M. Jean-Louis Thiériot

Une Histoire seine-et-marnaise.

Chers Lecteurs,

Le mois de décembre s’installe dans la chaleur de l’hiver. Voilà le temps de reprendre un peu de lecture afin de continuer mes échanges auprès de vous. Je vous propose de bien vouloir continuer le chemin de l’entretien en prenant une nouvelle fois le chemin du Palais Bourbon. Je souhaite revenir avec vous sur le parcours d’un député issu du terroir francilien.

SciencesPo. C’est sur les bancs de la rue Saint-Guillaume, que notre interrogé effectuera ses études qui l’amèneront à l’obtention d’un Master.

Sorbonne et Assas. C’est en faisant le choix du Droit et de l’Histoire que notre interrogé poursuivra ses études sur les bancs des Universités parisiennes avec l’obtention d’un DEA d’Histoire et d’un DESS de Droit Communautaire.

Barreau de Paris. C’est au sein de la profession d’avocat que notre nouvelle personnalité débute sa carrière professionnelle en rejoignant le Cabinet du Bâtonnier Lussan.

Beauvoir. C’est au sein de de cette petite commune seine-et-marnaise que notre interrogé fera ses premières armes en devenant le maire de la Commune en 2008.

Député-suppléant. La confrontation directe avec l’Hémicycle national a lieu en 2012 lorsqu’il devient le suppléant de M. Jégo sur la 3ème circonscription de la Seine-et-Marne.

Conseil Départemental de Seine-et-Marne. Dans cette continuité, le mandat local se concrétise en 2015 lorsque notre interrogé devient conseiller départemental.

Président du Conseil Départemental. Suite au décès brutal de M. Barbaux, notre interrogé se retrouve a dirigé le bateau du Département de la Seine-et-Marne en 2018.

M. Jégo. Le parcours de notre interrogé prend une nouvelle tournure lorsque l’ancien ministre décide de démissionner de son mandat de député en juillet 2018. C’est alors que l’expérience présidentielle au Département prend brusquement fin et son entrée au Palais Bourbon prend une tournure réelle.

#Circo7703. Dans la continuité de son parcours électoral, notre interrogé prend le chemin des urnes en se portant candidat aux élections législatives de juin dernier pour la 3ème circonscription de la Seine-et-Marne. Sa victoire lui permettant de conserver son siège et de participer ainsi aux travaux de la Commission Défense de l’Assemblée nationale.

Je vous laisse découvrir le portrait de M. Jean-Louis Thiériot, député de la 3ème circonscription de la Seine-et-Marne.

M. Jean-Louis Thiériot, député de la 3ème circonscription de la Seine-et-Marne – ©Romain BGB.

Ce portrait a été réalisé lors d’un entretien dans un café parisien le 12 octobre 2022.

Bonne lecture !

@romainbgb – 09/12/22

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Biographie express de M. Jean-Louis Thiériot :

*1969 : naissance à Paris.

*1988-1993 : diplômé de Sciences Po Paris.

-DEA d’Histoire à l’université de Paris IV – Sorbonne.

-DESS en Droit communautaire des affaires à l’Université de Paris II – Assas.

*depuis 1997 avocat au Barreau de Paris.

*mars2008 – avr.2018 : maire de Beauvoir (Seine-et-Marne).

*juin 2012 : élu suppléant du député de la 3ème circonscription de la Seine-et-Marne, M. Jégo.

*depuis 2015 : conseiller départemental de Seine-et-Marne.

*Octobre 2017 – mars 2018 : 1er Vice-président du Conseil Départemental de Seine-et-Marne.

*janv.2017-juil.2018 : Vice-président de la Communauté de Communes Brie des Rivières et Châteaux (Seine-et-Marne).

*juin 2017 : élu suppléant du député de la 3ème circonscription de la Seine-et-Marne, M. Jégo.

*2017-2018 : auditeur à l’INSHEJ (devenu CHEMI) Sécurité intérieure et Justice (promotion Arnaud Beltrame)

*mars – juil. 2018 : président du Conseil Départemental de Seine-et-Marne.

*juil.2018 : devient député de la 3ème circonscription de la Seine-et-Marne, suite à la démission de M. Jégo.

*2019-2020 : auditeur à la 72ème session nationale Politique de Défense de l’IHEDN.

*juin 2022 : élu député de la 3ème circonscription de la Seine-et-Marne.

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À quoi rêvait le petit Jean-Louis lorsqu’il était enfant ?

« J’ai rêvé de la France très jeune. J’ai eu la chance d’avoir une éducation qui portait des valeurs, des traditions militaires. Je devais avoir 7 ou 8 ans lorsque j’ai découvert Corneille avec Le Cid ou Horace. Ce sont des textes qui m’ont énormément marqué. Avec Le Cid, pour l’honneur, Horace pour la patrie et Polyeucte pour l’espérance, vous avez la trilogie qui a forgé ma prime jeunesse »

« J’ai toujours su qu’un à moment ou un autre je m’engagerai pour le pays. Sachant que ma grande passion a toujours été l’Histoire avec toutes les grandes figures de France et d’Europe. C’est dans cette direction que j’ai ensuite orienté mes études. »

 

Comment est née votre rencontre avec la politique ?

« C’était une évidence. Il y a beaucoup de manières de servir son pays. Je ne vais pas être limitatif. Mais quand on veut y prendre sa part, on y réfléchit très jeune et moi ça a été à travers l’Histoire.

« En famille, j’avais un grand-père qui me faisait écouter les discours du Général De Gaulle. Je suis entré en hypokhâgne à 16 ans. J’avais déjà la volonté de servir mon pays en faisant un jour de la politique. »

« Mais j’ai toujours eu la volonté d’acquérir d’abord une expérience professionnelle dans la « vraie vie », et pour ma part, ça a été comme avocat dans le privé. La politique n’est pas un métier. La politique est un service. On a d’abord une vie professionnelle. On prouve d’abord que l’on arrive à faire quelque chose. On s’engage ensuite dans la vie publique. En ce qui me concerne, il n’y a pas eu de moment clef. La question qui m’habite a toujours été de savoir comment l’on contribuait au bien commun, comment servir son pays. »

« Si vous voulez un traumatisme politique : c’est le 10 mai 1981 où j’ai un grand-père qui m’a emmené Place de la Bastille en me disant : « voilà comment commence les révolutions ! » C’est vrai qu’en 1981, le choc c’était d’éviter que le pays ne sombre dans ce que nous considérions comme une menace socialo-communiste, mais en réalité nous nous sommes trompés. François Mitterrand a tué le Communisme en fait. C’est ce qu’il a pu faire de mieux. Cela a été un moment fort pour moi. »

 

Que retenez-vous de votre passage à SciencesPo ?

« Les études qui m’ont le plus façonné ont été mes années d’hypokhâgne et de khâgne. En particulier les cours d’Histoire avec Dominique Borne, fils d’Etienne Borne, le grand dirigeant politique chrétien-démocrate, qui m’a pris sous son aile. Pendant un après-midi il m’a appris ce que c’était qu’une dissertation. Je ne savais pas en faire. D’un seul coup, cela a très bien marché parce qu’il m’a formé. Il a été l’un de mes maîtres.

« SciencesPo a été dans la continuité de ce que j’avais fait avant. En revanche, il y a des personnalités qui m’ont marqué. Les cours d’Hélène Carrère d’Encausse sur la Russie ont été extraordinaires. Jacques Rupnik qui avait ce génie de l’Europe Central qui l’exprimait en faisant vraiment le mix de la culture, de cette singularité de la Mitteleuropa, de ce « résidu d’Empire » dont parlait Georges Steiner. Cela a été l’un de ces moments de grâce. En sortant d’un de ses cours, vous vous sentiez plus intelligent que lorsque vous y étiez rentré. »

 

Que retenez-vous de vos années d’étudiant en Histoire et en Droit ?

« En Histoire, grâce à l’hypokhâgne et à l’admissibilité à Normale Sup’, on avait des équivalences. Je n’ai passé que les examens finaux de la Licence. Ensuite, pour la Maitrise et le DEA, c’était des mémoires de recherche.

« Je n’ai fait que mes études de Droit à Assas qu’en examen finaux. Je n’ai jamais mis les pieds à la fac de Droit. Sauf en DESS où j’ai fait un DESS en Droit Communautaire des Affaires à Assas où j’ai été Major de la 1ère promotion de Droit Européen des Affaires dont le fondateur était Louis Vogel, aujourd’hui membre de l’Institut et maire de Melun, dans mon Département. Comme quoi, les hasards se croisent. C’est toujours drôle de retrouver, en fonction, quand on est plus tard président de Département, celui qui a été votre Maître à Paris II. »

 

Que retenez-vous de votre expérience d’avocat au Barreau de Paris ?

« Plusieurs choses.

« D’abord j’ai eu la chance d’être dans un Cabinet où j’ai été successivement stagiaire, collaborateur et associé. C’était celui du Bâtonnier Lussan, qui était des vieux Bâtonniers qui marchaient très bien en faisant de la Culture Générale un des éléments majeurs du Cabinet. C’était l’époque où l’avocat était d’abord un homme cultivé, d’abord un humaniste et quelqu’un qui portait cela.

« Après, j’en retiens quelques expériences très simples.

« 1/Il n’y a que le travail qui compte. M. Lussan était le fondateur du Cabinet mais était déjà un vieux monsieur de 85 ans. C’était François Martineau qui en était le gérant. Il avait transmis le message à tous ses jeunes collaborateurs : « tu manges ce que tu tues ! » En clair, le contraire du droit à la paresse, sans mauvais esprit. Cela a vraiment été la philosophie initiale.

« 2/L’exigence de clarté. C’est-à-dire avoir un raisonnement. On le voit dans une époque où l’on plaide de moins en moins. Ce qui marche c’est la clarté dans l’analyse. C’est-à-dire la bonne vieille rhétorique par écrit, qui marche toujours très bien, l’exposé des faits, l’illustration, l’application au cas de l’espèce et la réfutation de la thèse adverse. En contentieux administratif, face à de nombreux confrères qui ont perdu cette méthode, dont les écritures sont souvent vaseuses, c’est un outil d’efficacité redoutable. Cet outil-là, je l’ai appris dans cette exigence que l’on avait vis-à-vis de l’écrit, vis-à-vis de nous-même, vis-à-vis de nos clients. De ce point de vue-là, cela a été une expérience absolument irremplaçable. »

 

Comment s’est passé votre première expérience d’élu local en devenant le maire de Beauvoir ?

« Là encore pour moi c’était une évidence. Ma famille a une maison là-bas depuis la fin du XIXème siècle. J’ai été élu très jeune, dès 1995 je crois, conseiller municipal. Tout ceci en parfaite entente avec le maire de l’époque. On se connaissait très bien. Il allait de soi que j’avais vocation, lorsque lui s’arrêterait, que je brigue sa succession. En 2008, c’était son 5ème ou 6ème mandat. Il avait été le plus jeune maire de France. Il a souhaité arrêter. Tout cela s’est fait naturellement. Visiblement dans de bonnes conditions parce qu’en 2014 j’ai été réélu avec 100% des voix dans cette petite commune où, généralement, c’est le maire que l’on raye. Cela veut dire que le travail avait été fait.

« C’est un mandat dans une petite commune rurale. Je pense que c’est différent dans une grosse commune. Là, c’est un mandat extraordinaire. C’est-à-dire que vous avez vraiment à gérer toutes les difficultés concrètes. Vous vous rendez compte de ce qu’est le quotidien de tout un chacun parce que vous n’avez pas de service technique. Quand on a fait l’assainissement dans ma commune, qui a été le gros chantier de la première mandature, je n’avais pas de service technique. J’allais à toutes les réunions de chantiers. Quand on avait un problème, c’était au maire de le résoudre.

« C’est l’expérience du bénévolat parce que lorsque vous avez des soucis, type dépôts sauvages, ce sont les conseillers municipaux avec le maire qui prennent la pelle pour enlever. C’est vraiment la belle expérience de la République à hauteur d’Homme, pleine de bienveillance.

« Beaucoup de petits contentieux sont réglés par l’écoute. C’est-à-dire que l’on peut dire non aux gens. Le rôle du maire c’est d’être capable de dire non aux gens. À chaque fois que l’on dit non, c’est d’expliquer pourquoi il dit non et d’expliquer que cela n’est pas la personne qu’il a en face de lui dans le nez mais que c’est la même règle qu’il applique à tous.

« Cela vous apprend à faire tourner une collectivité dans une petite commune avec 3 francs 6 sous. Le budget de la commune de cette année est de 135 000 €. Avec ce budget-là, quand vous avez déjà un secrétaire à mi-temps, il faut vraiment faire très attention. C’est une école de bonne gestion. On a toujours eu un budget en excédent. On n’a jamais augmenté les impôts jusqu’à cette mandature. Comme quoi l’on peut arriver à faire. Je pense que cela est l’une de mes grandes forces aujourd’hui à l’Assemblée, c’est que je sois l’un des très rares députés à avoir été maire d’une si petite commune. »

 

J’ai scindé en 2 votre passage au Conseil Départemental. Que retenez-vous de 1ère étape au sein du Conseil Départemental seine-et-marnais entre 2015 et 2018 ?

« Encore une fois, je pense que c’est l’ordre naturel des choses. L’action politique c’est un apprentissage. Je pense que l’une des difficultés, l’un des éléments d’arrogance qu’il y a pu y avoir dans la vague qui est arrivée en 2017, c’est ce manque d’apprentissage qui aboutit à un manque d’humilité. La politique c’est découvrir très vite que l’on fait de son mieux, qu’avec de la volonté l’on peut résoudre un certain nombre de problème, mais pas tout. Il faut de la ténacité. Il faut du temps. Ce n’est pas d’un claquement de doigt que l’on change les choses.

« Je porte les intérêts et les causes de mon territoire, le canton de Nangis. Avec ma binôme, nous avions fait un choix fort qui était que l’on ne promet jamais que ce que l’on peut tenir. C’est-à-dire que j’avais notamment sur mon territoire 2 communes, Guignes et Mormant, qui avaient absolument besoin d’un contournement. Cela signifie 20 millions. J’étais conscient que l’on ne pouvait absolument pas mobiliser sur une mandature 40 millions pour un seul canton. J’avais annoncé très clairement que le plus urgent, Guignes, nous le ferions. Pour Mormant que ça serait probablement pour la mandature suivante. Aujourd’hui, les travaux ont commencé. Parole donnée, parole tenue.

« Cela a vraiment été dans tous les domaines, le mode de fonctionnement. On essaye de résoudre les problèmes. J’avais mis en place, dès cette époque, des permanences toutes les semaines, en étant déjà très présent sur les 46 communes du canton.

« Le président de l’époque, Jean-Jacques Barbaux, m’avait demandé de prendre en charge les fonds structurels européens. Du temps des socialistes, on récupérait 300 000€ au titre du FSE. En un an, on est passé à 3 millions. On a traité cela totalement différemment.

« Jean-Jacques Barbaux m’a ensuite demandé de devenir 1er Vice-président lorsque Jean-François Parigi a été élu à l’Assemblée. J’ai été élu 1er Vice-président. Hélas, est arrivé ce qui est arrivé. Cela a été une véritable blessure avec la perte de cette personnalité qui fait partie de ceux qui m’ont marqué en politique. Jean-Jacques Barbaux décède md’une crise cardiaque à 65 ans. C’est comme cela que je me retrouve élu par mes collègues et à reprendre le bateau en main. Si vous voulez être président de Département dans des conditions normales, cela m’aurait fait très plaisir. Être président de Département dans ces conditions-là, tragiques, c’est très lourd. »

 

Comment avez-vous vécu votre passage à la Communauté de communes Brie des Rivières et Châteaux ?

« J’étais dans la Communauté de communes d’alors qui était celle de la Brie Centrale. L’intercommunalité c’est bien, à condition que cela soit volontaire et que ce ne soit pas des mariages forcés. Là, celle de Brie des Rivières et Châteaux a été la conséquence de la loi NOTRE qui interdisait les petites intercommunalités. On a eu cette Communauté de communes. On a eu un vrai mariage forcé avec 3 Communautés de communes différentes qui ont fusionné. Chacune se trouvant très bien avec elle-même.

« La chance que l’on a c’est d’avoir un président, qui est toujours le même, Christian Poteau, absolument remarquable. Il a réussi à donner une dynamique collective à 3 Intercommunalités qui tiraient dans des sens différents. Aujourd’hui, je crois que l’on peut vraiment dire qu’il y a une dynamique communautaire assez remarquable.

« Avec mes différents ouvrages et mes actions précédentes, j’ai été mandaté Vice-président pour la Culture. On a développé la Culture où j’avais un guide très précis. C’est-à-dire que l’idée c’est de rendre accessible aux plus grands nombres les grandes œuvres de l’Humanité.

« La politique culturelle, le but ce n’est pas de subventionner des associations. Le but de la politique culturelle c’est de faire en sorte que le gamin qui habite Beauvoir, Coubert ou Féricy puisse avoir accès à tout le panel de la richesse culturelle qu’aurait nécessairement le jeune qui habiterait à Paris – VIIème. On a mis le turbo sur la lecture publique, c’est-à-dire les Bibliothèques. On a le turbo sur la musique classique. Allez écouter des concerts de Rock ou de Rap, ils peuvent y aller tout seul. Allez écouter du Vivaldi, cela peut être plus compliqué. On a fait cela avec 2 associations : Les Concerts de poche et Orchestre Symphonique en résonnance. On a des concerts répartis sur le territoire mais surtout des ateliers dans toutes les écoles du territoire.

« Vous vous dites que vous pouvez faire des choses extraordinaires. On a fait cela autour de la musique de chambre. Un trio de Vivaldi ce n’est pas ce qui peut apparaitre comme le plus stimulant. Je me rappelle de 200 enfants assis en tailleurs dans le Gymnase de Guignes en train d’écouter de la musique de chambre. Vous vous dites c’est génial, on peut vraiment faire des choses ! Cela créé aussi de l’identité. »

M. Jean-Louis Thiériot, député de la 3ème circonscription de la Seine-et-Marne – ©droits réservés.

 

Vous avez été le suppléant de M. Jégo à la députation. Vous devenez député en 2018, suite à sa démission. Comment avez-vous vécu ce moment ?

« Le moment a été une grande surprise. L’idée était que lorsqu’il arrête, je lui succède. On en avait parlé ensemble. Mais l’idée n’était pas du tout que cela se fasse en cours de mandat. Pour ma part, j’avais accepté de prendre la présidence du Département parce qu’évidemment dans mon esprit j’avais du temps devant moi. Il n’y avait aucune raison… Yves Jégo a fait ce choix de carrière. Très bien. Je m’étais intellectuellement préparé à être député.

« Ce n’est donc pas tant le fait de devenir député qui a été compliqué. C’est d’abandonner un bateau dont je venais de prendre la barre. Après, c’est la vie et quand les circonstances commandent, on ne se dérobe pas. Je l’ai fait. Honnêtement, aujourd’hui, je n’ai pas de regret. Je suis aujourd’hui toujours conseiller départemental et président de la majorité départementale. J’y suis encore très actif. Jean-François Parigi est revenu au Département : nous avons la chance de l’avoir à la tête du Département, c’est un homme exceptionnel, un homme d’autorité, un homme de terrain, un homme d’enracinement.

« Franchement, voir le Département entre de bonnes mains et faire ce que je crois pouvoir apporter ici au niveau national et surtout à la Commission Défense c’est assez satisfaisant. »

Ce qui nous ramène à la 2nd séquence au Conseil Départemental. Comment avez-vous vécu votre présidence du Département seine-et-marnais ?

« J’ai essayé de mettre en pratique, je crois avec quelques résultats, ce que j’ai toujours considéré être à la base de l’action publique.

« C’est-à-dire, 1/ s’interroger sur le sens de l’action. Toute chose que l’on fait, on se demande si c’est utile ou pas. Lorsque vous faites une revue générale de tout ce que fait un Département, vous pouvez voir des choses utiles ou des choses moins utiles. Le sens de l’action.

« 2ème élément, nous avons des fonctionnaires dévoués très majoritairement. Mais quand vous ne leurs donnez pas une direction claire ou quand vous ne mettez pas en place des objectifs et des points d’étape, le sens de l’action peut se brouiller. Ma méthodologie a été de dire « Je vous fais confiance. Mais dans 15 jours vous venez me rendre compte ». J’ai vraiment mis cela en place au niveau du pilotage du cabinet. Cela a changé les choses.

« 3ème élément, c’est de dire aussi à toute son équipe vous n’êtes pas là pour me flatter. Vous êtes là pour me dire la vérité. C’est toute la difficulté de fonction exécutive qui commence à arriver à un certain niveau. Notre Département c’est 5 500 fonctionnaires. C’est l’équivalent d’un petit ministère. Très vite, vous pouvez avoir des phénomènes de cour – on va dire – qui se mettent en place. Cela permet toujours de garder les mains dans le cambouis, en allant dans les services, en voyant comment cela se passe.

« Si vous voulez, pour prendre un seul exemple, quand j’arrive je découvre que le coût moyen pour un mineur étranger non-accompagné, qui arrivaient en nombre en Seine-et-Marne ou parce que les cellules nationales nous les envoyaient, était de 189€/jour. Ce qui fait 5 à 6’000€/mois. C’est-à-dire, en vrai, 5 SMIC pour un jeune entré clandestinement sur le territoire national. Moi face à cela, je dis à mes services que cela n’est plus possible. Il faut que l’on regarde avec les associations qui les accueillent. En 4 mois, puis je continue toujours à présider la cellule qui s’en occupe, on est passé de ce tarif à de mémoire 89€/jour. C’est-à-dire que l’on a économisé 100€/jour. Cela, c’est de la volonté. Vraiment, oui on peut agir.

« C’est là où vous mesurez toutes les lourdeurs de l’administration. La philosophie du service du public, dans lequel il y a une dimension de service public, c’est toujours d’avoir une administration de mission. C’est-à-dire de se demander pourquoi on agit ? Une administration de mission et non pas une administration de gestion (faire du CERFA pour rien) c’est mon credo. »

 

Que retenez-vous de formation d’auditeur à l’INSHEJ et à l’IHEDN ?

« Cela rejoint une préoccupation générale que je porte, liée à à mon expérience d’officier de réserve et à mon grand intérêt pour les questions géopolitiques et de sécurité. Et pour cette réalité importante qui est le continuum sécurité intérieure – sécurité extérieure. Surtout qu’en 2017 on n’avait pas encore le risque de Haute Intensité que l’on a aujourd’hui.

« Quand j’étais Vice-président du Département en 2017, j’avais fait l’INSHEJ sur l’aspect sécurité intérieure. Cela élargit la maîtrise que je pouvais avoir sur les sujets de pratiques policières et de sécurité civile.

« L’IHEDN, c’est dans le choix que j’ai fait à l’Assemblée nationale d’être à la Commission Défense. On ne travaille bien qu’en étant compétant. Je pense que chacun doit faire sienne la devise de Saint-Cyr : « Ils s’instruisent pour vaincre. » Et bien, nous il faut que l’on s’instruise pour être bon. C’est pour cela que j’avais demandé à y être auditeur. Cela donne une vision globale au niveau des enjeux géopolitiques et de défense.

« Je rajoute qu’il y a des civils et des militaires. Il y a donc une fraternité d’armes. Le terme est peut-être un peu exagéré mais il y a quand même un peu cela. Des liens se nouent entre civils et militaires qui exercent – ou exerceront – de hautes responsabilités. Dans mon comité, il y en a déjà deux qui sont « étoilé ». Quand vous crapahutez ensemble dans les bruyères de Saint-Astier, le lien est forcément plus fort que des rencontres institutionnelles que vous pouvez avoir à la Commission Défense ou plus mondaines à un cocktail chez le Gouverneur de Paris.

« l’IHEDN est vraiment un très bel outil de l’esprit de promotion de l’esprit de défense et de résilience de la Nation. »

M. Jean-Louis Thiériot, député de la 3ème circonscription de la Seine-et-Marne – ©droits réservés.

Quel regard portez-vous sur la campagne présidentielle de 2022 ?

« Je pense que le président de la République a été aidé par le phénomène « around the flag », c’est-à-dire la guerre en Ukraine. On fait confiance à celui qui tient la barre. Honnêtement, dans cette crise-là, qui la tient plutôt pas mal. On va dire que les Français ont choisi la continuité et la sécurité.

« Après, il y a eu une difficulté d’incarnation dans la campagne de Valérie Pécresse mais qui n’est pas dû uniquement à Valérie Pécresse en tant que telle mais peut être à un manque de vision. Tant que l’on n’aura pas donné une vision claire de notre politique, une vision ordo-libérale qu marche sur deux jambes avec l’ordre et la liberté, on n’y arrivera pas. En tout cas c’est ma vision pour le centre-droit. La liberté économique mais avec de la régulation, de la sécurité et les héritages culturels. Le tout assumé, sans coup de menton, en contenant ce que l’on a dit. Ce qui est plutôt utile en politique. On revient sur « promesse donnée, promesse tenue », ma devise au Département. »

Vous avez été élu député de la 3ème circonscription de Seine-et-Marne en juin. Comment avez-vous vécu ce moment ?

« Je dirais que cela a été un bonheur serein et une humilité dans l’action.

« Vous êtes tellement à fond. C’est un moment de bonheur, je ne vais pas vous dire le contraire, mais ce n’est pas du tout un moment d’euphorie. Vous êtes tellement à fond, que vous ne réalisez pas totalement. Surtout, ce n’est vraiment pas une figure de style, vous mesurez, en prime j’étais député sortant, la responsabilité vis-à-vis du pays et pour être moins pompeux, je dirais du territoire.

« Ce qui est un vrai bonheur lorsque vous êtes député, c’est quand il y a un problème compliqué sur un territoire d’arriver à porter des solutions. Mais vous savez bien que sur dix dossiers que vous traitez, il y en a (je donne le chiffre au hasard) 50% où vous trouvez une solution et 50% où vous n’en trouvez pas. L’idée c’est d’être à la hauteur. Je crois que c’était une devise de Guillaume d’Orange qui disait : « ne pas décevoir. » C’est ce qui résonnait dans ma tête. »

M. Jean-Louis Thiériot, député de la 3ème circonscription de la Seine-et-Marne – ©droits réservés.

 

Quel regard portez-vous sur votre expérience et votre rôle de député ?

« Plusieurs rôles sont complémentaires. Il y a le rôle juridique et puis il y a le rôle réel.

« Le rôle juridique, et là j’enfonce des portes ouvertes, c’est de voter la loi, de l’amender et le travail en Commission. Voter la loi et amender, quand vous avez une majorité telle qu’elle était sous la précédente mandature, honnêtement le rôle d’un député d’opposition était limité. Là, c’est totalement différent. On a une nouvelle configuration dans l’hémicycle. On arrive à faire passer des amendements. On peut vraiment retrouver un parlementarisme utile.

« Le travail en Commission, je pense qu’il est essentiel et qu’il faut s’y engager. Je peux vous garantir que l’on a pu obtenir déjà sur la précédente mandature, et je vais continuer, des résultats sur la politique de Défense grâce au travail en Commission, je pense à l’équipement de la Gendarmerie où c’est ma mission parlementaire faite avec Benjamin Griveaux qui avait permis d’obtenir pour la gendarmerie des véhicules neufs et non pas une remise à niveaux de vieux véhicules qui dataient des années ’70.

« C’est 50% du travail de député. Pour moi, le plus important dans le travail d’un député, c’est la phrase d’André Santini : « c’est d’être la relation de celui qui n’en n’a pas. » Lorsque l’administration dysfonctionne, c’est quand même parfois le cas, quand on arrive à sortir quelqu’un d’un imbroglio administratif, vous vous dites que vous avez été utile.

« Quand vous avez une famille qui ne peux pas assister au mariage de sa fille parce que l’on met 6 mois à délivrer les passeports, que vous faites 3 interventions et que vous arrivez à récupérer un passeport, ce n’est pas glorieux, cela ne fait pas la Une des journaux mais vous vous sentez utile. Je crois que les députés, les élus locaux, sont des soupapes qui évitent que le pays ne s’embrase.

« Après, tout n’est pas rose. Je passe beaucoup de temps à ma permanence, il y a des sujets où l’on ne trouve pas de solutions, il y a des mécontents professionnels…

« J’ai été soutenu par 50 maires sur les 59 de ma circonscription. Cela est le résultat du fait que les élus locaux ont tous mon téléphone et savent qu’ils peuvent me joindre à tout moment. Pour moi le député est là pour servir son territoire. »

 

Quel rapport avez-vous avec les réseaux sociaux ?

« Les utiliser sans y être soumis. C’est vraiment un usage limité.

« Je fais moi-même toute ma communication sur les réseaux sociaux, sur Twitter et Facebook. Ce sont deux réseaux totalement différents. Facebook, c’est vraiment pour mon actualité locale, mes post sur Facebook sont vraiment apolitiques. C’est vraiment les gens et le territoire qui le suivent.  Twitter, c’est davantage le débat national.

« J’ai une règle : jamais de polémique sur les réseaux sociaux. Je déteste la politique des boules puantes, participer à des chasses en meutes, à des raids. J’ai en tête la phrase de François Mitterrand à l’enterrement de Pierre Bérégovoy, sur l’honneur d’un homme livré aux chiens. Je ne suis pas de ceux qui font cela. Quand certains le font et se prennent un jour un retour, je ne peux pas m’empêcher de me dire que ce n’est que justice. »

 

***

Merci à M. le député pour sa participation à ce portrait.

Merci à Mlle Delebecque pour son aide précieuse et sa bienveillance.

Publié par RomainBGB

Franco-sicilien né en Helvetie. Co-auteur de l'ouvrage "Dans l'ombre des Présidents" paru en mars 2016 aux éditions Fayard.

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