Sénat. L’autre avantage, c’est qu’il agissait d’une activité moins envahissante pour mes soirées et mes week-ends que le travail en commission, ce qui m’a donné du temps pour ma passion, la musique : jouer du piano, beaucoup de piano, et organiser des concerts pour promouvoir de jeunes artistes ayant remporté des concours internationaux.

« Ensuite j’ai très longtemps travaillé à la commission des affaires sociales, où je m’occupais de santé, de la sécurité sociale et de la bioéthique On avait un président de commission, Monsieur Jean-Pierre Fourcade, qui était très respecté au Sénat et au delà. Je travaillais avec Lucien Neuwirth, Claude Huriet, Charles Descours. Avec eux, on a fait des choses vraiment importantes, on a construit des législations et des institutions vraiment précurseurs. C’est là où j’ai acquis une culture de santé publique qui ne m’a jamais quittée.

« La prise en charge de la douleur, avec Lucien Neuwirth. Aujourd’hui, cela paraitrait presque banal. Mais on a dû tellement se battre pour que les établissements de santé reçoivent pour mission de prendre en charge la douleur des patients ; qu’il y ait des pompes à morphine dans les hôpitaux ; que les médecins soient formés. C’était un combat culturel autant que législatif. Car il y a seulement vingt ans, on entendait encore des gens, y compris des médecins, dire publiquement que combattre la douleur, ce n’est pas une si bonne idée. Pour une part, cela nous vient d’un vieux fond d’une culture catholique mal comprise: la douleur, c’est bien pour la rédemption. Et la douleur, c’est aussi un très bon outil pour aider au diagnostic. Surtout, la douleur, quand on vient d’être opéré, c’est « normal » : on a été soigné, on peut souffrir. C’est le prix a payer en quelque sorte. Je suis fière d’avoir mené ce combat-là aux côtés de Lucien Neuwirth, qui en avait eu tant d’autres, toujours en avance de phase, et qui ont marqué nos vies.

« Avec Claude Huriet, nous avons œuvré à la création les agences de sécurité sanitaire. C’était juste après le scandale de la transfusion sanguine. Sécurité du médicament, bien sûr, mais aussi celle de l’alimentation. Là aussi, se donner les moyens de garantir la sécurité alimentaire, cela n’était pas tout à fait dans notre culture. Ce sont des idées reçues que l’on commence malheureusement à ré-entendre : si un produit alimentaire a été fabriqué près de chez-vous ça veut dire qu’il est sûr. Eh bien pas du tout ! Ce n’est pas parce que qu’un produit a été fabriqué par des gens que l’on connait et près de chez-soi, qu’il est sûr. Un produit est sûr lorsqu’il a été fabriqué, conditionné et transporté dans des conditions sanitaires rigoureuses !

« Tout cela, nous l’avons fait au travers de combats législatifs, avec des gouvernements d’ailleurs de droite et de gauche. La Commission des affaires sociales du Sénat était très reconnue pour sa forte culture de santé publique, sa créativité, sa capacité à faire avancer les choses, à la fois culturellement et dans la loi.

« Cette culture de santé publique, elle coule dans mes veines. D’où mes réactions récentes concernant l’épidémie liée à la Covid-19 aux mois de janvier et février, alors que je constatais que la gestion de cette menace avait l’air de partir …bizarrement. Aucune annonce concernant les capacités du pays à protéger les soignants et les Français : je ne voyais rien venir. Je m’étonnais.

« J’étais d’ailleurs à mille lieux d’imaginer que cette culture de santé publique, que l’on est nombreux à avoir fait progresser au sein de l’État et dans le pays, s’était effondrée en quelques années. J’étais vraiment à mille lieux de le penser. Qu’ils avaient été jusqu’à détruire les stocks de masques par centaines de milliers. Ce n’est pas possible !

« Parce que mes enfants me reprochaient d’être trop virulente et que je voulais leur montrer mes raisons, j’ai récemment regardé mes notes au Président Chirac entre 2002 et 2007. Chirac savait qu’un jour ou l’autre, une pandémie allait nous tomber sur le coin de la figure. Il avait pris les choses en main. Et il voulait organiser le pays pour que tout soit prêt au cas où, qu’il n’y ait plus qu’à appuyer sur un bouton pour les masques, les vaccins, les traitements. Et cela alors qu’à l’époque, le seul virus qui menaçait – celui de la grippe aviaire – n’était même pas à transmission inter-humaine ! En Conseil de ministres, Chirac disait aux ministres qu’aucun obstacle économique ou budgétaire ne devait être opposé à la nécessité de protéger les Français. Que, peut-être, acquérir des moyens de protection représentait un coût permanent de dix euros par Français, mais que, pour éviter des morts en masse, un cataclysme sanitaire et économique, il fallait les dépenser, il fallait être prêt pour le jour où cela arrive. Cette culture-là s’est effondrée. J’en suis catastrophée. »

Vous devenez en 2002, conseillère sociale du président de la République, Jacques Chirac. Quelle expérience en tirez-vous ?

« L’expérience tout à la fois la plus enrichissante, la plus merveilleuse et je l’espère, la plus utile aux autres que j’ai pu avoir. A un endroit où l’on peut faire bouger les choses. Surtout, j’ai la chance inouïe d’avoir travaillé avec une personne extraordinaire et qui, en plus était président de la République. Ce n’est pas seulement qu’il a imprimé de grandes choses. Toute notre équipe, on a été gâtés pourris de travailler avec lui. Il était à l’écoute de toutes les idées. Il prenait le soin de vous remercier à chaque fois que vous faisiez quelque chose : mais c’est nous qui aurions dû le remercier tous les jours de pouvoir travailler avec lui ! Une personne qui est à la fois un grand président, une personne aussi extraordinaire et un patron aussi remarquable, je crois qu’il n’y en a pas eu d’autres comme lui. La cerise sur le gâteau, c’est que je n’ai rien demandé pour être là. C’est arrivé comme cela. Ce qui est quand même une belle leçon de vie. Je n’ai jamais fait de plan de carrière. Même les circonstances dans lesquelles c’est arrivé, c’est cadeau !

« D’abord il y a eu une place vide [Rires]. Philippe Bas qui était secrétaire général adjoint était devenu secrétaire général. Frédéric Salat-Baroux qui était conseiller social est devenu secrétaire général adjoint. J’avais travaillé beaucoup avec eux pendant la campagne présidentielle de Chirac 2002, où je m’occupais beaucoup du social et de l’emploi. Mais j’avais aussi et peut-être surtout beaucoup travaillé avec eux à titre professionnel, à la Commission des affaires sociales du Sénat, parce que Philippe Bas avait été au cabinet de Simone Veil puis de Jacques Barrot et Frédéric Salat-Baroux était conseiller social au cabinet d’Alain Juppé. J’avais justement travaillé avec lui sur les agences de sécurité sanitaire. Ce sont deux personnalités que j’apprécie beaucoup et pour lesquels j’ai beaucoup d’admiration. Ce sont eux qui m’ont demandé si cela m’intéressait.

« Sous l’autorité de Jacques Chirac, on a réussi à faire des réformes utiles. A l’époque, le pays était beaucoup moins fracturé qu’aujourd’hui mais il l’était déjà. Le président Chirac n’était pas convaincu qu’il était pertinent de rouler des mécaniques en proclamant sans cesse sa volonté de tout réformer à tout bout de champ. Il cherchait à convaincre et embarquer les gens dans le changement plutôt que de leur mettre le pistolet sur la tempe en leur disant : « Rien ne va chez vous, on va tout vous changer !  Y compris réformer contre vous, mais c’est pour votre bien ! ». Dire cela aux Français, ça n’était pas la marque de fabrique de la maison !

« Pour une part, d’ailleurs, c’est ce qui a expliqué que les opposants à Chirac disent qu’il n’a rien fait. Chirac ne revendiquait pas, ne surjouait pas la réforme. Il pensait précisément que ne pas surjouer était le meilleur et le seul moyen de réussir des réformes, dans la durée. Indépendamment de toutes considérations politiques, quand j’entends dire, depuis le début de ce quinquennat du président Macron mais c’est arrivé aussi sous d’autres quinquennats, qu’ils ont fait des réformes gigantesques… comme dédoubler des classes à l’école… Mais des choses de cette ampleur, on en faisait trois par semaine ! On cherchait à faire évoluer la société sans la brusquer. Je trouve que c’était une attitude extrêmement sage, ambitieuse. In fine, quand on fait le total des choses qui ont changé, il y en a eu beaucoup. Que ce soit dans la première partie du quinquennat de Chirac : les retraites, l’assurance maladie, la rénovation urbaine, le surendettement.

« Puis le plan de cohésion sociale, et la lutte contre le chômage, aussi les premières lois de programmation de santé publique, la prévention des pandémies, la charte de l’environnement, le plan santé-environnement la création de la HALDE. On a vraiment fait plein de choses sans conflit majeur. Tout cela a été réglé de façon apaisée. Et ce sont des réformes qui ont été justes. A chaque fois on essayait d’équilibrer ; d’embarquer tout le monde sur la même voie. La lutte contre le cancer, le chantier pour les droits des personnes handicapées : je suis très fière de la petite part que j’ai prise dans tout cela, grâce à Jacques Chirac. » 

En 2006, vous êtes nommée secrétaire générale adjointe de la Présidence de la République. La troisième femme seulement à occuper ce poste. Quel bilan en gardez-vous ?

« Ce n’est pas un poste pour fille ! [Rires] C’est une mission stratégique. On anime tout le travail du cabinet du président, le lien avec le Premier ministre et les ministres, la préparation des conseils des ministres. La période était compliquée. C’était la fin du deuxième mandat du président. Mais on a beaucoup agi.

« A vrai dire, être SGA n’était pas radicalement différent de ce que j’avais fait comme conseillère : j’ai eu la chance que, dès le début, le président me fasse confiance et qu’il m’inclue dans un collectif car sur tous les sujets importants, le Président Chirac s’entourait vraiment d’un collectif. Les séances de relecture de discours sur un projet de réforme, sur un déplacement, même sur les sujets qui n’étaient pas « sociaux », j’y étais tout le temps, comme d’autres d’ailleurs. Surtout, il estimait utile que la personne en charge du social, puisse avoir un regard sur tous les sujets.

« Comme secrétaire générale adjointe, j’étais naturellement plus au cœur de l’action. Je travaillais main dans la main, en particulier avec Frédéric Salat-Baroux et Claude Chirac. On travaillait ensemble depuis très longtemps et facilement ensemble. C’est une fonction qui est stratégique. Il faut préparer l’agenda, le conseil des ministres. Il y a toutes les questions de fond. Il y a le calendrier. Il y a la politique. Il y a tout. C’est le plus complet. Et travailler avec Jacques Chirac ! … »

Le Président Chirac nous a quitté en septembre dernier. Quel souvenir gardez-vous de votre collaboration pendant sa présidence ? Un souvenir à nous faire partager ?

« C’est un souvenir vraiment personnel, qui m’a beaucoup marquée. Un jour, alors que je ne travaillais auprès de Jacques Chirac que depuis quelques semaines, le président m’appelle et me demande de venir le voir tout de suite dans son bureau. Mon sang n’a fait qu’un tour. J’étais inquiète : j’ai passé toutes mes notes en revue dans ma tête en rejoignant son bureau, en me demandant quelle bêtise j’avais faite, quel problème j’avais pu créer…J’étais loin du compte. Il voulait me parler d’une jeune femme, lourdement handicapée, qui l’avait interpellé lors d’un déplacement. Une jeune femme très courageuse, qui à force d’intelligence et de volonté, avait une belle carrière professionnelle, qui luttait chaque jour pour être autonome, et pour qui tout s’était effondré à la suite d’un accident de la route au volant d’une voiture qu’elle avait fait adapter. Cela a duré une demi-heure. Il était président de la République.

« Et pourtant, il a pris une demi-heure pour me raconter, en détail et par le menu, sans une note, toutes les circonstances, tous les événements, toutes les injustices qui avaient marqué la vie de cette jeune fille. Il a fait le lien entre chacun de ces événements et la situation de tant de personnes handicapées. Tout ce qu’il faudrait faire pour résoudre les problèmes de cette jeune femme mais au-delà, pour faciliter la vie et faire respecter tous les droits de toutes les personnes handicapées : le droit à la citoyenneté, le droit à la dignité et à l’autonomie. Il m’a dit tout ce qu’il fallait faire pour cette jeune femme : toutes les personnes, toutes les institutions, toutes les entreprises qu’il fallait appeler, secouer et faire avancer. Au cas où, il a bien précisé qu’il me demanderait des comptes rendus réguliers de tout ce que j’aurais pu faire. J’ai compris que là était l’essentiel. »

#CHIRAC4EVER 

En septembre 2007, vous devenez présidente du Conseil d’Orientation pour l’Emploi, jusqu’à la fin 2018. Que retenez-vous de ce travail ?

« On a fait je crois des choses très utiles avec les partenaires sociaux. Le COE était une instance de dialogue social sur LE sujet essentiel pour les Français et pour la France, l’emploi. Avec à la fois des enjeux immédiats et des enjeux de long terme. L’emploi, c’est vraiment un sujet où il est compliqué de parvenir à des consensus. Tout le monde est de bonne foi. Tout le monde veut créer des emplois. Tout le monde veut réduire le chômage, du MEDEF à la CGT. Mais les gens ne sont même pas d’accord entre eux sur les origines du chômage, alors se mettre d’accord sur les solutions, c’est compliqué !

« De surcroit, c’est un domaine où les compétences sont très éclatées entre l’État, les partenaires sociaux et les collectivités locales : pour être efficace, il faut agir ensemble !

« Or, si vous superposez des désaccords de fond, des divergences institutionnelles et des enjeux politiques ; vous arrivez à un sujet qui ne se démêle pas facilement, où il n’y a pas de consensus aisé. Avec les partenaires sociaux, on a fait un travail formidable, notamment dans des circonstances très graves. Par exemple quand il y a eu la crise financière de 2008, vraiment, on a essayé de proposer ensemble au gouvernement, en urgence, des choses hyper opérationnelles, qui ont d’ailleurs été suivies d’effets.

« Puis de faire un travail de long terme, de réflexion stratégique, par exemple sur les questions d’emploi et de révolution numérique. Savoir comment on fait ? L’automatisation, la robotisation, l’intelligence artificielle.

« Ou encore sur la transition vers une économie plus responsable. Le fait que l’on a envie de produire plus vert, de produire autrement, plus local. Les inspirations des consommateurs évoluent etc… Il y a un discours politique simpliste qui dit que plus c’est vert, plus c’est local, plus ça créer des emplois… Cela n’a rien d’évident en fait et formulé comme ça, c’est même un mensonge! Si ce n’est pas bien fait, si les politiques ne sont pas bien conduites, cela peut au contraire faire augmenter le chômage et diminuer le pouvoir d’achat. Avec les partenaires sociaux, on a travaillé ensemble pour savoir dans quelles conditions ça marche. A quelle condition c’est bénéfique pour la planète, mais aussi pour l’emploi, pour l’économie locale et l’économie française.

« Malheureusement le gouvernement d’Édouard Philippe a décidé de tuer le Conseil d’Orientation pour l’Emploi. Peut-être ne connaissait-il pas nos travaux ou les jugeait-il inutiles. Peut-être n’était-il pas convaincu de l’utilité que, chaque semaine, des responsables de l’Etat et des partenaires sociaux travaillent ensemble sur l’emploi. Peut-être que le dialogue social n’était pas leur culture. Je n’en sais rien. Sur le papier, le COE existe toujours, mais il a été décidé de l’intégrer à France Stratégie, qui au-delà des mots, est une administration. Je crois savoir que depuis 2018, ils ont fait deux réunions, alors que nous en faisions une par semaine. Et ils n’ont pas produit un rapport. J’en ai été très triste, non pour moi – j’avais présidé cette instance depuis déjà dix ans, il était temps de passer à autre chose – mais parce que l’on a renoncé à un outil qui ne coûtait rien et qui était utile, je crois. » 

En 2008, vous êtes élue au conseil d’arrondissement du 14ème à Paris. Comment avez-vous vécu ce moment ?

« J’ai un métier auquel je tiens. Je ne veux pas vivre de la politique. Il n’en n’est pas question. Je veux avoir mon métier. Il faut pouvoir concilier les choses et pouvoir faire son travail, en faisant son travail d’élu.

« Je me suis présenté dans le 14ème parce que, dans ma famille politique personne ne voulait y aller ! [Rires] En vrai, parce que c’est chez-moi, j’y habitais et j’y habite toujours. En 2008, je me suis présenté dans des conditions atroces : j’ai été investie en décembre pour des élections qui avaient lieu en mars. Bertrand Delanoë avait le vent en poupe. Et une triangulaire s’annonçait dans le 14e parce que Marielle de Sarnez n’avait pas voulu s’allier avec Françoise de Panafieu…En outre, au sein des militants, c’était la guerre entre plusieurs camps. Il y avait eu des parachutages à répétition dans le 14e Je crois que j’étais la quatrième candidate en quatre élections…C’était la zizanie.

« J’ai réuni tout le monde et je leur ai dit : « On va faire la meilleure campagne que l’on peut en trois mois ! Ma seule exigence, c’est que vous arrêtiez de vous mettre sur la gueule. A partir de maintenant, on va construire, tous ensemble. On va constituer une équipe, travailler dans la durée et ça finira par passer ! » C’est ce que l’on a fait. Mais ce fut compliqué : comme prévu, Bertrand Delanoë avait le vent en poupe, on a donc eu une triangulaire en 2008. Mais on a fait le travail de fond. Puis en 2014, il s’est passé ce qu’il s’est passé avec Nathalie Kosciusko-Morizet, malheureusement… Je suis resté fidèle à mon arrondissement, qui est celui où j’habite. Je sais qu’il est compliqué. Mais je l’aime, j’aime son esprit villages et surtout ses habitants. C’est donc toujours là où je suis engagée. »

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Mesdames Marie-Claire Carrère-Gée et Rachida Dati – ©Droits réservés

En juin 2020 vous êtes à nouveau élu au Conseil de Paris et à la mairie du 14ème arrondissement. Estimez-vous qu’une nouvelle période politique se soit créée ?

« Ce qui m’énerve, c’est qu’on a des arrondissements, comme le 14ème, qui sont très difficile à gagner et où pourtant, les habitants ont une très forte envie de changement. Et puis hop, vous avez des gens, comme Marlène Schiappa, qui viennent y faire un tour. Ils viennent, ils perdent -elle a fait le plus mauvais score d’En Marche à Paris- et nous empêchent de gagner. Et puis ils s’en vont. Il y avait Cédric Villani aussi : il s’est lui aussi maintenu au second tour, sans fusionner, alors qu’il était évident qu’il n’avait aucune chance. Du coup, nous perdons, et ce député de l’Essonne se retrouve conseiller d’arrondissement du 14e. Le 14ème attire toujours beaucoup de monde ! Cela pourrait prêter à sourire mais moi, cela ne me fait pas rire, pas plus que je ne me réjouis d’avoir battu tous ces gens : il y a tant d’habitants qui souffrent dans le 14ème, il y a une très forte envie d’alternance. Et elle a été empêchée »

Comment avez-vous organisé votre confinement ?

« Avec un ordinateur et zoom, pour pouvoir participer notamment aux réunions quotidiennes avec la Mairie de Paris, pour proposer des idées pour protéger les habitants et pour râler quand je trouvais que l’on n’en faisait pas assez, ce qui arrivait assez souvent.

« Mais aussi, comme tout le monde. Avec un congélateur, l’application Marmiton et beaucoup d’eau de Javel. Et aussi un piano. »

***

Un grand merci à Madame Marie-Claire Carrère-Gée pour sa bienveillance et sa participation à la réalisation de ce portrait.

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