Une éducation Basque.
Ce portrait est dédié à la mémoire de Nicolas Fotouhi.
Chers Lecteurs,
Bonne année 2022. Puisque le dernier jour de janvier est là, je suis encore dans les temps pour vous transmettre chaleureusement tous mes meilleurs vœux de Santé, Amour et Prospérité pour 2022 !!!
Le temps de se mettre en forme avec la parution de ce nouvel entretien-portrait, comme promis je maintiens le lien avec vous. J’espère que cela vous plaira toujours autant et vous permettra de continuer d’écrire ensemble les nouvelles aventures de #LaLettreR.
Nous allons prendre le chemin d’un hémicycle national afin de débuter notre chère galerie des entretiens-portraits. Cette fois-ci dans les couloirs feutrés de la Haute Assemblée du Palais du Luxembourg nous allons partir à la découverte d’une personnalité dont je souhaitais depuis longtemps parcourir avec vous son cursus.
Histoire. C’est au sein de la Faculté de Lettres et de l’UFR d’Histoire de l’Université de Bordeaux que notre interrogé évoluera pour parfaire son parcours universitaire.
L’agrégation d’Histoire en poche, la carrière professionnelle de notre interrogé peut démarrer. Comme il le dit lui-même, depuis la maternelle il n’aura pas quitté l’école, puisque sa carrière professionnelle se fera au sein de l’enseignement secondaire.
Âgé de 22 ans, notre nouvelle personnalité voit le début de sa carrière politique se mettre en place en devenant adjoint au maire de Biarritz, Bernard Marie, en charge de la Jeunesse et des Sports.
C’est dans cette continuité que 3 ans plus tard, en 1992, notre personnalité fait son entrée au sein de l’hémicycle régional d’Aquitaine.
64. Le chiffre magique pour notre interrogé qui depuis 1998 est élu au sein du Conseil Départemental des Pyrénées-Atlantiques. Encore en 2021 où il s’y fait élire pour la 5ème fois.
En octobre 2017, notre nouvelle personnalité fait son entrée au sein de l’hémicycle de la rue Vaugirard. Un nouveau mandat commence pour lui : celui de Sénateur des Pyrénées-Atlantiques.
Je vous laisse découvrir le portrait de Monsieur Max Brisson, sénateur des Pyrénées-Atlantiques.
Dans le cadre pandémique que nous connaissons, la réalisation de ce portrait a été réalisé, dans les conditions sanitaires requises, au sein du Sénat, le 26 janvier 2022.
Bonne lecture !
@romainbgb – 31/01/22
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Bio Express de M. Max Brisson :
*1957 : naissance à Bayonne (Pyrénées-Atlantiques).
*1980 : Concours d’Agrégation d’Histoire ; devient professeur agrégé.
*1989-1991 : adjoint au maire de Biarritz (Pyrénées-Atlantiques) en charge de la jeunesse et des sports.
*1991-2001 : conseiller municipal de Biarritz (Pyrénées-Atlantiques).
*1992-2001 : conseiller régional d’Aquitaine.
*1999 : devient professeur de Chaire supérieure.
*1998-2015 : conseiller général des Pyrénées-Atlantiques.
*2001 : publie 1900, Quand les Français détestaient les Anglais aux éditions Atlantica.
*2001-2008 : adjoint au maire de Biarritz (Pyrénées-Atlantiques), chargé des travaux, de l’urbanisme, de l’environnement.
*2002 : intègre le parti UMP.
*2004-2011 : président de l’Office public de la langue basque (OPLB).
*2009 : devient Inspecteur général de l’Éducation nationale.
*2008-2014 : premier adjoint au maire de Biarritz (Pyrénées-Atlantiques), chargé des travaux, de l’urbanisme, de l’environnement.
*2010 : Chevalier des Palmes Académiques.
*2014-2017 : conseiller municipal de Biarritz (Pyrénées-Atlantiques).
*2015 : devient membre du parti Les Républicains.
*depuis avril 2015 : conseiller départemental des Pyrénées-Atlantiques.
*avr.2015-oct.2017 : 1er Vice-président du Conseil Départemental des Pyrénées-Atlantiques.
*2016 : Officier des Palmes Académiques.
*oct.2017 : élu sénateur des Pyrénées-Atlantiques.
*oct.2018 : devient IGEN Honoraire.
*2019 : devient Vice-président de la Commission de la Culture, de l’Éducation et de la Communication du Sénat.
*depuis juin 2021 : -président du Groupe Majoritaire au Conseil Départemental des
Pyrénées-Atlantiques.
-président de la Commission des Finances
-président de l’A.a.D.T. Béarn Pays basque.
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À quoi rêvait le petit Max lorsqu’il était enfant ?
« C’est une question surprenante, que je ne me pose pas tous les matins. Je pense que j’avais des rêves d’enfants, des peurs d’enfants, des craintes d’enfants. Est-ce que je rêvais de politique ? Je ne sais pas trop. Même si j’ai eu une conscience politique très jeune. J’ai eu une véritable passion pour l’Histoire et la Politique très tôt. Peut-être que je rêvais de Vercingétorix, de Jeanne d’Arc et des images d’Épinal des cours d’Histoire de l’époque.
« Le déclic, il est sur mon premier cours d’Histoire avec cette image d’Épinal de voir cette image des Gaulois, avec le Roman National qui faisait porter à l’époque à l’école. J’ai tout de suite eu une prédilection pour l’Histoire de France, pour tout ce qui touchait à l’Histoire. Ma discipline préférée jusqu’à la fin de mes études. C’est elle qui m’a connecté avec la politique. J’ai adopté très jeune, à un âge où l’on a d’autres passions, une passion pour le Général De Gaulle.
« J’étais un garçon très timide, introverti. J’avais peur des autres, de mon ombre et de moi-même. Je n’étais pas un leader naturel. Comme je n’avais jamais imaginé solliciter ce genre de mandat. J’étais beaucoup sur moi-même.
« Mon engagement politique est jeune et réel, à 17 ans. J’avais passé par le canal de l’école, sauf à la fin au Lycée. Je me rapproche d’un groupe de lycéens qui essayent de défendre une réforme, pourtant de gauche, contestée par la gauche de l’époque, que la droite veut remettre aujourd’hui en cause, c’est-à-dire la réforme Haby créant le Collège unique. En 1975, je créé, avec d’autres camarades de Lycée, un mouvement lycéen. Ce qui nous conduit à aller voir le député UDR de la circonscription de l’époque pour avoir quelques moyens matériels. C’est-à-dire du papier et de quoi fabriquer des tracts. C’est comme cela que je m’engage dans la famille gaulliste via cet engagement de la défense de la Loi Haby fortement contesté par les partis et syndicats de gauche qui se font aujourd’hui les gardiens du temple du Collège unique. »
Que retenez-vous de vos années étudiantes ?
« J’ai fait des études qui m’ont beaucoup plu parce que j’ai fait des études d’Histoire. Comme j’étais issu d’un milieu modeste je n’ai pas combiné cela avec une Licence de Sciences politiques, par exemple. Je ne suis allé qu’à la Fac d’Histoire. Ce qui était à l’époque Bordeaux III, aujourd’hui l’Université Bordeaux-Montaigne. Je me suis destiné à l’enseignement, la question ne se posait même pas. Peut-être que venant d’un autre milieu j’aurai combiné cela avec des Sciences politiques et aurais fait autre chose. Pour moi l’enseignement a été fait de promotion, d’ascenseur social.
« J’ai rarement vu pleurer mon père. Je l’ai vu pleuré lorsque j’ai eu l’agrégation. Lui, avait quitté l’école avec le Certificat d’études et ma mère avec ce que l’on appelle aujourd’hui le Brevet des Collèges, ou quelque chose qui lui ressemblait. J’ai fait des études qui m’ont passionné puisque c’était en lien avec ma passion. Lorsque j’ai passé le Bac, on était dans des temps préhistoriques. Il n’y avait ni APB, ni Parcours Sup. [Rires]
« Je me suis inscrit à la Fac de Lettres de proximité, laquelle était quand même à plus de 200 kilomètres puisque mes parents habitaient le Sud des Landes, à l’époque. J’ai fait des études au sein de l’UFR d’Histoire de la Faculté de Lettres. Ce qui était le fief de l’extrême gauche, avec une politisation extrêmement forte. Les combats se faisaient entre Trotskistes, Maoïstes et toutes les subtilités des formes de Trotskismes et de l’Internationalisme. Un jeune de droite rasait plutôt les murs et ne manifestait pas beaucoup son appartenance politique. Dans ce cadre-là, il fallait traverser l’esplanade des Universités, sur le Campus de Pessac, pour aller à la Faculté de Droit pour retrouver des structures de jeunes gaullistes. La politisation de ma génération était très forte. Elle l’était dans une Université comme Bordeaux III, présidée par un communiste, qui a marqué de son emprunte le monde du journalisme, Robert Escarpit. Fondateur de l’École de Journalisme de Bordeaux et chroniqueur au Monde. Un communiste orthodoxe, que les gauchistes ne supportaient pas d’ailleurs. On était dans une époque où la gauche était puissante dans la jeunesse. Elle était structurée et où la jeunesse française était très militante. 1975-1976-1977. On est dans le post-’68. »
Quelle expérience gardez-vous de votre agrégation d’Histoire ?
« Un travail en profondeur, très intense, qui m’a beaucoup marqué. Je pense que j’ai appris à travailler en préparant l’agrégation. J’ai le souvenir à la fin d’une immense fatigue et d’un immense plaisir. Un immense travail sur des sujets qui n’ont jamais trop servi d’ailleurs dans mon enseignement. [Rires] Dans mon programme, il y avait une question sur le rapport entre les Perses et les Mèdes au VIIème siècle avant Jésus Christ. Ce qui n’occupe pas un espace considérable dans la vie d’un professeur du Second degré.
« J’ai un petit bonheur très égoïste et très égocentré. À l’époque l’on passait le CAPES et l’agrégation en même temps. On n’était pas à l’époque du numérique. Lorsque l’on était reçu à l’agrégation, on libérait un poste au CAPES. On était soi-même chargé d’aller prévenir le président du jury, qui nous donnait à ce moment-là du « cher collègue » [Rires] et qui vous félicitait. C’était donc un souvenir d’avoir fait le chemin entre la Sorbonne, où l’on passait l’agrégation dans le grand amphithéâtre Richelieu, et le Lycée Henri IV où était installé le jury du CAPES d’Histoire. La distance était marquée par une très forte émotion.
« J’ai un autre souvenir de mon concours d’agrégation. Ce n’était pas dans les conditions de mises en conditions qui étaient les meilleurs. On était en bas de l’estrade. Le jury était en haut, en majesté. On avait un tableau noir, derrière soi, qui portait sur un chevalet. Dans un moment d’enthousiasme, en cours d’Histoire moderne, j’ai fait tomber le chevalet, le tableau… Le président du jury était un grand historien de la démographie française, aujourd’hui décédé, Pierre Chaunu. Il m’avait calmé. Il avait été un grand Monsieur. Il avait décompté le temps, parce que les leçons étaient minutées. Il y avait un immense réveil sur le bureau, que le président arrêtait lorsque l’heure de la leçon académique était terminée. »
Comment avez-vous perçu votre expérience au sein de l’Éducation nationale ?
« J’étais un professeur heureux dans le Secondaire. À la fois craint et aimé part mes élèves. J’étais dans la pédagogie frontale. Je n’ai jamais été un adepte de la pédagogie de l’éveil, de la construction par l’élève des savoirs qu’il n’a pas. J’ai toujours pensé que le maître était là pour transmettre et les élèves pour apprendre. J’étais un professeur dont la pédagogie était très frontale mais qui je crois était relativement apprécié de ses élèves. Je ne regrette rien.
« J’ai eu la chance aussi de ne pas rester très longtemps dans l’enseignement Secondaire. C’est-à-dire lorsque j’ai eu 6 ou 7 ans après mon agrégation, dès 1987 de mémoire, une Classe Préparatoire à temps partiel que je couplais avec un enseignement dans le Second Degré. Ce qui a aéré à nouveau ma carrière. Ce qui a nécessité de ma part, à nouveau, un investissement académique important. Ensuite, j’ai eu la chance, 10 ans après, d’avoir un temps plein, un service complet en Classe Prépa.
« Je n’ai pas subi ce que peuvent subir certains professeurs. C’est-à-dire un essoufflement du fait que dans une carrière de professeur on monte en grade, on monte en échelon mais l’on fait toujours la même chose. On peut faire avec beaucoup de plaisir un métier pendant quelques années. On peut perdre ce plaisir. Les voies de la diversification sont réduites. La faible mobilité du corps peut créer une certaine aigreur parce qu’au bout de 35 ans, même s’il on renouvelle son corpus, même s’il on renouvelle ses cours… C’est toujours un cours, une classe, des élèves. Tandis que dans d’autres fonctions publiques, la monté en grade s’accompagnent d’un changement de fonction. Ce n’est pas propre au professeur. Un médecin soigne des grippes toute sa vie. Cela peut en tous les cas participer à une certaine lassitude. D’ailleurs l’on trouve tellement de professeurs dans la vie associative, politique… Ils ont le besoin de s’aérer.
« J’ai eu cette chance d’avoir des renouvellements dans ma carrière. Au bout de 10 ans, d’être nommé Secrétaire général, de faire totalement autre chose, tout en restant dans l’Éducation Nationale.
« Lorsque j’ai vu, de manière générale, le temps passé par les professeurs, pour tenter de laisser les élèves découvrir par eux-mêmes, là où en 3 minutes l’on aurait pu assener 2 ou 3 idées fortes…On mettait 1 heure. Après, on s’étonne que les élèves sachent peu de chose vu le temps que l’on met à leurs faire appréhender 2 ou 3 connaissances issues d’un document qu’ils ne sont pas capable de maîtriser par eux-mêmes.
« Cette prétention qu’à l’enseignement aujourd’hui de vouloir faire en Première ce que l’on peut faire en Licence et de faire en 5ème, ce que l’on peut faire en Première est à mon avis une des causes de l’effondrement de la France dans l’ensemble des classements internationaux. »
Comment avez-vous vécu votre mandat de maire-adjoint puis de conseiller municipal à la ville de Biarritz ?
« J’ai connu ce mandat tout jeune, enfin c’est relatif. J’avais l’âge où Alexandre avait déjà fait ses conquêtes. Jeune conseiller municipal, j’ai connu la majorité avec un maire qui pour moi me paraissait vieux. Il avait 70 ans. Affectueusement, un « vieux maire », ancien député, qui été Bernard Marie. J’étais l’éphémère conseiller municipal, délégué aux Sports, pendant 2 ans. Ceci avant qu’une crise municipale emporte cette majorité et que je me retrouve dans l’opposition.
« Là, je me suis amusé parce que là j’avais déjà, un petit peu, surmonté ma timidité et ma capacité à parler en public. J’ai beaucoup appris en me rodant dans une opposition féroce avec un maire, Didier Borotra, qui avait l’art oratoire inné et toutes les ficelles du métier. J’ai pris souvent des allers-retours extrêmement violents qui ont été très formateur. Je me suis rôdé dans ce rôle d’opposant à une personnalité forte et doublée d’une filouterie assez renommée dans le Sud-Ouest de la France.
« Ensuite j’ai rejoint Didier Borotra. Ce qui m’a value une brouille longue, pour ne pas dire définitive, avec Michèle Alliot-Marie, qui m’a beaucoup reproché ce ralliement. Une sorte de trahison de l’héritage de son père, Bernard Marie. Cela dit elle-même était partie à Saint-Jean-de-Luz… C’était devenu un combat par procuration et pour le compte de tiers, que j’ai mené de 1991 à 2001, pendant 10 ans. J’ai donc estimé que ma fidélité avait été au rendez-vous.
« Je rejoins Didier Borotra pour deux raisons. Parce que c’était un excellent maire de Biarritz, même si le dernier mandat fut peut-être le mandat de trop. Un maire qui avait réveillé cette ville, qui lui a redonné l’aura qu’elle a aujourd’hui et qu’elle n’avait pas dans les années ’80. Ensuite parce que c’était un homme qui était de centre-droit, sénateur UDF.
« Quand la plupart de mes amis politiques, y compris les plus réputés, y compris Philippe Seguin, y compris Alain Juppé, y compris Nicolas Sarkozy, venaient à Biarritz, on y vient souvent lorsque l’on est une personnalité politique, on me disait : « Arrêtes d’embêter Didier Borotra. Didier est un ami. Entends-toi avec lui ! »
« En 2001, j’ai passé le Rubicon et j’ai rejoint Didier Borotra. Je suis devenu l’adjoint, puis le premier adjoint ensuite. J’ai pris beaucoup de plaisir. J’ai appris avec lui comment l’on maîtrise une administration municipale par nature et toujours en résistance, qui tolère le pouvoir politique mais essaye de le canaliser à son avantage. Il faut une main très ferme. Je l’ai appris avec lui. J’ai pris du plaisir dans un champ où je n’avais aucune compétence, qui était le champ des travaux, de l’urbanisme, des aménagements urbains. Ceci à une époque où la Région était importante, où les communes n’avaient pas connu l’époque un peu sombre du Président Hollande et donc on faisait beaucoup de choses. J’ai participé à ses côtés aux transformations de la Ville. »
De 1992 à 2001, vous avez été conseiller régional de la région Aquitaine. Comment avez-vous vécu votre mandat régional ?
« Cela a été éphémère parce que j’ai été rattrapé par le cumul des mandats. J’ai pris du plaisir sur deux secteurs importants.
« À la demande de Jacques Valade, qui était le président de la Région, j’ai animé ce que l’on appelle les groupes inter-assemblées. C’est-à-dire un groupe politico-technique regroupant des élus du conseil régional et des élus du conseil économique et sociale régional, le CESR. J’ai animé le groupe inter-assemblée enseignement-recherche. C’est un 1er point sur lequel j’ai pris de l’appétence sur des dossiers concernant l’enseignement supérieur et la recherche.
« Le 2nd chantier que m’avait confié Jacques Valade est un souvenir assez ému. C’est la restauration et la conservation de la maison du Domaine de Malagar, c’est-à-dire la résidence de campagne de François Mauriac. J’y ai pris beaucoup de plaisir. J’ai découvert, avec le directeur du Centre régional des Lettres, qui était la structure support de Malagar, la maison de François Mauriac à peu près dans l’état où elle était lorsque l’académicien est mort. C’était un Comité présidé par Jean Lacouture, où je représentais la Région. Ce Comité a entrepris la transformation, sans modifier l’esprit de Malagar, pour l’ouvrir au public et pour en faire un Centre littéraire, d’éducation au patrimoine et de rayonnement culturel toujours piloté aujourd’hui par la Région Nouvelle-Aquitaine. »
Vous êtes conseiller général/départemental depuis 1998. Comment percevez-vous votre rôle et votre expérience d’élu local ?
« Je connais la maison de fond en comble. Je n’y exerce plus de fonction importante pour cause de mandat parlementaire.
« J’ai été élu conseiller général en 1998. J’ai été réélu 5 fois, y compris la dernière fois en 2021. Cela commence à faire un très long mandat de conseiller général. J’y ai exercé beaucoup de fonctions. Celle qui m’a le plus marqué dans ma vie politique a été la responsabilité des langues régionales. Puisque le département des Pyrénées-Atlantiques est le seul département de France métropolitaine à abriter deux langues régionales. Je ne pense pas qu’il y ait d’équivalant en France hexagonale. La langue basque était et reste un enjeu politique particulier. J’ai œuvré à l’élaboration de quelque chose qui est inconnu en France, le vocabulaire même est quasi inexistant en la matière, qui est l’élaboration d’une politique linguistique en faveur d’une langue minoritaire sur lequel le département s’est engagé.
« J’ai eu le bonheur d’être le premier président et le président-fondateur de l’outil, qui a fait depuis des émules dans d’autres régions, qui est un office public sous la forme d’un GIP. Un office public de la langue basque, dont j’ai été le président pendant 10 ans, qui regroupe dans un GIP, l’État, la Région, le Département, et toutes les communes du Territoire, remplacé aujourd’hui par la Communauté d’agglomération. Cette réponse aux tensions basques, à la question basque, qui été prééminente à l’époque. Sa survie était un objet de violence politique.
« Parmi mes satisfactions personnelles, lorsque je tournerai la page, il y aura du vivre ensemble et d’avoir apporté de la paix civile sur le sujet et d’avoir créé les procédures qui dénouent aujourd’hui des tensions et qui permettent, à l’école en particulier, d’être un lieu de transmission de la langue. Une langue qui aujourd’hui retrouve chez les jeunes générations des nouveaux locuteurs, qui étaient ceux du début des années ’60. Même si le nombre de locuteurs continue à diminuer avec la mort des générations qui étaient très locutrices. On a aujourd’hui chez les jeunes locuteurs de 20 ans un niveau comparable à ceux des années’60. La grande différence c’est que ce n’est plus la famille qui transmet la langue mais l’école.
« Après comme conseiller général je me suis occupé essentiellement de culture, de Collège, d’éducation. On y revient. Puis, de manière un peu plus surprenante, par rapport à mon profil, de finances. C’est d’ailleurs ma dernière responsabilité importante comme 1er Vice-président du Conseil Départemental. Enfin, je me suis occupé, et je m’occupe aujourd’hui encore, de tourisme. Ceci en tant que président du Comité départemental du tourisme.
« Je conserve après dans les anecdotes, un souvenir très particulier d’une situation politique très particulière de ce Département. On est lors des élections générales de 2008. On se retrouve en situation d’égalité parfaite entre la gauche et la droite. Ce qui a instauré une présidence à l’âge et un président qui était doublement minoritaire. Minoritaire à droite parce qu’il était issu de l’UMP alors que la majorité était Centriste. Minoritaire sur l’ensemble de l’Assemblée puisque l’on était à 26-26. Tout se négociait. J’ai été auprès de ce président d’âge, le conseiller. J’avais une délégation qui était assez surprenante qui était : suivit des dossiers du président. Sans prétention, j’ai un peu exercé les fonctions de président, sans en avoir jamais eu le titre ni la fonction. Je n’étais pas président. Il y avait un président en titre. En tous les cas, j’étais aux manettes à ces côtés avec cette délégation assez surprenante. »
Comment avez-vous vécu la campagne présidentielle de 2017 ?
« J’en ai vécu beaucoup d’autres avant. Vous auriez pu me parler de 1995 et de mon soutien à Jacques Chirac face à Édouard Balladur. Vous auriez pu me parler de 2007 et de mon soutien à Nicolas Sarkozy malgré Michèle Alliot-Marie. Mais puisque vous souhaitez que l’on parle de 2017…
« J’ai soutenu Alain Juppé lors de la primaire de la droite pour plusieurs raisons. D’abord parce que ce qu’il représentait à l’époque correspondait à ma position dans l’échéancier de la droite française : plutôt modéré, de centre-droit. C’est un aquitain. Je le connais personnellement. Troisièmement, dans les déboires que j’ai pu avoir avec Michèle Alliot-Marie, qui appartient à de l’histoire ancienne tout cela, Alain Juppé m’a toujours soutenu.
« J’ai été, comme tous les juppéistes, très déçu des résultats de la primaire. C’était un résultat inattendu même si, on ne va pas réécrire l’histoire, on pouvait en voir les frémissements dans les sondages qui ont précédé le 1er tour. Mais à ce point, aucun institut n’a imaginé la percé fulgurante de François Fillon.
« J’ai été bon soldat. Je me suis rallié à François Fillon, que je connais personnellement. J’ai de l’estime. Je connaissais ses parents. Il se trouve que François Fillon a des origines basques par sa mère. Il avait une maison au Pays Basque où il y venait souvent en vacances. Je me suis donc engagé pour lui, avec une réticence interne que je n’exprimai pas à l’époque. Je ne suis pas sûr que la position politique que prenait François Fillon à l’époque, dans la palette de la droite française, était la bonne pour gagner une élection présidentielle. Ce pays a des traditions. Il y a un certain nombre d’éléments, que l’on peut regretter, qui sont dans le pacte républicain et que l’on ne peut mettre à bas, sans danger. Le service public, la santé publique, la sécurité sociale, la laïcité.
« La droite est diverse et j’en respecte toutes les sensibilités. Toutes. Y compris celle issue d’une droite catholique et plus traditionnelle, conservatrice. Je ne me cache pas du travail que je fais aujourd’hui avec Bruno Retailleau. Je prends du plaisir à travailler avec Bruno Retailleau. Je respecte beaucoup son intelligence et la manière dont il participe au débat. Mais je pense qu’il est toujours dangereux de mettre une bannière trop en avant dans une droite marquée par la diversité. Ceux qui l’emporte à droite sont toujours ceux qui font la synthèse. Ce fut le cas du Général De Gaulle, avec une légitimité très particulière, mais aussi Pompidou, Chirac, Nicolas Sarkozy etc… D’ailleurs, ceux qui aujourd’hui reprochent à Valérie Pécresse une sorte de grand écart, c’est un mauvais procès parce qu’en fait c’est la synthèse des droites. Il faut pratiquer cela. Aujourd’hui d’Éric Ciotti à Xavier Bertrand ou voire même d’Éric Ciotti à Jean-Christophe Lagarde ou Hervé Morin.
« C’est cela l’effet pervers de la primaire. Pour gagner la primaire, François Fillon s’était appuyé sur une droite. Celle de La Manif Pour Tous, celle de Sens Commun. On peut respecter les convictions. Cette droite existe. Il en a eu besoin pour battre Nicolas Sarkozy et Alain Juppé. Cela a marqué son début de campagne. Ensuite il y a eu les affaires, sur lesquels je ne veux pas m’appesantir, qui ont fait que comme d’autres j’ai pris mes distances. Je suis resté loyal jusqu’à la fin. Je l’accompagnais au Marché de Biarritz quand il est venu dans ma ville. J’ai participé au meeting qu’il avait organisé à Biarritz.
« Je pense que si l’on regarde la décrue de François Fillon, elle débute avant les affaires. Alors qu’à l’époque la droite est haute. Il y a une attente de droite. Finalement l’électorat de droite après la primaire a été chercher le candidat que le reste du pays ne voulait pas obligatoirement et a rejeté le candidat que le pays attendait, qui était Alain Juppé.
« Je comprends que Christian Jacob ait été hostile à la Primaire. Je me sens assez proche de ses convictions. Il est profondément gaulliste et chiraquien. Je suis profondément gaulliste et chiraquien. Je comprends les appréhensions qui étaient les siennes. Le Congrès a permis finalement un choix éclairé parce que les militants ont une maturité politique plus forte que le reste de l’électorat que l’on appelle. Le parti politique c’est aussi fait pour synthétiser, pour filtrer. Les partis politiques sont en crise. Ce n’est pas le cas dans tous les pays d’Europe.
« Au 2nd Tour, j’ai appelé à voter Emmanuel Macron. Je n’ai pas d’état d’âme sur le sujet. Je n’avais pas de sympathie particulière pour le personnage. Je n’ai pas oublié qu’il a servi les pouvoirs socialistes mais j’ai une aversion gaulliste pour l’extrême-droite. Je n’ai jamais confondu les enfants de De Gaulle et les enfants de Pétain. La réunification des droites, depuis l’Affaire Dreyfus, n’a jamais été ma tasse de thé.
« J’appartiens à une droite qui est dans le jeu républicain, qui n’est pas réactionnaire, qui est dans le camp de la modernité et qui n’a pas la nostalgie. Ce qui ne m’empêche pas d’être conservateur sur certaines mentions. Je suis de droite et je l’assume. Je n’ai jamais eu de problème avec Charles Pasqua. Parce qu’il disait les choses différemment d’Éric Zemmour. Parce qu’il était profondément gaulliste. Son gaullisme était né dans la Résistance.
« J’ai voté Emmanuel Macron sans état d’âme. Dire que j’en suis heureux aujourd’hui, c’est beaucoup dire. Ce qui m’a rebuté dans le macronisme, c’est plusieurs choses. C’est la verticalité absolue. Une forme de populisme mondain marqué par le mépris contre tous les corps intermédiaires, à commencer par le Parlement, par les élus locaux, par les Chambres de Commerce. Le 2ème élément, c’est la technostructure incarnée. Dans ce pays, la lutte contre la technostructure qui se sent légitime et les élus politiques est un vieux combat, qui existait déjà avant la Seconde Guerre mondiale.
« Avec Emmanuel Macron j’ai senti une Haute Fonction Publique avec le sentiment d’une certaine impunité. On l’a bien vu dans de nombreuses affaires liées à la crise de la Covid, par exemple, ou beaucoup d’autres. Vous savez dans l’Histoire, il y a eu des moments, y compris durant les pires périodes de notre Histoire, où l’on pensait s’être débarrassé des politiques pour agir au service de la France. Ces gens-là ont le sentiment de porter l’intérêt général.
« Comme avec Bruno Le Maire et cette obsession d’aller vite pour la réforme. Cette obsession d’abattre le Sénat. Cette obsession de finalement réformer le pays à brides abattues et au forceps. Cela est porté par la Haute Fonction Publique depuis très longtemps. Je ne fais aucun rapport avec la Seconde Guerre Mondiale. Je dis que l’élection d’Emmanuel Macron c’était cela.
« Je suis profondément décentralisateur, régionaliste. Jamais un gouvernement n’a été aussi jacobin. Jamais ce gouvernement n’a été aussi centralisateur. J’ai quelques connaissances dans le monde de l’éducation. Jamais les circulaires ne ce sont autant abattues sur les pauvres chefs d’établissements croulant sous les injonctions des directives et des circulaires. Ces raisons font que je m’en suis totalement éloigné et que j’espère fortement que Valérie Pécresse sera au 2ème Tour de la présidentielle. »
Vous êtes élu en octobre 2017 sénateur des Pyrénées-Atlantiques. Qu’avez-vous ressenti à ce moment-là ?
« À titre personnel, j’avais connu une épreuve douloureuse, 3 ans auparavant, par ma défaite aux élections municipales de Biarritz alors que je m’étais préparé à en être le maire. J’avais cru les gens qui me saluaient déjà comme maire. Ce qu’il ne faut jamais faire en politique. Cette défaite a été assez douloureuse. J’ai même pensé, à un moment donné, à quitter la vie politique locale.
« J’ai connu aussi, vous savez, les « emmerdements volent en escadrille » ! J’ai connu à ce moment-là quelques difficultés. J’ai été écarté brutalement par Madame Calmels de la liste des régionales dans une nuit des longs couteaux où j’ai été victime expiatoire de je ne sais quoi encore. J’ai été débarqué de mon poste de Secrétaire Départemental sous la pression de Madame Alliot-Marie auprès de Nicolas Sarkozy. J’ai été un des rares Secrétaire Départemental à ne pas être nommé référent lors de la primaire de 2016 ; pour les mêmes raisons. Bon. Vae Victis. Quand on perd une élection, c’est toujours difficile. Quand mes amis ont été me chercher pour que je sois le candidat de la majorité sénatoriale et de la droite républicaine aux élections sénatoriales, cela a été un moment heureux.
« Après, qu’est-ce que j’ai ressenti ? Une nouvelle étape avec la possibilité de servir différemment. Parce que lors de la campagne des élections sénatoriales j’ai découvert, ce que je ne connaissais pas, le rôle particulier des maires de petites communes qui n’est jamais imaginé sauf dans cette maison, sauf au Sénat. Ignoré de la Haute Fonction Publique. Ignoré même d’une grande partie du monde politique.
« J’ai découvert ces maires qui repeignaient eux-mêmes la salle de classe de leurs écoles, qui refaisaient le muret emporté par un camion la veille, qui tondaient la pelouse, nettoyaient les bas-côtés avec leurs équipes… Tout cela n’est ni perçu, ni quantifié, ni jamais reconnu. J’ai certaine commune qui ont 50 habitants dans le département.
« Je suis rentré dans la campagne en me demandant à quoi elles pouvaient servir. J’en suis sorti en me disant : « pourquoi on abattrait quelque chose qui fonctionne parfaitement » ? Du lien social qui ne coûte pas très cher. Une équipe d’animation au plus près du citoyen. C’était l’époque où l’on parlait que de commune nouvelle, que de regroupement.
« J’ai découvert quelque chose. J’ai découvert une nouvelle manière de servir. Avoir la chance d’ouvrir une nouvelle page à 60 ans c’est un bonheur. »
Comment vivez-vous votre expérience de sénateur des Pyrénées-Atlantiques ?
« Je la vis avec beaucoup de plaisir et un espoir : que le bail soit renouvelé. On verra bien en 2023.
« Dans cette maison j’ai trouvé, je crois, ma place dans mon groupe. J’ai trouvé, je crois, ma place beaucoup centrée sur les questions d’éducations. Après tout, que la Haute Assemblée utilise ma petite expertise sur le sujet n’est pas une mauvaise chose, je crois. Je ne suis pas le seul à donner des expertises sur le sujet de l’éducation d’ailleurs. C’est sur ces sujets-là que je pense avoir trouvé ma place et dans le groupe auprès de Bruno Retailleau et aussi auprès du président Larcher.
« Finalement, depuis la maternelle je ne serais jamais sorti de l’école. Ceci est un lot qui est le lot de beaucoup de professeur. Même si la vie politique m’a permis de découvrir d’autres horizons.
« Je vis mon mandat avec plaisir. En plus, avec un Sénat qui a été un réel contre-pouvoir face à un gouvernement et un président qui ne supporte pas les contre-pouvoirs. Le président Larcher dit toujours que le Sénat est indépendant par principe. Il ne cherche pas à être un contre-pouvoir. Il est indépendant parce que son calendrier électoral ne le lie pas à la présidentielle.
« Ce qui est le drame aujourd’hui de l’Assemblée nationale. Notre pays est officiellement une démocratie parlementaire, qui n’a plus d’élections législatives. Puisque l’élection législative n’est plus que la confirmation de l’élection présidentielle et dont la majorité présidentielle est une écurie au service du président de la République. C’était dans les germes de la Vème République mais le quinquennat et les personnes qui s’en sont occupé ont amplifié le phénomène de godillot à un point très pervers. Il y a eu une déviation de la Vème République. Quand l’élection législative se déroule dans le mandat d’un président de 7 ans, il n’y avait pas cohabitation. Mais même s’il y en avait une, les députés avaient leurs propres légitimités. Le Premier ministre était le Chef de la majorité. Un terme qui n’existe plus. C’est le président de la République qui est devenu le Chef de la majorité. C’était le rôle du Premier ministre jusqu’alors.
« Un des régulateurs de la vie politique française, de l’équilibre de la vie politique française, qui a disparu aussi avec l’arrivée d’Emmanuel Macron, c’est la réunion du groupe majoritaire le mardi matin à l’Assemblée Nationale. La célèbre réunion de la Salle Colbert qui faisait les délices du Journal de 13 heures. Où les députés revenus de leurs circonscriptions remontaient les informations et enguelaient les ministres lorsque c’était nécessaire. Cela assurait une régulation de la vie politique gouvernementale. On ne parle plus jamais de la réunion du groupe majoritaire du mardi matin. Les godillots gaullistes ont été dépassé par les marcheurs qui marchent à petits doigts sur la couture du pantalon.
« Le Sénat doit son indépendance par son mode d’élection. Le Sénat doit son indépendance parce qu’il est souvent constitué par des élus qui ont une grande partie de leurs vies politiques derrière eux, pas tous. Ce qui donne une certaine indépendance aussi par rapport à la discipline de partis. Tout cela créé un rôle particulier dans les Institutions, que certains veulent abattre.
« J’ai été très choqué par le dernier livre de Bruno Le Maire. L’efficacité ne peut pas tout commander. Voilà où Bruno Le Maire n’a rien compris à ce qui c’était passé avec la crise des Gilets Jaunes ou même les échecs dans la gestion de la crise contre la Covid. L’efficacité ne commande pas tout. Le dialogue, la concertation, les contre-pouvoirs sont nécessaire dans une démocratie. Le Sénat a résisté à cette logique. Qu’au nom de la rationalité, de l’efficacité on peut tout anéantir.
« Vivre mon mandat derrière Gérard Larcher, Bruno Retailleau, Philippe Bas, dans une forme d’affirmation du Sénat vis-à-vis de l’Assemblée Nationale aux ordres et au président ne supportant pas la bonne contestation. C’est un mandat riche. »
Quel bilan tirez-vous de votre mandat eu sein de l’hémicycle national du Sénat ?
« Je pense avoir pas mal travaillé sur des sujets liés à l’éducation, d’avoir pas mal travaillé comme rapporteur d’un projet de loi pour une École de la Confiance. Je pense que dans les 2 rapports que j’ai remis en matière d’éducation avec Françoise Laborde, qui n’est plus sénatrice aujourd’hui, sur la fonction d’enseignant et de directeur d’école, il y a des choses qui ont inspiré la politique du ministre Blanquer. Il a dit lui-même que ces rapports étaient inspirants.
« Ce sont aussi des mines, me semble-t-il, pour les candidats à l’élection présidentielle. C’est peut-être un peu prétentieux. En tous les cas dans le champ de l’éducation, je suis heureux de voir que Valérie Pécresse a pu reprendre un certain nombre d’idées qui se trouvent dans ces rapports sur l’attractivité du métier d’enseignant, sur comment l’on restaure l’attractivité du métier d’enseignant ? Comment on essaye de vivre plus d’autonomie pour les chefs d’établissements ? Comment on donne aux directeurs d’écoles une autorité suffisante pour aller vers cette autonomie des écoles ? De ce côté-là, je pense avoir un certain élan.
« J’ai essayé aussi de défendre les dossiers de mon département. Cela est l’autre version du rôle de parlementaire. »
Lors des élections départementales de 2021, vous avez été réélu pour la 5ème fois. Comment percevez-vous ce mandat renouvelé ?
« Je suis président de la Commission des Finances, ce qui me permets de conserver un regard sur la totalité des dossiers du Département, sur les équilibres financiers du Département.
« C’est une Commission d’observation, qui transite finalement la totalité des politiques départementales. Il y a une vice-présidente en charge des Finances. Je ne suis pas dans l’exécutif. La loi l’interdit. Je ne vais pas m’attribuer des fonctions que je n’ai pas. Je préside une Commission mais je ne pilote pas la politique des Finances, c’est l’attribution du président Lasserre et de sa vice-présidente en charge des Finances.
« En revanche, ce que je constate, c’est qu’il y a eu une doxa dans ce pays, issue de la Haute Fonction Publique et de Bercy, qui était une désorganisation puissante et profonde de la vie politique et administrative française, qui porte en elle le regroupement massif des communes et la disparition des départements au nom d’une critique du mille-feuille, malhonnête dans son organisation. Parce que dans tous les pays on retrouve à peu près les mêmes niveaux, contrairement à ce que l’on dit. On était dans l’idée de commune nouvelle, de grande intercommunalité et des grandes régions.
« Ce quinquennat a été marqué par la crise des Gilets Jaunes, par la Covid. L’État s’est rappelé que sans les maires, il n’est pas grand-chose sur le territoire. Que lorsque le préfet signe une circulaire, elle arrive sur le bureau de la secrétaire de mairie pour sa mise en œuvre. L’État est souvent dépourvu de moyens pour mettre en œuvre les circulaires qu’il diffuse. Dans la crise des Gilets Jaunes, quand le pays était au bord de l’insurrection, quand le président de la République a fui au Puy-en-Velay, c’est vers les maires qu’il s’est appuyé pour apaiser le pays. Donc, les communes ont résisté. On est un pays où le fait communal remonte au Moyen-Âge.
« C’est le seul fait, dans l’organisation administrative du pays, qui est survécu à la Révolution française. Le fait provincial a été effacé mais pas le fait communal. Dans d’autres pays comme l’Allemagne ou l’Espagne, le fait provincial, régional, a traversé l’Histoire. Il est intangible. On ne peut pas toucher aux limites des Länders en Allemagne ; même Hitler n’y avait pas osé. Comme on ne peut pas toucher aux Autonomies, aux Provinces, en Espagne.
« Quant aux départements, dans la tête des gens, ils ont imprimé ce pays depuis 2 siècles. Il y a un attachement finalement au fait départemental qui a remplacé le fait provincial. On ne réorganise pas un pays contre son Histoire. On ne refait pas une carte administrative du pays sur un coin de table comme François Hollande l’a fait.
« La France est un drôle de pays qui a supprimé l’Alsace comme entité administrative, politique. Une région qui a une identité particulière, une culture particulière, une langue propre, une Histoire propre, un rapport à la France propre. Il n’y a qu’en Alsace que l’on parle des « français intérieurs » lorsque l’on parle des autres français. Tout cela a été balayé.
« C’est pour moi la quintessence du jacobinisme. C’est Mirabeau à petit bras. Je pense que cela ne résistera pas longtemps vu comment l’Alsace est en train de se reconstituer comme entité. Il n’y a pas de dessin du futur qui ne soit pas ancré dans l’Histoire. Ceux-là n’ont aucuns avenirs. Il n’y a pas de territoire, de projet qui ne s’ancre pas dans l’Histoire. Le Jacobinisme, depuis la Révolution française, est réducteur d’une Histoire mais l’Histoire le rattrape toujours.
« Emmanuel Macron, malgré ses tentatives d’itinérances mémorielles, s’inscrit bien dans cette vision destructrice de l’Histoire. Toujours dans la Start-Up Nation, celle qui parle anglais. Après l’on s’étonne que le pays ait des crises identitaires et que cela nourrisse le populisme. Puisque cela n’est plus porté par celui dont cela devrait être la fonction suprême. »
Comment vivez-vous cette pandémie ?
« Je sais que le Chef de l’État voudrait réduire le débat politique avec cette question pour apparaitre comme le grand protecteur comme l’on disait dans le Saint-Empire romain germanique. Le gouvernement a géré avec beaucoup d’erreurs mais il n’est pas le seul a en avoir fait. Qu’il s’enorgueillisse de son bilan, comme le fait Monsieur Véran et comme tentait de le faire Monsieur Blanquer jusqu’à une date récente, c’est un peu fort en café. Il n’y a pas de quoi rouler des mécaniques après les gestions que l’on a eu. Les gestions des vaccins, des maques, des protocoles…
« Je trouve qu’il y a une propagande démesurée, d’autosatisfaction permanente qui caractérise ce gouvernement sur un sujet où la modestie devrait l’emporter. Mais en sens inverse, je ne suis pas de ceux qui font un procès sur ce sujet parce que l’inconnue était permanente. Je vois bien la volonté du président d’enfermer les débats politiques sur la crise dans la Covid. Il appartient à ses adversaires d’en sortir pour le bien de la démocratie.
« Chaque élection présidentielle ne peut pas être volé aux Français par des raisons extérieures. Ce fut le cas en 2017, avec des affaires de justices et François Fillon. Cela ne peut pas être le cas une fois de plus. Comme le disait Philippe Seguin, un mandat est toujours façonné par le contexte de l’élection qui désigne celle, celui ou ceux qui vont être aux affaires. C’est l’élection qui détermine le mandat. Au 2ème tour de celle de 2017, les Français ont voté par défaut, pour éliminer. J’espère pour notre démocratie qu’il n’en sera pas de même en 2022. Les Français ont le droit à un vrai projet démocratique pour une alternance face au projet du candidat sortant. Après, ils choisissent. La pandémie ne peut pas être l’alpha et l’oméga de la vie politique française. »
Quel regard portez-vous sur l’année présidentielle dans laquelle on est entré ?
« À gauche, un éparpillement, un émiettement idéologique. Une gauche qui s’est perdue à force de défendre les minorités, de poser les débats sur la question du genre. À force de se perdre dans le wokisme, la gauche française a oublié 2 choses fondamentales qui constituent son ADN.
« D’abord la défense des plus démunis, de ceux qui sont défavorisés, de ceux qui sont sur le bord de la route. Je n’ai jamais été un adepte de la lutte des classes mais elle fut longtemps portée par la gauche. La lutte des genres a remplacé la lutte des classes. Après l’on est surpris que les classes les plus populaires du pays votent à l’extrême-droite. La gauche a abandonné ce terrain-là de manière vertigineuse.
« Comme elle a abandonné un héritage républicain, qu’elle portait très fortement. Qui était la singularité de la gauche française, peut-être. Qui pouvait participer à des formes d’internationalisme mais qui avait aussi une vraie fonte de patriotisme depuis la Révolution française incarné par Jean Jaurès, par Clemenceau, par Léon Blum, par Mendès France. Cette gauche qui croyait en l’universalisme français mais aussi qui était patriote a disparu. On le voit bien sur tous les sujets liés à la laïcité. Cette élection révèle une gauche qui s’est oublié.
« Cette élection révèle un pouvoir qui se voudrait le grand corps central de la société au risque que s’il était confirmé cette année, la prochaine alternance se fasse avec les populismes. Parce que pour être ce grand corps central, il faut faire disparaître la droite républicaine. C’est l’objectif d’Édouard Philippe. Si la droite républicaine disparait dans 5 ans, après 10 ans de pouvoir macronien, les Français chercheront l’alternance. C’est ainsi. 10 ans, ça suffit ! Comme l’on disait en ’68 au sujet du Général De Gaulle. Et Emmanuel Macron n’est pas De Gaulle. L’alternance sera où ? Quel est ce besoin morbide de vouloir détruire la droite républicaine, sinon pour rester au pouvoir ?
« En plus l’on constate une utilisation sans vergogne des moyens de l’État et une vraie servilité des médias en la matière. Qui ne laissait rien passer à Nicolas Sarkozy sur le sujet et qui baigne dans la complaisance lorsqu’Emmanuel Macron utilise tous les moyens de l’État, au service de sa campagne électorale. Si Nicolas Sarkozy en avait fait le 1/10ème, France Inter aurait été recouvert d’éditoriaux extrêmement indigné. Il faudrait réélire le roi, comme dans une cérémonie médiévale.
« La troisième remarque sur cette année c’est finalement que la surprise pourrait venir de la droite. Parce que les éditoriaux les plus savants, ceux qui changent le plus souvent, avait annoncé la mort programmée de la droite. C’était écrit. Il l’avait dit. Cela devait se produire puisqu’ils le disaient.
« On avait ricané, cancané sur Christian Jacob, sur LR, sur le Congrès. Finalement, une candidate est là. Elle joue le match. Elle est dans le match. Elle peut gagner le match. Ce qui n’était pas prévu. Comme à chaque élection le scénario prévu ne se réalise pas. Souvent à nos dépends. Cette fois cela sera peut-être, non pas au profit de la droite en tant que telle, ou de Valérie Pécresse en tant que telle, ce n’est pas cela qui est important. Mais pour la démocratie française.
« Il est important que l’on sorte de ce populisme mondain qu’incarne Emmanuel Macron, qui déstructure les fondamentaux de la démocratie française dans un pays qui est déjà en crise. Au Sénat, le clivage gauche-droite continue de fonctionner. Il est utile au pays. Il existe dans tous les pays du monde. Vouloir l’abattre, c’est abattre la démocratie.
« Je sais que ce que je dis n’est pas populaire. Les gens aimeraient tellement l’Union sacrée. C’est ce qu’Emmanuel Macron a essayé de leur vendre, l’Union sacrée. C’est la veille de la Guerre. Ce n’est pas la vie quotidienne de la démocratie. Sous les bombes à Londres, en 1940 ou 1941, le Premier ministre se faisait enguirlander par les députés à la Chambre des Communes. La démocratie continuait et les affrontements politiques continuaient. »
Quel rapport avez-vous avec les réseaux sociaux ?
« Celui d’un homme de sa génération qui ne prétend pas les maîtriser totalement. Qui en trouve un moyen de communication. Qui en abuse parfois peut-être. Mes collaborateurs trouvent que je tweet trop et que je diffuse trop de message sur Facebook.
« Pour le reste, je pense que c’est comme tout. C’est un outil qui peut être au service de la pire des choses, des pires penchants de la personne humaine. Qui ne sont pas l’apanage de notre époque mais qui sont l’apanage de tout temps. Mais qui est aussi un formidable vecteur d’information et de communication.
« Vous savez, j’appartiens à une génération où l’on disait beaucoup de mal de la télévision. Toute innovation génère à la fois une utilisation malsaine, une utilisation qui montre à la fois le pire du génie humain et le meilleur. Cela a toujours été le cas. La fusion atomique a été utilisé au service du pire et du meilleur. C’est la même chose avec les réseaux sociaux. C’est la même chose depuis les débuts de l’Humanité. »
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Merci à M. Kermen pour son aide précieuse à la réalisation de ce portrait.
Merci à M. le sénateur pour sa participation à ce portrait.